La liberté pour tous ne saurait être le combat de la seule Russie. Les peuples africains doivent emboîter le pas aux Russes.
À partir du 1er janvier 2023, le Burkina Faso sera privé des avantages commerciaux de l’African Growth and Opportunity Act (Agoa). Instauré en 2000, l’Agoa permet à de nombreux produits africains de bénéficier de réductions de taxes à l’importation. La décision d’exclure Ouagadougou de l’Agoa a été prise parce que “le gouvernement du Burkina Faso n’a pas fait de progrès continus en vue d’établir le respect de l’État de droit et du pluralisme politique”.
Certains analystes pensent que la vraie explication se trouve dans la visite du capitaine Ibrahim Traoré à Bamako au Mali, visite qui a eu lieu un jour avant la décision de Washington qui verrait d’un mauvais œil le rapprochement des nouvelles autorités burkinabè avec celles du Mali, pays qui est en froid avec la France depuis que la Russie a pris pied dans ce pays. Ces analystes se fondent sur les propos tenus à Kampala le 4 août 2022 par Linda-Thomas Greenfield. L’ambassadrice américaine aux Nations Unies faisait la mise en garde suivante : “Si un pays décide de s’engager avec la Russie là où il y a des sanctions, alors il enfreint ces sanctions ; il enfreint nos sanctions et, dans certains cas, il enfreint les sanctions de l’ONU avec d’autres pays, et nous avertissons les pays de ne pas enfreindre ces sanctions parce que, s’ils le font, ils courent le risque que des mesures soient prises contre eux pour avoir enfreint ces sanctions.” Les Européens raisonnent-ils différemment ? Non. Voilà des gens qui prétendent être attachés à la liberté et à la démocratie mais qui ne sont point gênés de piétiner allègrement un sacro-saint principe du droit international : le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Nelson Mandela, qui tenait à ce droit comme à la prunelle de ses yeux, devait se rendre le 22 octobre 1997 à Tripoli. Or les États-Unis estimaient qu’il ne fallait pas rompre l’isolement international qui frappait le régime de Mouammar Kadhafi depuis 1992. “Comment peuvent-ils avoir l’arrogance de nous dicter où nous devrions aller ou quels pays devraient être nos amis. Il ne peut y avoir un État qui s’arroge le rôle de gendarme du monde. Si d’autres pays se laissent dicter leur conduite, l’Afrique du Sud ne le tolérera jamais.” Telle fut la réponse du premier président noir d’Afrique du Sud.
25 ans plus tard, c’est au tour de Vladimir Poutine de fustiger l’arrogance de l’Occident. Voici un extrait du discours qu’il prononça, le 30 septembre 2022 : “Après la chute de l’Union soviétique, l’Occident a décidé que le monde entier, que chacun de nous devait supporter à jamais ses diktats. L’Occident est prêt à tout pour conserver ce système néocolonial qui lui permet de parasiter, de dépouiller le monde grâce à la puissance du dollar et de la technologie, de percevoir un véritable tribut de l’humanité tout entière, de jouir de la principale source de richesse indue : la rente de l’hégémonie. La préservation de cette rente est leur principale motivation, leur motivation réelle, fruit de la pure avidité. C’est la raison pour laquelle ils ont intérêt à la dé-souverainisation systématique. Ainsi s’expliquent leurs agressions d’États indépendants, de valeurs traditionnelles et de cultures authentiques, leurs tentatives de saper les processus internationaux et interrégionaux, les nouvelles monnaies globales et les nouveaux pôles de développement technologique qui échappent à leur contrôle. Il est capital pour eux que tous les États abandonnent leur souveraineté aux États-Unis. Dans certains États, les élites dirigeantes acceptent délibérément de s’y plier, de se laisser vassaliser ; d’autres y sont réduites par la corruption ou l’intimidation. En cas d’échec, ils n’hésitent pas à détruire des États entiers, ne laissant derrière eux que des catastrophes humanitaires, des désastres, des ruines, des millions de destins humains détruits ou mutilés, des enclaves terroristes, des zones socialement dévastées, des protectorats, des colonies ou des semi-colonies.” Le maître du Kremlin poursuit : “Ils ne veulent pas nous voir libres ; ils rêvent que nous soyons une colonie. Ils ne veulent pas collaborer sur un pied d’égalité ; ils rêvent de pillage. Ils ne veulent pas que nous soyons une société libre, mais une foule d’esclaves sans âme… L’Occident mise sur son impunité, sur sa capacité à tout se permettre. De fait, tel a été le cas jusqu’à présent. Les accords de sécurité stratégique ont filé droit à la poubelle ; les conventions conclues au plus haut niveau politique ont été déclarées fictives ; les promesses les plus fermes de ne pas étendre l’OTAN vers l’Est, dès que nos anciens dirigeants y ont adhéré, se sont transformées en une sale tromperie. De tous les côtés, on entend que l’Occident incarne l’état de droit, fondé sur des règles. D’où viennent-elles ? Qui en a jamais vu la couleur ? Qui y a consenti ? Écoutez, ce ne sont que des absurdités, un mensonge absolu, des doubles ou des triples standards. Ils doivent nous prendre pour des imbéciles… C’est bien le soi-disant Occident qui a piétiné le principe de l’inviolabilité des frontières et qui décide maintenant, selon son bon vouloir, qui a le droit à l’autodétermination et qui ne l’a pas, qui en est digne et qui ne l’est pas. On ignore à quel titre ils agissent ainsi, qui leur en a donné le droit, sinon eux-mêmes.”
La liberté pour tous ne saurait être le combat de la seule Russie. Les peuples africains doivent emboîter le pas aux Russes. En ce sens, la visite rendue par le capitaine Ibrahim Traoré à Assimi Goïta, est un bon signe. Ce n’est ni à Paris ni à Londres de nous dire qui nous devons aimer ou haïr. Bref, ceux qui en Occident désirent nous asservir et infantiliser devraient nous trouver debout et déterminés.
Jean-Claude DJEREKE