(Nord-Sud, 13 – 14 avril 2013) – Parce qu’il n’y aura qu’un seul capitaine dans le bateau, des grosses pointures de la scène politique pourraient trébucher, lors des élections locales du 21 avril, notamment dans les circonscriptions où leurs adversaires sont de poids égal au leur.

Une Analyse de Marc Dossa

C’est un vrai poker-menteur! Les élections municipales et régionales du 21 avril vont provoquer, tout au moins, un mini-séisme sur la scène politique nationale. La raison est toute simple : les jeux restent ouverts dans plusieurs circonscriptions où de grosses têtes s’affrontent. Dans ces duels, des grands vont forcément laisser des plumes, puisqu’il n’existe pas de fauteuil pour les perdants. C’est d’ailleurs cette situation qui fait déjà monter l’adrénaline, dans les états-majors, notamment dans les circonscriptions où le scrutin va faire de grosses victimes. Au nombre de ces zones où les élections du 21 avril réservent de grosses surprises, il y a Koumassi. Dans cette commune située au sud de la capitale économique ivoirienne, s’affrontent deux poids lourds. Il s’agit du ministre de l’Enseignement supérieur, Ibrahim Cissé Bacongo, parrainé par le Rassemblement des républicains (Rdr) et du maire sortant, Raymond N’Dohi Yapi qui a le soutien du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci). Le troisième compétiteur qui rêve de terrasser ces deux éléphants, est l’ancien maire, Adou Assalé, aujourd’hui militant du Rdr et qui se présente en indépendant aux municipales à Koumassi. Même si ce scrutin se joue à la proportionnelle, il est clair que deux des trois vont forcément tomber, surtout que c’est le seul fauteuil de maire en jeu, qu’ils visent tous. La situation se présente presqu’à l’identique à Yopougon, la grande commune située au nord d’Abidjan. Là-bas s’affrontent le ‘’général’’ (surnom donné par ses partisans à Gilbert Kafana Koné, ancien ministre de la Solidarité de Ouattara) et l’ancien député-maire, Doukouré Moustapha. Dans cette commune, un troisième cheval, en l’occurrence le maire intérimaire Bertin Yao Yao, se pose comme le tocard qui veut entrer avant les deux autres, présentés comme les favoris. Sans compter Daouda Zié Coulibaly, ancien poulain de M. Doukouré, dans la course en tant qu’indépendant. Là également, la chute de l’un ou de l’autre candidat parrainés par le Rdr et le Pdci serait d’autant plus retentissante qu’ils sont effectivement de grosses têtes au sein de leurs formations politiques respectives. Toujours aux municipales, mais cette fois à l’intérieur du pays, c’est avec beaucoup d’intérêt que l’on suit le duel entre le maire sortant de Bouaké, Fanny Ibrahima et son principal challenger, Nicolas Djibo. Ils sont membres de la direction du parti au pouvoir et sont tous deux bien écoutés par le Président Alassane Ouattara. Ce, parce que le premier cité est à l’origine de l’implantation du Rdr à Bouaké et le second est un opérateur économique, mais surtout fils de l’ancien maire, Sounkalo Djibo, compagnon du père-fondateur de la Côte d’Ivoire, Félix Houphouet-Boigny. A Daloa également, on se demande qui de Samba Coulibaly, le candidat du Rdr et d’Emile Séry Kossougro du Pdci va mordre la poussière. Sympathisant et surtout réputé être un des financiers du parti au pouvoir, Samba Coulibaly a été coopté par le Rdr, quand il s’est rendu compte que Diabaté Kramoko, le maire intérimaire de Daloa ne faisait pas l’affaire. Ce choix a créé un petit malaise dans la ‘’case’’ à Daloa, puisqu’au départ, M. Coulibaly n’avait manifesté aucun intérêt pour les municipales. Quant à Emile Séry Kossougro, il était un des hommes forts du système Bédié (président du Pdci), avant de tomber en disgrâce. Avocat au service de l’ancien parti unique, c’est lui qui dirigeait le conseil municipal de la cité des Antilopes. A Man, ville située à environ 300 kilomètres de Daloa, un petit séisme est attendu, au soir du 21 avril prochain. S’y affrontent, dans le cadre de l’élection des conseillers municipaux, Konaté Sidiki et Albert Flindé, deux anciens ministres sortis du gouvernement après sa dissolution, le 14 novembre 2012. Ils défendent, respectivement, les couleurs du Rdr et de l’Union pour la démocratie et pour la paix en Côte d’Ivoire (Udpci). Attention donc au perdant ! Les régionales réservent également leur lot de surprises, notamment dans le Cavally et le Tonkpi. Comme à Man, un membre du gouvernement et un ancien ministre nourrissent l’ambition de prendre la présidence du Conseil régional dans le Cavally. Il s’agit d’Anne-Désirée Ouloto (Rdr) et de Dagobert Banzio (Pdci). Le second cité qui revendique le soutien des deux autres partis du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp), le Mouvement des forces d’avenir et, surtout de l’Udpci, vivrait mal une défaite à cette élection, parce qu’il avait été pressenti pour conduire une liste commune à ces régionales avant que le Rdr ne décide de lancer dans la course, sa candidate. Il se mordrait d’autant plus les doigts, qu’il a lui aussi perdu son maroquin, à la faveur de la dernière dissolution du gouvernement. Quant à sa rivale, Anne-Désirée Ouloto, un échec marquera un sérieux coup d’arrêt à sa fulgurante ascension. Nommée ministre de la Salubrité le 1er juin 2011 puis élue députée lors des législatives de décembre, de la même année et après avoir été porte-parole du candidat Alassane Ouattara lors de la présidentielle de 2010, l’actuelle ministre de la Solidarité commence à s’imposer comme un leader dans cette région instable du Cavally, réputée être un des fiefs de l’ancien Président, Laurent Gbagbo. Tout aussi disputées, les régionales dans le Tonkpi mettent aux prises deux personnalités qui se connaissent bien pour avoir été deux fidèles compagnons de l’ancien chef de la junte militaire (décembre 1999-octobre 2000), le général Robert Guéï. Il s’agit d’Albert Toikeusse Mabri et de Siki Blon Blaise. Après qu’ils ont été divisés par Laurent Gbagbo, les deux hommes se regardent aujourd’hui, avec le dédain qui caractérise deux ennemis jurés. Siki Blon Blaise qui s’est rapproché, depuis 2011, du camp Ouattara et qui part à ces régionales avec une partie de la base du Rdr, dans le Tonkpi, s’est juré de faire mordre la poussière à son ancien ‘’protégé’’, Albert Toikeusse Mabri. « Je vais battre Mabri, même sur ses terres », pronostique-t-il à qui veut l’entendre. S’il tombe, ce serait donc le début de la fin pour celui qui se fait appeler le ‘’bulldozer’’ de Man. Un revers serait tout aussi un mauvais signal pour Albert Toikeusse Mabri, un des tout-puissants ministres d’Etat (ministre du Plan et du développement) de Ouattara, par ailleurs président de l’Udpci.

Les grands et Les outsiders

A côté de ces duels de grosses têtes, il y a le duel entre les ‘’géants’’ et de sérieux outsiders. C’est ainsi qu’on pourrait en effet caractériser le combat à Treichville où le maire sortant, Albert François Amichia (Pdci), en découd avec Ibrahim Cissé dit Aladji (Rdr). M. Amichia qui est assurément une grosse pointure, a déjà failli échouer en 2001 face au même candidat. Son succès, il le doit à la division des républicains de Treichville. Même s’ils le sont encore aujourd’hui, le vent de la victoire de leur mentor, Alassane Ouattara, peut les aider à triompher d’Albert Amichia, président de l’Union des villes et communes de Côte d’Ivoire (Uvicoci) et des maires de l’Union monétaire ouest-africaine (Uémoa). Une situation angoissante qui se pose à d’autres grosses têtes, notamment à Adjamé, à Attécoubé, à Vavoua, à Adiaké, à Yamoussoukro, à Agboville, à Bouna ou encore à Bondoukou. Dans la commune d’Adjamé, le maire sortant est sous la menace de Soumahoro Farick, un indépendant, issu comme lui, du Rdr. A Attécoubé, le sortant, Paulin-Claude Danho, a de sérieux challengers qui peuvent le bouter hors de la mairie. Il s’agit du vice-président de l’Udpci, Laurent Tchagba et du professeur de médecine, Ségua Sangaré (Rdr), qui a des entrées chez la première Dame, Dominique Ouattara. A Vavoua, le dégommage de Mathurin Toalo Bi Doulo, du poste de départemental Rdr, ne pourrait pas suffire à Théodule Diro pour garder le fauteuil de maire. Egalement maire sortant, Jean Kouacou Gnrangbé à qui le Rdr a ouvert un boulevard, doit davantage ‘’mouiller le maillot’’ à Yamoussoukro pour éviter toute surprise désagréable, face au mécène et patron de radio, François Konian. A Adiaké, son titre de Dg du Port d’Abidjan, ne met pas Hien Sié (Rdr) à l’abri d’un échec, face au maire sortant, Georges Ahua Kouassi (Pdci), dans une région, réputée bastion de l’ancien parti unique. L’ancien Premier ministre, Jeannot Kouadio-Ahoussou, est lui aussi, dans une position inconfortable, dans la région du Bélier où il affronte Arthur Aloco, ancien directeur général de l’Agence des télécommunications de Côte d’Ivoire. Un outsider sérieux qui, dit-on, a le soutien d’une bonne partie de la base du Rhdp. S’il réussit à terrasser l’ancien Premier ministre, l’onde de choc, après le 21 avril, à la proclamation des résultats, va se ressentir au-delà de la région du Bélier.

Ceux qui vont en roue Libre

Dans ces élections locales, il y a les uns et les autres, puisque pour certains, ces scrutins ne seront presqu’une formalité. Non seulement ils ont réussi à faire l’unanimité autour de leur candidature, mais en face d’eux, il n’y a pas de candidats qui comptent. Dans cette situation des plus enviables, l’ancien argentier, Charles Koffi Diby, dans la Marahoué (son adversaire, Zéphirin Zamblé Bi serait invisible sur le terrain), le secrétaire général du Pdci, Alphonse Djédjé Mady, dans la Haut-Sassandra, le vice-président de l’Assemblée nationale, Aka Aouelé, dans le Sud-Comoé, le Dg des Impôts, Pascal Abinan Kouakou (qui affronte un indépendant du Pdci), dans l’Indénié-Djuablin, le ministre des Ressources animales, Kobenan Kouassi Adjoumani, dans le Gontougou ou encore la première magistrate sortante de la commune de Port-Bouët, Hortense Aka-Anghui.