(FratMat, 2 mai 2013) – Le week-end dernier, a eu lieu, à Yacolidabouo (Soubré), son village natal, la levée de deuil, marquant le premier anniversaire du décès du professeur de lettres, et maître du didiga.
Annoncée par la radio locale Ouyiné (entraide), la cérémonie mettant fin au port de deuil du poète-enseignant, Bernard Zadi Zaourou (2 février 1938 – 20 mars 2012), s’est tenue les 26 et 27 avril 2013. Parce qu’elles le portent dans leur cœur, les personnes, proches de lui, se sont déplacées à Yacolidabouo, pour, comme la termitière est un ajout de terre à la terre, ajouter de l’humanité aux 2327 âmes y vivant déjà. Ensemble, elles ont triomphé des appréhensions causées par la fine pluie de bénédiction, qui comme un acteur du prologue, s’arrête à temps pour que puissent commencer les actes premiers de cette célébration. Et elle commence par l’allocution de bienvenue qu’Eugène Zadi, frère cadet du défunt et porte-parole de la famille prononce devant l’assistance. Au nom de son aîné, Zadi Kessy Marcel, de tous les enfants du défunt dont Marie-Josée… il la remercie de son soutien sans faille et livre le programme fait de deux prestations d’artistes que séparent une série de témoignages. Assise sous les quatre bâches dressées, pour l’occasion, au centre culturel Bottey Zadi, qu’enjolivent deux écrans géants, cette assistance est composée d’une délégation d’universitaires conduite par le professeur Jérémie Kouadio, d’artistes, de parents, de connaissances. Debout, de jeunes Yacolidabouolais grossissent la foule. Le premier à, de son art, gratifier ce public est le poète Boda, venu remplacer, Godé Blé. Boda de Galebré, Séry Zadi Roland, à l’état civil, de son verbe de braises interroge les universitaires : « Zaourou vous a-t-il indiqué la racine de son art?». Une question pleine de sens qui pose le problème de la transmission du savoir. S’en suivent les prestations d’arc musical par Guy et Benjamin avant que Zadi Wapo Rose ne serve un chant religieux en Bété et que les Danseurs de Ziriwa (Guibéroua) n’exécutent des pas très ovationnés. Cette première partie achevée, les dépositions anecdotiques, témoignages en tout genre, des disciples de Zadi, fusent.
D’émouvants témoignages
Soutenu par Wandan Kassi à l’arc musical, Bedjo Afankoé, assistant à l’université, déclame les vers de Fer de Lance, poème au long cours de Zadi Zaourou. On reconnaît les pages 156 et 157 de l’édition parue chez Nei Neter, dans lesquelles l’auteur fait état de l’heure du voyage, sans retour. N’Gbesso Hélène, elle, tient des propos luthériens : « J’ai fait un rêve ». Elle le raconte, ce rêve, avec Zadi et elle, comme sujets, et qui met en liaison les mondes de l’invisible et du visible. Notion chère à son mentor. Puis, à trois, des maîtres assistants, N’Guettia Kouadio, Traoré Dominique et Bernard Kouakou débitent des extraits de Zougloumania, un texte inédit et inhabituellement relâché : « Mon beau pays oh, tu vas me dégoûter/ Mon beau pays oh, il faut quitter dans ça » qui invite la jeunesse africaine à prendre en main son destin. Maître de conférences, Atsain N’Cho, prenant le relais, prend l’engagement au nom du Grto, devenu Centre national de recherche pour la tradition orale, (Cnrto) de poursuivre l’œuvre du maître qui aura plus de 20 ans durant, servi ce groupe de recherche basé à Danga-Cocody.
Koffi Léon entretient le public sur les rapports de Zadi avec ses enfants. Ce dernier n’a pas hésité à offrir au locuteur de la soirée, non boursier de son état, la somme de 300000 Fcfa, pour le soutenir dans sa quête de savoir et de diplômes. « Toutes les filiations ne sont pas biologiques », conclura-t-il.
Ensuite, N’Guettia Kouadio reviendra pour lire le témoignage du journaliste Noël Ebony, fait d’un long portrait. Quand Tiburce Koffi prend la parole, c’est pour reconnaître que « C’est Zadi qui m’a fabriqué, qui a fait de moi, l’homme que je suis devenu » avant de soutenir que le maître du didiga était plus respecté à l’extérieur que dans son pays, lui, le 3e césairien (spécialiste d’Aimé Césaire) au monde. Le chef de délégation des universitaires, Kouadio Jérémie, remerciera, lui, la famille au nom de la délégation des disciples du maître. Par gratitude, il reconnaîtra avoir été fait membre de l’Ascad grâce aux bons soins de Zadi. Le dernier sur la liste des témoignages sera un chanteur, violoniste. Valen Guédé évoquera l’épisode de « Le triangle de feu », la dernière pièce de théâtre écrite par Zadi Zaourou sur recommandation de la Cdvr. Malheureusement, achevée en février 2012, cette pièce, portée par le maître, affecté physiologiquement, n’a pu être jouée. Toutes choses qui l’auraient, au dire de Valen Guédé, ‘‘affecté’’. Le maître partira quelques semaines plus tard.
Fin de témoignages. Retour vers les prestations d’artistes. Les 7 danseurs de Kpapékou, présents l’an dernier lors de l’inhumation, arrachent à la foule, des applaudissements nourris, à la famille, des billets de banque. Après eux, Le masque de Tettia (canton Boguhé) intervient puis cède sa place aux petits danseurs d’Issia. Samedi pointe alors du nez. Dès 9h, une messe est dite à la paroisse St Mathieu en présence des préfets et chefs de village alentour, venus soutenir la famille. Puis une procession est faite sur la tombe de professeur.
ALEX KIPRÉ