Si l’on en croit les partisans de Charles Konan Banny, ce dernier aurait déjà dans son escarcelle les 47% des voix obtenues par Laurent Gbagbo lors de la dernière élection présidentielle en 2010. Le challenge pour l’ « irréductible du Parti démocratique de Côte d’Ivoire» consiste maintenant à obtenir les 4% de voix restantes pour obtenir 51%. En principe, cela ne devrait pas être compliqué, selon lui et ses admirateurs. D’abord, lui-même, Banny, vaut naturellement plus que 4%, ensuite, en attribuant au moins 1% à chacun des membres de sa coalition, M. Ouattara est largement battu à plus de 60%. Ce sont ces calculs que M. Banny et ses amis de la Coalition nationale pour le changement (Cnc) ont égrené devant la petite foule qui était venue les écouter le samedi dernier à Koumassi.
Etranges calculs, tout de même. Qu’est-ce qui fait croire à M. Banny que ceux qui ont voté pour Gbagbo le soutiendraient automatiquement, et en bloc ? En 2010, des personnes avaient voté pour Laurent Gbagbo, soit parce qu’ils étaient membres de son parti, soit parce qu’ils étaient parmi ses admirateurs, soit encore parce qu’il leur avait fait des promesses au cas où il aurait été réélu ; quoi qu’il en soit, pour toutes sortes de raisons qui tenaient à Laurent Gbagbo et à ce qu’il représentait pour certains de nos concitoyens. Comment M.Banny peut-il croire que de façon mécanique ces voix se porteraient sur lui, parce qu’il est opposé à M. Ouattara ? Croit-il qu’il est le clone de M. Gbagbo ? Porte-t-il la même idéologie, les mêmes espoirs, les mêmes frustrations, les mêmes valeurs, la même histoire, que ce dernier ? Laurent Gbagbo aimait se présenter comme un fils de pauvre qui avait réussi à accéder au plus haut poste de l’Etat, comme le porte-parole ou l’espoir de revanche de certaines catégories d’Ivoiriens qui s’estimaient lésées, frustrées, dépossédées, humiliées, pour différentes raisons. Est-ce ainsi que ces personnes perçoivent Charles Konan Banny ? Comment peut-il compter sur les voix du Front populaire ivoirien (Fpi) lorsque lui-même dit, si j’en crois mon confrère Soir Info en son édition du mardi 30 juin : « Je suis militant du Pdci et je suis candidat à l’élection présidentielle de 2015 (…) J’ai compris que vous allez m’accompagner dans cette entreprise pour que nous allions décrocher le pouvoir et le ramener au Pdci-Rda. » C’était face à des militants du Pdci-Rda. M. Banny a certainement oublié que la grosse frustration des militants du Fpi en ce moment, c’est d’avoir perdu le pouvoir face à la coalition du Rdr et du Pdci, et que dans l’affaire, leur champion s’est retrouvé derrière les barreaux dans les froids Pays-Bas. Pour quelles raisons aideraient-ils un militant du Pdci à aller chercher le pouvoir, non pas pour le ramener au Fpi, mais au Pdci, allié du Rdr qu’ils exècrent, alors que dans le même temps, ce parti participe à ce pouvoir que Banny veut aller chercher pour lui ? M. Banny croit-il vraiment qu’il suffit de dire « Je veux qu’on libère Gbagbo » pour que les supporters de ce dernier tombent en pamoison ? Sait-il aussi que le Fpi a été créé contre le Pdci qu’il qualifie de serpent dont il faut absolument couper la tête ?
J’ai bien peur que les calculs de M. Banny ne soient un peu trop hasardeux, pour ne pas dire trop naïfs pour quelqu’un de sa trempe. Nous avions écrit une fois que savoir compter de l’argent ne signifiait pas forcément que l’on était un bon politicien.
L’autre jeu de dupes dans lequel M. Banny est en train de se faire avoir avec ses calculs hasardeux, pour ne pas dire foireux, est celui auquel se livre l’aile jusquauboutiste du Fpi. Puisque ceux-là sont interdits par la justice d’utiliser le nom du Fpi, ils se servent de M. Banny et ses amis pour exister, non pas pour lui apporter des voix, mais pour demander à leurs partisans de boycotter l’élection. Que disent Laurent Akoun et Aboudramane Sangaré à leurs partisans, lors des meetings organisés avec les moyens et l’argent de Banny ? Ils leur demandent de ne pas s’inscrire sur les listes électorales. Ils prennent le soin de préciser « dans ces conditions-là », en sachant que ces conditions-là ne vont pas changer, et que même si elles changeaient, ils en émettraient de nouvelles, l’objectif étant de saboter le scrutin ou de se donner une raison de ne pas y participer. En clair, ils demandent à leurs partisans de ne pas aller voter Banny. Pouvait-on s’attendre à autre chose de leur part ? Pouvait-on s’attendre à ce que les partisans du « Gbagbo sinon rien », ceux-là qui haïssent M. Ouattara, qui n’ont jamais reconnu sa victoire et son pouvoir, aillent légitimer sa réélection en votant pour un candidat qui, plus est, est du Pdci, ce parti qu’ils détestent encore plus ? Il faut être Charles Konan Banny pour le croire.
Source : Facebook Venance Konan