Les USA, c’est connu croulent sous ses contradictions et ses démesures qui se déclinent dans tous les aspects de la vie .Tenez par exemple, dans un fameux taxi jaune newyorkais, je tombe sur un chauffeur, la soixantaine mauritanien, enfin, plus sénégalais que mauritanien, mais bon…
Dans mon « franglais », il comprend vite que je suis francophone. Durant tout le trajet notre conversation se passe en français. J’avoue en passant qu’il confond encore le féminin et le singulier des mots, mais je vais lui pardonner cette indélicatesse lorsqu’il me dira au fil de notre entretien qu’il est arrivé à New York depuis l’été 1978. Quoi ? 1978 ?
J’étais où cette année-là ? Me dis-je intérieurement. En 78 j’étais dans mon petit village, au fin fond de la cambrousse, en train de faire fuir les moineaux qui mangeaient le riz de ma grand-mère à coup de lance-pierre. Belle époque.
Et alors, vous allez souvent voir la famille ? Mais non, me lance-t-il en rigolant. « Je n’ai pas de papiers ? » Quoi ? Depuis 40 ans vous vivez dans ce pays et vous n’avez pas de papiers ? Comment faites-vous ? Toujours entre deux éclats de rire, il me confie que c’est sa femme qui fait des va-et-vient entre le Sénégal et New York. « Nous avons eu 3 enfants qui sont tous américains ». Ma femme ne supporte pas cette situation. Elle a préféré rester au pays. Elle me visite régulièrement.
Je suis étonnée, troublée et confuse. Depuis plus de quatre décennies, « le Gorgui » vit dans une espèce de prison dorée, à ciel ouvert où il n’est Ni expulsable, Ni régularisable. C’est un Ni Ni.
Et Dieu seul sait combien de familles africaines et notamment ivoiriennes sont confrontées à ce système tordu ? Des hommes et des femmes, qui vivent aux pays de l’oncle Sam depuis des lustres, avec des enfants nés sur le sol américain et qui sont sans papiers. C’est ça l’Amérique, le pays des démesures et des contradictions. Faut pas chercher à comprendre. Ça dépasse l’entendement. Comme disent les Ivoiriens, « prend ça comme ça ».
Ils sont « ouf » ces Américains. Leur système de régularisation des immigrés est inhumain et stressant pour ces pères et ces mères de familles. Ces Ni Ni qui travaillent, qui cotisent, qui éduquent des enfants, qui participent à l’économie de la grande Amérique à leur modeste niveau sont voués à un destin de sans-papiers loin de leur pays d’origine. Allez-y comprendre quelque chose ?
Il est vrai que comparaison n’est pas raison, mais tout de même, il faut reconnaitre que les Anglos saxons sont unique. Prenons notre France, notre belle France, pays des droits de l’Homme, cinquième puissance mondiale…. Elle a plus de cœur et beaucoup d’humanisme que la première puissance économique, militaire et tout ce qu’on veut.
En France, rare sont les familles qui y vivent depuis plus de 30 ans avec des enfants et qui sont sans papiers. On peut dire tout ce qu’on veut de la France mais en matière de régularisation des immigrés elle dame le pion à l’Amérique et à tous ces pays anglophones de merde ; Les pays du Nord doivent aider les ressortissants des PPTE (Pays pauvres très endettés) qui viennent vivre chez eux. Excusez du peu mais, quand on se dit pays développé, on assume. En France, avec les changements de gouvernements, on arrive à régulariser à coup de circulaire et de décrets des Ni Ni. On ne laisse pas des familles entières dans des cas d’extrême précarité en se faisant appeler pays développés.
Mais aux USA, les présidents peuvent changer, de Reagan à Trump, ta situation administrative ne change pas face aux services de l’immigration qui restent intraitables et intolérants. Le cas de Gorgui illustre bien l’incohérence des services de l’immigration. Sans pitié. Tu peux vivre, tu peux crever, Rien à foutre. C’est la face cachée du développement.
En Amérique, pour être régularisable, deux cas majeurs se posent ; être reconnu par l’État américain comme un réfugié politique ou se marier à un ressortissant américain. Quelqu’un me disait en riant, « si tu cherches des problèmes dans ce pays, marie-toi à un américain ou une américaine ». L’immigration va te poser toutes les questions parce qu’elle soupçonne un mariage blanc ou gris. Même l’amour aussi est conditionné au pays des contradictions et des démesures.
Etre père ou mère d’un enfant américain (droit de sol) n’augure en rien l’obtention d’un titre de séjour. Des femmes et des hommes sont dans la détresse pour bon nombre d’entre eux, ils survivent dans un système mal luné qui n’est pas prêt de changer. Avec Mister Trump, c’est pire. Leur situation administrative est loin de s’arranger au contraire, elle se dégrade de jour en jour causant stress et amertume.
L’Amérique, le seul pays au monde, où tu es Ni régularisable Ni expulsable. Tu tournes comme un hamster dans sa cage et tu pries le bon Dieu de tes ancêtres. Tu es Ni Ni, tu es vulnérable et à la merci de tous avec la peur continuelle dans les tripes. Tu te consumes à petit feu.
Je félicite vraiment ces Africains et ces Ivoiriens, fiers et courageux qui ne se laissent pas abattre et qui sans Green card (titre de résident) mènent leur vie d’immigré cahin cahan loin de siens qui les attendent depuis plus de 30 ans. C’est dur de voir ces compatriotes confrontés à une telle situation. Venir à l’aventure dans ces grands pays « riches » et être réduit à attendre un petit bout de papier pour nous affranchir. Oui, c’est dur mais l’espoir dit-on, fait vivre, alors vivons d’espoir.
Depuis New york, Tikishia T. Digbeu pour Afriqu’Essor