Le Président de la République Emmanuel Macron. (Albert Facelly/Libération)

Par Ongui Simplice
osimgil@yahoo.co.uk

Le 30 juin 2022 a marqué la fin de la présidence française au conseil de l’Union Européenne. Et puisque nous avions proposé un article inaugural sur la question en janvier 2022, il paraissait logique d’apporter une conclusion – plus précisément de tirer un bilan.

Ce billet se veut plus court que le précédent, parce que nous avions alors posé tout un cadre historique, notamment par rapport à l’histoire de l’Union Européenne et au statut de « Président du Conseil ». En l’occurrence, nous allons rester ancré dans l’actualité immédiate – ou du moins récente.

En soi, l’on pourrait se contenter de consulter le bilan publié par le conseil des Ministres, mais journalistiquement, l’intérêt est limité. Il est plus pertinent d’exploiter ce document à des fins structurelles, et de pendre une certaine distance pour analyser les six mois écoulés dans leur ensemble.

Soyons clairs : nous ne passerons pas en revue tous les événements survenus pendant la période ; cela supposerait un immense article et nous manquons forcément de recul. Plutôt, nous allons nous interroger sur les problématiques saillantes – sachant que le 30 juin 2022 n’est finalement qu’une étape administrative, et que les enjeux sociaux, écologiques, économiques qui sont au cœur des travaux politiques de l’Union Européenne s’inscrivent dans un continuum.

La guerre en Ukraine : un triste fil rouge

Dans notre article précédent, nous avions évoqué l’imminence potentielle d’un conflit armé entre la Russie et l’Ukraine – comme tout le monde le sait, Vladimir Poutine a engagé l’offensive.

Certains, à juste titre, diront que la guerre a véritablement commencé en novembre 2013, puisqu’à ce moment-là déjà, les forces militaires russes ont pris d’assaut la région du Donbass. Mais en février 2022, les hostilités se sont généralisées, et certains ont parlé de la première attaque sur le sol européen depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

Toujours est-il que Monsieur Emmanuel Macron est arrivé à la Présidence du Conseil de l’Union Européenne à un moment particulièrement complexe. Que l’on soit ou non en accord avec ses idées, ses discours et ses actions – nous ne sommes pas ici pour prendre parti – on ne peut pas nier la charge qui a pesé sur ses épaules, à plusieurs niveaux.

Il y a notamment eu la fameuse question des sanctions. Si évidemment les décisions n’ont pas été prise seule par le président français, il a été le porte-parole de cette politique ferme à l’encontre de la Russie. Nul retour en arrière, d’ailleurs, ne s’est esquissé : au contraire, l’UE s’est montrée de plus en plus ferme.

Lors d’une intervention à la fin du mois de mai 2022, l’on en était déjà au sixième « paquet » de sanctions contre l’État de Vladimir Poutine, et Monsieur Macron se félicitait d’une sévérité historique – ce sont ses termes – face à l’ennemi (source).

Et encore une fois, ce n’est pas le transfert de la charge à Jan Lipavský, ministère tchèque des Affaires Étrangères, qui vient redistribuer les cartes. Le 14 juillet 2022 encore (source), le président français annonçait, faisant écho aux propos de Madame Ursula van der Leyen, une intensification des sanctions ; il précisait à ce sujet que l’hiver risquait d’entraîner des privations énergétiques, notamment parce que l’achat de pétrole aux Russe diminue drastiquement.

Cela suscite forcément de l’inquiétude au sein des populations. Les conséquences sont multiples, et certains n’attendent pas l’hiver pour se manifester : cette première moitié de l’année 2022 s’est soldée par une inflation majeure, à des niveaux différents d’un pays de l’Union Européenne à l’autre.

Quoi qu’il en soit, les dissensions entre les représentants de l’OTAN et ceux du gouvernement Poutine ne semblent pas prêtes de s’apaiser. Il faudra suivre avec attention les événements à venir, puisqu’ils nous concernent tous, d’une manière ou d’une autre. À l’heure de la mondialisation, où les ressources des uns sont étroitement liées aux ressources des autres, l’on ne peut espérer échapper aux répercussions d’un tel conflit – un conflit que certains ne se gênent pas pour qualifier de nouvelle guerre froide.

Mais revenons-en au bilan en tant que tel. Par rapport à la Russie, donc, Monsieur Macron a vraiment incarné, dans le sens propre et plein du terme, la ligne de conduite européenne face aux choix politico-militaire de Vladimir Poutine. Cela dit, ce n’est pas la seule problématique à laquelle il a dû être confronté. Parmi les principaux chantiers, il y a bien sûr eu la question… de la gestion énergétique. Plus largement des stratégies mises en place pour lutter contre l’urgence climatique.

La question énergétique : comment les travaux se sont-ils poursuivis ?

Nous n’avons pas invoqué le bilan émis par le Conseil des Ministres concernant la guerre en Ukraine… parce que la source nous semblait forcément trop biaisée. Par rapport au climat toutefois, l’on peut compter sur une synthèse plus objective, puisque c’est avant tout dans une logique de concordat, de cohésion que les perspectives se sont dessinées.

Comme on vous l’expliquait il y a six mois, la Présidence française de l’Union Européenne a été (notamment) placée sous le signe de l’écologie, avec la volonté affichée de donner un coup d’accélérateur à la transition énergétique. La date butoir est toujours la même : 2030, qui devrait enregistrer 55% de réduction des gaz à effets de serre sur le territoire européen.

Encore faut-il mettre en place des jalons. À ce titre, plusieurs bifurcations ont été entérinées, dont certains se veulent radicales ; dans son rapport, le Conseil des Ministres explique que d’ici 2035, la production des « véhicules thermiques neufs à essence ou diesel » devrait cesser.

Cette motion n’est qu’un exemple parmi les nombreuses qui composent les accords signés au cours des six mois de présidence française. On peut également mentionner l’instauration progressive d’une taxe carbone, propre à juguler le décalage entre les pays fermes sur le plan écologique, et ceux qui, comme les membres de l’Union Européenne, veulent un changement en profondeur.

Bien sûr, il faut toujours distinguer le message politique des intentions réelles… et ce qui se profile « sur le papier » par rapport aux pratiques sur le terrain. Mais si l’on se lance dans un procès d’intention, trouver des points d’ancrages va s’avérer difficile. On en restera donc à une constatation objective : la machine de la transition ne s’est pas enrayée, et la nouvelle présidence devrait prendre une direction analogue.

Maintenant que la question de l’Ukraine et de l’urgence climatique ont été abordées (de manière certes laconique, mais cela offre un socle de réflexion intéressant), il est évidemment indispensable de faire le point sur les rapports entre l’UE et l’Afrique.

La question africaine : comment les choses ont-elles évolué sous la Présidence de Monsieur Macron ?

Le mandat d’Emmanuel Macron en tant que Président du Conseil de l’Union Européenne a notamment été marqué par le sommet organisé en février 2022, placé sous le signe d’une entente entre les deux continents.

Mais en réalité, parler « des deux continents » est assez réducteur. Tout d’abord parce que tous les dirigeants africains n’étaient pas présents à cette rencontre ; que ce soit en personne, ou par le truchement d’un délégué. Certains pays comme le Mali ou la Guinée ne semblaient pas faire partie de l’équation, et cela pose forcément des questions. Peut-on vraiment bâtir un partenariat durable si une partie des nations africaines fait cavalier seule ? Une dynamique à double vitesse ne risque-t-elle pas de s’installer ?

Sur le papier, les promesses faites par l’Union Européenne sont nombreuses, cela dit, et couvrent un large éventail de sujets. Vaccination, aide à la transition énergétique, concours économique… théoriquement, on ne saurait parler d’indifférence. Il faut maintenant voir dans quelle mesure les engagements vont être tenus.

Dans le fameux rapport du Conseil des Ministres, tout du moins, le menu est alléchant. On y parle d’un « New Deal économique et financier, d’un agenda en matière d’éducation, de santé et de climat, (…) d’un partenariat de sécurité ». Notons au passage que selon les rédacteurs – qui se font le porte-parole du président – l’avenir des pays européens dépend de celui des nations africaines. Comment faut-il comprendre ce choix terminologique ? Pourquoi parler de dépendance, et non de coopération ? La question est ouverte.

À l’heure où cet article est rédigé, en tout cas, les sanctions contre la Russie et les préoccupations liées au COVID19 semble prendre plus de place que les liens entre Afrique et Europe. Nous vous tiendrons évidemment informés sur la manière dont la situation évolue.

Six mois de présidence française : quels autres enjeux ?

D’autres points ont été étudiés, discutés, considérés, traités par Monsieur Emmanuel Macron et son entourage politique durant ces six mois de présidence. La question numérique, évidemment, a été souvent « mise sur le tapis » : il est question d’une surveillance plus étroite des réseaux sociaux, d’une accélération en termes de numérisation… toujours avec une recherche d’uniformisation sur le plan européen.

Sur le plan des droits sociaux, les chantiers sont forcément complexes : chaque pays a ses pratiques, parfois divergents, en termes d’assurances, de protection des travailleurs…

Toutefois, certaines décisions ont été prises, notamment par rapport à la parité salariale : il est question de faire augmenter la représentativité féminine jusqu’à 40% au sein des comités d’entreprise européens.

Fait intéressant : au-delà des considérations précises sur l’écologique, la géopolitique, les acquis et droits sociaux… un pas a été également franchi concernant la cohésion des pays membres, avec la constitution d’une « Communauté politique européenne », amenée à se réunir régulièrement. Cette étape franchie les 23 et 24 juin 2022 s’inscrivent parfaitement dans l’esprit « macronien » : européiste affirmé, il a voulu apporter sa pierre à l’édifice en soumettant l’idée de ce rendez-vous. Nous verrons s’il s’agit d’un brassage idéologique contre-productif, d’un simple complément ou d’une véritable avancée quant à la concordance des états de l’Union.

Monsieur Emmanuel Macron à la tête du Conseil de l’Union européenne : un mandat peu surprenant

Nous restons objectifs en affirmant qu’en somme, ce qui s’est passé durant ces six mois de présidence française, que ce soit par rapport aux décisions prises ou aux promesses formulées, n’a rien de très étonnant.

Les grandes questions amenées d’emblée par Monsieur Macron ont été traitées de fond en comble, même si la guerre en Ukraine a forcément ralenti certains chantiers.

En tout cas, cette période a été si mouvementée pour le chef d’État que sa réélection est presque apparue comme une formalité ; le candidat reconduit est allé jusqu’à en négliger factuellement sa campagne par rapport aux autres prétendants. Cela ne l’a pas empêché d’être réélu, et de s’inscrire dans une continuité. Jusqu’à ce que ses fonctions en tant que président du Conseil de l’UE prenne fin, il a gardé son cap (encore une fois que l’on soit en phase avec son fonctionnement ou non – c’est encore un autre débat), celui de miser sur un renforcement de la cohésion européenne ; il s’est évidemment assuré de pérenniser son travail, notamment avec cette fameuse « communauté » nouvelle.

Nous verrons maintenant dans quelle mesure le mandat tchèque va changer la donne. Toujours est-il que les mois à venir promettent d’être mouvementés – que ce soit sur le plan économique, politique, sanitaire… ou même militaire. Bien sûr, il ne s’agit pas de paniquer. Nous ne voulons pas noircir l’avenir. Les peuples ont toujours su rebondir, se réinventer, trouver des solutions pour ne pas se laisser broyer sous le poids d’un destin parfois trop bien tracé.

Mais nous vivons une époque mouvementée, parfois difficile, et il est important de rester alertes face aux très nombreux enjeux qui se conjuguent. C’est aussi grâce à une réflexion précise et complète que nous pouvons aborder les événements avec le plus de sérénité possible, sans candeur… mais sans tomber dans l’alarmisme le plus complet.

Que ce soit sur le plan climatique, par rapport à l’Ukraine, ou encore au regard des relations africaines, nous ne pouvons qu’espérer une amélioration, un progrès au sens brut et authentique du terme, sans politisation et excessive. Bien sûr, nous serons là pour suivre les événements à venir, et vous en apporter une analyse modérée.