«L’heure est à la reconstruction de la Fesci»

 Mian Augustin

Il a pris les rênes de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci), en 2008. A l’occasion de la commémoration des 25 ans de l’association, Mian Augustin, le secrétaire général du syndicat en poste lors de la crise électorale, fait des confidences.

Mian Augustin demeure-t-il le secrétaire général de la Fesci?

Mian Augustin est toujours secrétaire général de la Fesci. Seulement, il s’en va bientôt. Mais comme vous le savez, le départ d’un secrétaire général de la Fesci suscite toujours beaucoup de passion. Certains, de par leur comportement anticipent les choses et sortent par moments des rangs. Et si on n’y prend garde, le désordre et la violence s’installent en notre sein. C’est dans cet esprit que j’ai décidé de rentrer dans un silence et avec beaucoup de tact et de diplomatie, pour sauver la face de la Fesci. Tout en évitant que les dérapages nous conduisent à la violence. Ceci pour dire que nous sommes en train de nous organiser pour que Mian puisse officiellement, devant l’opinion nationale et internationale, passer le flambeau.

Vous avez géré la Fesci dans un contexte très sensible, allusion faite à la crise post-électorale. Comment avez-vous vécu cette période au cours de laquelle vous étiez taxé de milice, de bande armée…?

Ça été une période pleine d’émotion. Nous avons traversé beaucoup de difficultés, à l’image de la Côte d’Ivoire. Jusqu’aujourd’hui, il y a encore des fescistes qui sont détenus en prison, nombreux sont hors du pays. De nombreux étudiants fescistes n’ont plus retrouvé le chemin de l’école. Aujourd’hui, nous sommes à l’oeuvre pour que les exilés rentrent au pays et que ceux qui sont en prison puissent recouvrer la liberté. Récemment, le Sg de Williamsville, le camarade Zahé, a été libéré. Nous menons les démarches avec beaucoup de sagesse, mais surtout d’humilité, auprès des autorités. A l’époque, c’était le ministre Bacongo. Et avec lui, nous avons su collaborer jusqu’à l’ouverture des universités qui avaient été fermées, au lendemain de la crise. C’est cela qui a facilité le retour sans heurts de la Fesci sur le campus. Parce qu’il fut un moment où les autres associations soeurs étaient réfractaires à notre retour sur le campus…

Ce rapprochement d’avec les autorités a amené vos camarades de lutte à vous qualifier de traître. Aujourd’hui, avec un peu de recul, que leur répondez-vous?

Chacun est libre de dire ce qu’il pense. Je suis et je demeure un partisan de la liberté d’expression et de pensée. Mais, il faut dire que cette attitude nous a sauvés. Avant même la crise, lorsque j’ai pris les rênes de la Fesci, j’avais placé mon mandat sous le signe de la maturité et de la responsabilité. On appelait même la Fesci ‘’Fesci choco’’ (Ndlr : classe et distinguée). C’était une philosophie. Nous sommes partis sur la base de ce que nous sommes des jeunes. Il fallait donc changer notre comportement qui faisait que nous étions catalogués négativement. Et qui faisait aussi que la Fesci ne répondait plus aux aspirations des élèves et étudiants. Il s’agissait donc pour nous de la ramener sur le chemin qui lui a permis d’avoir l’assentiment et l’adhésion de tous à l’époque. C’est-à-dire une Fesci consciente, respectueuse. Cela passait par le changement de comportement qui devait se ressentir aussi dans l’apparence physique (accoutrement…). Et cette attitude a prospéré parce qu’à un moment donné, les portes des autorités nous étaient ouvertes. Nous étions associés aux cérémonies d’intérêts nationaux. Les élèves et étudiants ont commencé à nous faire à nouveau confiance. Et avec le déclenchement de la crise postélectorale, tout est tombé à l’eau.

Quelle image avez-vous de la Fesci d’aujourd’hui, comparativement à celle des années antérieures?

La Fesci d’aujourd’hui traverse une période difficile. Mais chaque génération a sa mission. A l’époque d’Ahipeaud, c’était la naissance de la Fesci dans un contexte de démocratie naissante. En face, l’oppresseur était dans une dynamique d’étouffer la liberté d’expression, d’association. Mais le mouvement a résisté. Avec Soro, c’était encore des arrestations, des emprisonnements, etc. Mais, après tous ceux-là, et lorsque nous sommes arrivés, c’était dans un autre contexte. J’ai géré la Fesci de la crise, depuis la partition du pays. Il y avait en ce moment, un élan de patriotisme au sud du pays où nous nous trouvions. Et nous nous sommes inscrits dans cette mouvance. Les contextes ne sont donc pas les mêmes. Nous avons eu la chance d’avoir stabilisé le mouvement, depuis 2008. Ce qui a fait que nous n’avons pas été emportés par le mouvement national. Beaucoup de choses nous ont certes été reprochées, mais chacun a sa part de responsabilité. Et en tant que premier responsable de la Fesci, j’ai officiellement demandé pardon. Parce que j’assume mon histoire. Et il faut aussi que nous allions de l’avant. Mais, en même temps, je dis que la situation que le pays a traversée n’est pas le fait de la Fesci. Nous n’avons pas organisé d’élection. Nous n’étions pas candidat non plus. Nous avons, comme tout le monde, opéré des choix à un moment donné. Et nous les assumons.

Vous êtes donc d’avis avec ceux qui disent que la Fesci est aujourd’hui disloquée?

Pour dire vrai, la Fesci est en train de se reconstituer. Et cela s’impose. C’est pourquoi d’ailleurs je voudrais que mon départ s’opère dans un environnement apaisé, consensuel et non pas dans des querelles. Parce qu’au sortir de cette crise, la Fesci a été fragilisée. L’heure est donc à la reconstruction et au repositionnement de la Fesci.

Le Rdr demande la dissolution de la Fesci. Cela vous inquiète-t-il?

La dissolution de la Fesci a été demandée depuis des lustres. Maintes fois, elle a été dissoute puis réhabilitée. Ses activités ont été suspendues puis autorisées à nouveau. Nous sommes habitués à cela. Mais en même temps, nous nous sentons interpellés en tant que Sg. C’est pourquoi, nous faisons tout pour ne pas donner l’occasion aux gens d’en finir avec nous.

Quels sont vos rapports avec Assi Fulgence qui revendique aussi le titre de Sg de la Fesci?

L’affaire Assi Fulgence, c’est une question que je gère avec beaucoup de subtilité. Je ne voudrais pas que des gens en fassent une récupération qui va nous conduire au désordre.

A quoi s’attendre, à l’occasion de la commémoration de cet anniversaire?

Aujourd’hui, nous sommes éparpillés un peu partout. Donc, la célébration de cet anniversaire sera marquée par des actions éclatées. Nos amis des zones Centre, Nord et Ouest, envisagent de le faire autour d’une conférence de presse. Après 25 ans, il faut faire un bilan, réfléchir et donner des nouvelles orientations au combat. D’autres comptent le faire autour d’activités sportives, des retrouvailles, etc. Quant à nous, nous allons nous recueillir, prier Dieu parce que la Fesci a vu le jour à l’église. C’est donc une occasion de la confier à Dieu pour que la Fesci q ui est en proie aux difficultés, puisse retrouver son chemin, et demeurer le porte-étendard de la lutte pour l’amélioration des conditions de travail des élèves et étudiants. J’ai l’ai toujours dit, la Fesci doit être un instrument de développement au service de l’école.

Quel est le profil du leader idéal pour la Fesci aujourd’hui et les actions qui doivent être menées pour son repositionnement?

Vous faites bien de poser cette question. La Fesci a un quart de siècle aujourd’hui et elle a assez d’expérience. Les actions spontanées pour semer le désordre, la Fesci n’en a plus besoin. Il faut un leader qui soit en mesure de mettre cette expérience au service de l’école. Un leader qui unit, qui rassure les uns et les autres (parents d’élèves, élèves, partenaires de l’école…), qui initie des séances de formation syndicale, parce qu’on revient de loin. Figurez-vous que nous avons traversé une guerre. Et il se dit que la Fesci a pris des armes pour combattre. Faire la guerre, ce n’est pas rien. Il ne faudrait pas minimiser les chantiers qui nous attendent.

Quel est votre message à la grande famille fesciste pour le 25ème anniversaire?

La Fesci, c’est la mère de toutes les associations d’élèves et étudiants que nous connaissons aujourd’hui. A tous ceux qui sont en prison, nous pensons à vous. Nous nous inclinons devant la mémoire de ceux qui ont perdu la vie dans la lutte. A vous qui êtes hors du pays, beaucoup de courage. Fasse Dieu qu’un jour nous puissions nous retrouver autour de la mère patrie, la Côte d’Ivoire. Nos pensées sont tournées également vers les aînés, Ahipeaud Martial, Eugène Djué, Blé Guirao, Soro Guillaume, Blé Goudé, Jean-Yves Dibopieu, Kuyo Serge (paix à son âme), Koffi Serge, qui ont tous donné pour l’association. La Fesci est en train de faire sa mue. Tous ces soubresauts en notre sein, font partie de l’ambiance du mouvement. Mais nous voulons la stabilité. Parce que bientôt, ce sont les élections. Il ne faudrait pas que la Fesci soit encore citée dans quelque mouvement que ce soit. Joyeux anniversaire à tous. V ive la Fesci. Fesci toujours!

Réalisée par Elysée LATH

Source : Le Sursaut, mardi 21 avril 2015