« Évitez-nous une autre guerre », demandent 5 fois les évêques et archevêques catholiques aux acteurs politiques dans le message de leur 113e Assemblée plénière à Agboville. Pour moi, il n’y a ni originalité, ni engagement, ni courage dans cette assertion car tout le monde aspire à la paix. Nos prélats n’apportent rien de nouveau au débat en se bornant à parler d’une peur qui est en train de gagner la population et qui est « liée à la réalité des conflits intercommunautaires récurrents, aux questions d’insécurité, du foncier, de l’occupation illicite des forêts classées, de l’orpaillage clandestin et des problèmes relatifs à l’identité ivoirienne ». Ils auraient innové et se seraient montrés courageux s’ils avaient évité de mettre tous les acteurs politiques dans le même sac car nous savons tous quel parti politique a introduit la violence et les coups d’État en Côte d’Ivoire, qui a déclenché la guerre dans notre pays en 2010, qui refuse de désarmer certains étrangers, qui « détient le monopole de la violence légitime » (Max Weber) mais ne fait rien contre les “Microbes”, qui a le pouvoir d’arrêter et de sanctionner ceux qui exploitent illégalement l’or et les autres minerais mais ne prend aucune mesure dans ce sens, qui laisse les étrangers déposséder les Ivoiriens de leurs terres sans réagir, qui protège Amadé Ouérémi le seigneur et saigneur du mont Péko et qui distribue les papiers ivoiriens (actes de naissance, certificats de nationalité, cartes nationales d’identité) aux étrangers pour que ces derniers puissent voter pour lui en 2020.
Si guerre il y a en 2020, ce ne sera pas à cause de l’opposition mais à cause de ceux qui sont au pouvoir parce qu’ils disent que tout est déjà « géré et bouclé », parce qu’ils refusent de faire droit aux justes et légitimes revendications de l’opposition, parce qu’ils voudront passer en force et que l’opposition ne l’acceptera pas, parce qu’ils veulent conserver le pouvoir par tous les moyens.
En lisant le texte des évêques, j’ai eu l’impression que ces derniers cherchaient à ménager la chèvre et le chou, à renvoyer gouvernement et opposition dos à dos au lieu de pointer clairement le criminel ou le méchant comme le prophète Nathan le fit magistralement pour condamner l’assassinat d’Urie par David et son adultère avec Bethsabée. Nathan raconta une histoire dans laquelle un riche, pour recevoir un voyageur, avait laissé ses nombreux moutons et bœufs pour prendre la seule brebis du pauvre. Choqué, David s’écria : « Aussi vrai que l’Éternel est vivant, l’homme qui a fait cela mérite la mort ! » Alors, Nathan dit à David : « Cet homme-là, c’est toi. » (2 Samuel 12, 1-7). Je pourrais citer aussi le cas de Jean-Baptiste dont l’Église catholique commémore la naissance aujourd’hui. Le Baptiste ne passa par quatre chemins pour dire à Hérode Antipas qu’il ne lui était pas permis d’épouser Hérodiade, la femme de son frère Philippe. Pour avoir dénoncé cet adultère, Jean fut arrêté et emprisonné (Matthieu 14, 4-4). À quoi sert-il de faire mémoire à la messe de ce grand homme qui fut décapité pour avoir rendu témoignage à la vérité si on est incapable d’appeler un chat, un chat ? À quoi cela rime-t-il de prétendre qu’on a une « mission prophétique » si on n’est pas en mesure d’indexer les vrais fauteurs de troubles ?
Nous pouvons encore éviter la guerre, à condition que tous les chefs religieux vainquent leur peur de perdre les avantages et faveurs du pouvoir et s’adressent directement à ceux qui, par leur intransigeance et arrogance, nous conduisent progressivement vers la guerre ! Jean-Claude DJEREKE