Amadou Soumahoro était hier le troisième invité du ‘’Fauteuil blanc‘’, une tribune d’échanges avec la presse, du confrère Le Nouveau réveil. Le secrétaire général par intérim du Rassemblement des républicains (Rdr) a largement commenté l’actualité nationale. Nous vous proposons de larges extraits de ses échanges avec les journalistes.
LA VIE INTERNE AU RDR
A quand la tenue du congrès du Rdr ? Est-ce que le président Ouattara est toujours le président du Rdr ? Trois ans après son accession au pouvoir, est-ce que le Rdr attend d’avoir un Sg plein… ? Qu’en est-il exactement des clans qui se battent au Rdr ? Que fait la direction du Rdr pour la promotion des cadres et pour mettre fin à la grogne?
Il est vrai que nos amis du Pdci ont eu leur congrès, ceux de l’Udpci aussi. Il est vrai que le Mfa a organisé le sien. Je vous rassure que les partis se ressemblent, mais n’ont pas la même histoire. Le Rdr a son histoire que nous construisons en fonction de notre stratégie. L’objectif étant d’atteindre le but que nous recherchons. Je peux vous rassurer que le congrès aura lieu, mais aujourd’hui, nous sommes dans une autre stratégie de restructuration profonde de notre parti. Car le Rdr n’est plus un parti dans l’opposition. Nous sommes confrontés à des réalités nouvelles. Nous avons des apports nouveaux qui commandent un recadrage, avant la tenue d’un congrès. Si l’objectif du congrès est le renouvellement des instances du Rdr, nous disons que les instances actuelles ont la totale confiance des militants. Dans les prochains jours, nous annonceront une profonde restructuration des instances, du sommet jusqu’à la base. Et c’est au sortir de cela que nous envisagerons d’aller à un congrès. Je crois que je peux me permettre de dire que je suis secrétaire général par intérim et président par intérim. Ouattara est le président de tous les Ivoiriens. Il joue bien ce rôle. Il n’a jamais été partisan. Depuis qu’il est président de la République, il n’assiste plus aux réunions du parti et du Rhdp (Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix, ndlr). Il laisse le soin à son aîné, Henri Konan Bédié, de gérer le Rhdp. Ouattara reste le président de tous les Ivoiriens parce qu’il a une très haute idée de la neutralité. Au Rdr, il reste notre Manitou. Il est celui qui inspire nos actions et nous montre la voie. En général, lorsqu’on vous nomme intérimaire, vous bousculez parce que vous n’avez pas les pleins pouvoirs. Dans mon cas, ce n’est pas la même chose. J’ai les pleins pouvoirs dans mon statut actuel. En tant que secrétaire général du parti, je joue pleinement mon rôle. Aucun pouvoir exercé par un secrétaire général de notre parti ne m’est retiré. J’ai le pouvoir financier ; dès lors que je l’ai, je ne vois pas en quoi le mot intérim me choquera. Nos textes disent que c’est le président du parti qui choisit le secrétaire général. Une fois choisi, il est approuvé par le congrès. Je ne suis pas pressé pour cette question. Laissons les choses venir. Nous avons un chef dans notre parti qui regarde tout le monde travailler. Le problème de l’intérim n’est pas un obstacle pour nous au Rdr. Le moment viendra où la situation sera régularisée. Quand j’ai envie de relever quelqu’un, je le fais et il n’y a rien. Quand je te nomme, je te nomme ; je suis au travail et c’est Ouattara qui me jugera. Je ne crois pas qu’il y ait un clan Soro et un clan Hamed Bakayoko au Rdr. Dès qu’on accède au pouvoir, des personnes ingénieuses créent des situations artificielles. C’est normal qu’il y ait des grincements de dents dans une famille et des contradictions dans l’analyse de la marche du parti. Le Rdr est aujourd’hui un grand parti avec de grands cadres. Il est donc normal que le choc des intérêts ait lieu. Mais de là à parler de pro-Soro et pro-Hamed Bakayoko… ? Quand on est pro, c’est qu’on veut quelque chose. Nous sommes tous des pro-Ouattara au Rdr. Moi, je suis pro-Ouattara exponentiel plus x. Il est vrai que nous avons donné le sentiment qu’il y avait une guerre de succession. Mais il n’en est rien au Rdr. Nous ne sentons pas à l’intérieur du Rdr une compétition qui divise les militants. J’ai la responsabilité de gérer ce parti. Hier, (Guillaume) Soro, Hamed (Bakayoko), (Jeanne) Peuhmond, et moi-même, étions chez le Président. Je vous rassure qu’il n’y a rien. Nous ne sommes pas traversés par un courant.
IL N’Y A PAS DE BATAILLE DE SUCCESSION AU RDR
(…) On ne modifiera pas la Constitution après les deux mandats de Ouattara, mais on ne sait jamais. Le peuple peut le réclamer. Ouattara n’a pas fait cinq ans. En réalité, il n’a fait que trois ans. Au regard des actions posées, bon nombre d’Ivoiriens sont convaincus qu’il faut lui accorder un autre mandat afin qu’il termine son projet. (…) Le Rdr est un parti qui a une histoire différente de celle de nombreux partis politiques en Côte d’Ivoire. Depuis sa création, la lutte fut périlleuse et meurtrière. Beaucoup de cadres se sont investis pour obtenir une récompense, au cas où Ouattara accédait au pouvoir. Malheureusement, on n’arrive pas à satisfaire tout le monde au même moment. Il y a deux ans et demi que Ouattara est au pouvoir. Il n’a pas eu le temps de gérer son pouvoir. C’est ce qui explique ces grincements de dents à tous les niveaux.
Comment jugez-vous l’attitude des partis alliés ? Lancer des piques au Pdci répond-il à une stratégie ? Quel est l’objectif de cette stratégie ? On accuse le Rdr de tirer les ficelles en mettant le Mfa à mal. Que répondez-vous à cela ? Quelle réponse donnez-vous aux appels des alliés ?
Les accords de l’alliance autorisent tous les partis à présenter un candidat au premier tour s’ils le veulent. L’accord de Paris n’interdit pas que soit reconduit leur porte-étendard, si les autres partis constatent qu’il accomplit bien sa mission. L’accord de Paris consacre l’autonomie des partis. C’est au nom de cette indépendance que le débat fait rage à l’intérieur de certains partis politiques. Le débat est donc sain. Notre vœu est que tous les partis du Rhdp se mettent ensemble pour une candidature unique avec pour candidat, Ouattara.
UN POSTE DE VICE-PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE ? J’ATTENDS DE VOIR.
(…) C’est Bédié qui peut régler le problème d’Anaky. C’est un cri du cœur qu’il lance toujours. Ces cris ne sont pas de nature à ébranler le Rhdp. Dire que c’est le Rdr qui affaiblit le Mfa, est une accusation gratuite. Le chef de l’Etat dit toujours qu’un seul effort ne peut rendre fort le Rhdp. Un Mfa, Rdr, Udpci ou un Pdci fort ne peut aboutir à un Rhdp fort. Donc nous ne voyons pas pourquoi nous réduirons au silence le Mfa qui est l’un des maillons forts de notre alliance. Tous ceux qui rêvent de la dislocation du Rhdp se trompent. Il n’est pas un regroupement hétéroclite de partis. Nous sommes issus de la philosophie de Félix Houphouët-Boigny: le dialogue et la paix. Dans toute famille, on trouve toujours un enfant agité. C’est ce qui fait la famille. Quel que soit ce qu’Anaky dit, c’est pour le bon fonctionnement du Rhdp. Donc soyez rassurés, personne ne peut récupérer Anaky. Ses difficultés trouveront solutions bientôt. S’agissant des réglages à opérer au Rhdp, ce sont nos frères du Pdci qui en ont parlé. Mais, nous faisons confiance à nos présidents. Ils sauront trouver une réponse. A propos du poste de vice-président de la République, nous n’avons pas encore débattu de la question (le poste de la vice-présidence de la République, souhaité par le Pdci-Rda, ndlr). Mais je ne vois pas quel rôle pourra jouer le vice-président, à côté du Premier ministre. Une fonction doit être utile. Nous avons un Premier ministre brillant, qui travaille. Les chefs peuvent en décider autrement. Mais, pour l’heure, je ne sais pas quel sera sa feuille de route. Lorsque le contenu nous sera dévoilé, sûrement nous appuierons, mais pour l’instant, je ne vois pas l’opportunité de ce poste. J’attends juste des éclairages. Ceci dit, le Pdci ne veut pas nous pousser à la faute. Nous sommes complémentaires. Ce parti n’a aucun intérêt à pousser le Rdr à la faute. Les relations entre nos deux présidents sont empreintes de sincérité, de cordialité.
LE RDR, LA GESTION DU POUVOIR, LA RECONCILIATION
Emplois et bien-être, à quand les fruits des promesses du Rdr ? Le Président est-il celui de tous les Ivoiriens, quand il priorise rattrapage? La réconciliation est-elle vraiment une priorité pour le Rdr ? La combinaison Blé Goudé à La Haye et réconciliation tient-elle? Quel commentaire faites-vous de l’appel au boycott du recensement ?
Nous ne pouvons pas parler de quinquennat normal. Mais dans cette situation agitée, le président de la République a réussi des miracles. Il y a eu des tentatives de déstabilisation. Ouattara a prêté serment qu’il sera le garant de la sécurité et de la quiétude. En dépit de cette situation, il n’a pas perdu son objectif d’offrir des emplois aux jeunes. Beaucoup reste à faire, mais beaucoup a été fait. Cette promesse de création d’emplois sera tenue. Parlant de rattrapage, le président voulait signifier qu’il était temps de faire la promotion de la compétence et du mérite. Comme dans notre pays, nous avons l’art de prendre le raccourci, nous avons parlé de rattrapage ethnique.
Le Rdr est pour le rassemblement des Ivoiriens et la cohésion sociale. Ce n’est pas le seul cas de Blé Goudé qui doit être le seul facteur de réconciliation. Toutes ces libérations qui ont été faites, ces comptes dégelés doivent être pris comme des éléments devant favoriser la réconciliation. Affi a oublié beaucoup de choses. Il est tellement libre qu’il passe son temps à attaquer tout le monde. De nombreuses personnalités ont été libérées et le cas Blé ne doit pas entraver le processus de réconciliation qui ne doit pas aboutir à l’impunité, car si nous ne faisons pas attention, les victimes vont se transformer en bourreaux. On a tous vu Blé… Il a transcendé tous les totems. Il a bouleversé toutes les valeurs humaines dans ce pays. A un moment donné, les Nations unies lui ont interdit de quitter son pays. Il est allé trop loin… Il est allé au-delà de l’imagination. Que Blé soit arrêté, Ouattara n’accepterait jamais de lui donner un traitement inhumain. On le met en sécurité après l’avoir mis dans les bonnes conditions. Mais, ses avocats voulaient discréditer le gouvernement. Son transfèrement est une décision sage, car là-bas, il n’aura pas de traitement inhumain. De toutes les façons, Blé avait dit qu’il est « prêt » à aller à la Cpi. Maintenant qu’il y est, où est le problème ? En quoi cela peut-il gêner la réconciliation ? La leçon qu’il faut tirer, c’est que désormais, chacun doit assumer ce qu’il fait et dit. Le transfèrement de Blé ne va pas porter un coup à notre détermination et notre volonté d’aller à la paix et à la cohésion sociale.
A propos de la justice des vainqueurs. Pour nous, au Rdr, tous ceux qui ont commis des crimes ou sont impliqués doivent être appréhendés par les juges, même s’ils sont de nos côtés. Il appartient aux juges de faire leur travail. C’est pour éviter qu’on parle de justice des vainqueurs que Blé et Gbagbo sont à La Haye. Il faut donc que les juges fassent leur travail et le Rdr n’interviendra jamais dans le déroulement de la justice.
Ceci dit, la réconciliation va avancer, car la majorité des Ivoiriens veut la paix, ils ne veulent plus revivre ce qu’ils ont vécu pendant dix ans. Ils veulent revivre ensemble.
RDR ET ELECTIONS DE 2015
Comment allez-vous mesurer l’apport de chaque allié au cours des élections prochaines afin d’éviter des mécontentements autour du partage du gâteau ? Au regard des réformes à accomplir avant les élections, pensez-vous que la date de l’élection présidentielle sera tenue? Sans réconciliation, sera-t-il possible d’aller aux élections en 2015 ? Quelles sont les propositions du Rdr pour la recomposition de la Cei ? Alassane Ouattara est-il vraiment éligible, au regard de la Constitution?
Oui, j’ai dit que personne n’est content. Mais il faut relativiser. Depuis la prise du pouvoir par le Rhdp, chaque cadre aspire à une responsabilité. Tout le monde ne pouvait pas être ministre, Dg, Pca… Donc les grincements de dents au Rhdp, c’est normal ! Cela est humain. Le Pdci dit qu’il n’a pas eu grand-chose. Le Mfa dit qu’il est au chômage. L’Udpci ne se plaint pas, mais il parle. Donc tout le monde se plaint. Pour tous ceux qui ont été ministres, les nominations sont faites sous le regard d’un comité de nomination présidé par le Premier ministre. Nous pensons que la date de la présidentielle sera tenue, car, dans le fond, il n’y a pas de problème. La Cei est issue d’un accord ; elle devait nous aider à sortir de la crise. Il est normal qu’elle soit réduite de façon consensuelle afin d’aller à des élections. Nous n’y voyons pas d’inconvénient. En 2010, nous étions en insécurité et pourtant nous sommes allés aux élections. Le Rdr est d’accord pour la révision de la liste électorale. Nous souhaitons qu’elle soit revue pour qu’on y intègre tous ceux qui peuvent apporter la preuve de leur appartenance à la nation ivoirienne. On nous cite le Ghana en exemple. Nous sommes légèrement plus peuplés que ce pays. Nous avons du mal à nous dénombrer. C’est pourquoi je trouve anachronique le comportement de ceux qui s’opposent au recensement de la population. Le Rgph n’a rien à voir avec le recensement électoral. C’est à partir de là qu’on tire la liste électorale. Le Ghana a 12 millions d’électeurs. Nous sommes 6 millions d’électeurs. Je ne comprends pas comment on peut expliquer cela.
Pour la réforme sur la Cei, le Rdr attend qu’on lui fasse des propositions. Elle est d’abord une affaire de consensus des partis politiques et du gouvernement. Nous, nous attendons qu’on nous fasse des propositions. Et c’est à partir de ce moment que le Rdr réagira.
S’il n’y a pas de Rdr, quel parti du Rhdp peut gagner les élections ? Cela veut dire que nous sommes condamnés à vivre ensemble et à nous donner la main. Avec la réalité politique de notre pays, aucun parti à lui seul ne peut gagner les élections. C’est pourquoi il faut saluer cette alliance. Que Dieu fasse en sorte que rien ne la perturbe. Tant que les présidents des partis membres du Rhdp sont là, il n’y aura plus de querelles entre les enfants du père fondateur. Le Rhdp est encore au pouvoir pour dix ans, trente ans. Faites-nous confiance. Nous avons conscience de la force des partis qui la compose.
Ouattara est déjà candidat et il sera élu en 2015. Il répond au critère d’éligibilité de notre pays. Gbagbo lui-même l’a dit, l’article 15 et 35 (de la Constitution, ndlr) ont été faits pour écarter Alassane Ouattara. Cela a été dit au Forum de la réconciliation. Maintenant que Ouattara est au pouvoir, ce sera difficile qu’il ne soit pas candidat. Il a déjà annoncé sa candidature. Nous ne rentrons pas dans ce débat.
Propos recueillis par Bidi Ignace Coll. : Eric Diomandé
Source : Nord-Sud Quotidien, jeudi 27 mars 2014