Elle est aussi passionnée que cette controverse qui , autrefois , avait opposé , pendant presque 200 ans , les disciples d’Adam Smith , précurseur de l’économie moderne , avec son concept The Invisible Hand , et ceux de John Maynard Keynes , prophète de l’interventionnisme de l’État , auteur de l’ouvrage The General Theory of Employment , Interest and Money . Il s’agit de la sempiternelle polémique sur la survie ou la mort du franc CFA .
Le débat sur le remplacement ou la conservation du franc des Colonies Françaises d’Afrique , cette monnaie créée , le 26 Décembre 1945 , n’a cessé d’agiter des émotions et de susciter des passions . Toutefois , prendre la résolution de doter son pays d’une monnaie nationale est , pour une classe dirigeante , une décision beaucoup plus délicate , plus compliquée et plus complexe que ne peuvent l’imaginer les aveuglés du populisme .
Substituer notre propre monnaie au franc CFA ne dépend pas de la baguette magique de Moïse , comme ce fut le cas, lors de la traversée de la Mer Rouge .
La création de monnaies nationales , en l’état actuel des économies si embryonnaires et si fragiles de notre sous-région , est aussi illusoire qu’un rêve . Pour choisir la souveraineté monétaire , l’État doit absolument tenir compte des paramètres démographiques , économiques et géostratégiques , qui n’ont rien du tout à voir avec le supposé sentiment de fierté patriotique et le discours de haine contre l’Occident .
Selon Nchare Ibrahima Nasser , Spécialiste en Ingénierie économique et Expert en sécurité monétaire et André Dupont Ngossi , Diplômé de l’Institut des Relations Internationales du Cameroun , option Banque , Monnaie et Finance internationale , pour installer une usine de fabrication de billets de banque et de pièces de monnaie , le pays concerné doit au préalable s’assurer d’être à même de produire au moins 1 milliards 400 millions de billets de banque par an , afin que ladite usine remplisse les critères de productivité , d’efficacité et de rentabilité . Ce n’est un secret pour personne que la Libye a toujours possédé sa monnaie nationale , le Dinar libyen ( 131 , 62 francs CFA ) et un revenu par habitant supérieur à celui de tous les pays de l’Union Européenne . Cependant , au cours de la crise libyenne , l’on s’est rendu compte , non sans étonnement , que c’est une usine britannique ( DELARUE ) qui était chargée de battre la monnaie libyenne . À un moment , DELARUE a refusé de suppléer à la demande en billets de banque formulée par la Libye .Telle une fillette atteinte de rachitisme , la pauvre Libye , impuissante , a subi les conséquences funestes de ce désert monétaire .
Bien plus , le pays , qui aspire à l’indépendance monétaire , doit absolument tenir compte de sa démographie . Par exemple , notre voisin , l’un des géants du continent , le Nigeria , n’avait pas mis la charrue avant les bœufs , comme certains utopistes le souhaitent , au Cameroun : en se dotant de sa propre monnaie , le naira , le Nigeria s’est rassuré , entre autres , qu’il est une puissance démographique . Aujourd’hui , non seulement ses 220 millions d’habitants sont quatre fois plus nombreux que toute la population de la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale , mais surtout , son économie est développée et diversifiée , par rapport à ces économies rabougries des pays de la CEMAC qui , faut-il le rappeler , ne sont rien moins que des petits consommateurs isolés par l’égocentrisme des uns et des autres . Plus ennuyeux encore , plus la balance commerciale d’un pays est déficitaire, c’est-à-dire, plus un pays ne vit que d’ importations , plus sa monnaie se déprécie désespérément ; par contre , plus un pays exporte , plus sa monnaie s’impose dans les échanges internationaux .
Qui plus est , les pays , qui adoptent leur monnaie nationale , passent d’un régime de change fixe à un régime de change flexible : autrement dit , les pays , dont la monnaie est adossée sur une devise , comme le cas du CFA avec l’Euro , depuis le 1er Janvier 1999 , bénéficient automatiquement d’une garantie de la stabilité . À l’opposé de ces derniers , ceux qui optent pour l’indépendance monétaire doivent s’assurer qu’ils sont capables de compenser eux-mêmes le manque causé par la dépréciation de leur monnaie . Ce qui n’est pas toujours évident : le cas suicidaire de République Démocratique du Congo en est la preuve patente : ce pays aux mille et un paradoxes possède pourtant sa propre monnaie , le franc congolais , mais , à cause des fluctuations intempestives de cette monnaie sans valeur , dont le gouvernement peine à en supporter les corollaires , les citoyens , plus précisément les opérateurs économiques de ce pays ont une préférence pour les valeurs refuges comme le dollar . En conséquence , on parle de la dollarisation de l’économie congolaise , ce pays qui a pourtant tout , pour se transformer en un univers paradisiaque .
Qu’on s’entende clairement : il est loisible à chaque pays de d’opérer les choix qu’il juge salutaires pour son épanouissement . Toutefois , au-delà des émotions futiles et inutiles , lorsqu’un pays décide , en toute responsabilité , d’adopter sa propre monnaie , il doit obligatoirement répondre à ces épineuses questions : notre économie est-elle développée ? Est-elle diversifiée ? Notre monnaie sera -t -elle frappée par nous-mêmes ou le sera-t-elle par un autre pays ? S’il faut battre notre monnaie localement , à combien s’élèvera le seigneuriage , c’est-à-dire , le bénéfice inhérent à la fabrication d’un billet de banque ? Ne devrions-nous pas recourir à la loi des avantages comparés ?
Parmi les 19 pays de l’eurosysteme , 8 d’entre eux , en l’occurrence Malte , Chypre , la Slovaquie , la Slovénie , le Luxembourg , la Lettonie, la Lituanie et l’Estonie ont opté pour l’externalisation de la production de leurs monnaies , c’est-à-dire que leurs monnaies respectives sont frappées par des pays étrangers , alors même que leurs Indices de Développement Humains respectifs sont plus élevés que ceux de tous les pays de l’Afrique Centrale . En d’autres termes , la fabrication de leurs monnaies leur coûte moins cher à l’étranger qu’elle ne l’aurait été à l’intérieur de leurs frontières nationales .
David Hume , monetariste de nationalité écossaise , a écrit cette phrase que j’ai retenue : ‘ Money is not , properly speaking , one of the subjects of commerce , but only the instrument which men have agreed upon to facilitate the exchange of one commodity for another . Money is none of the wheels of trade : it is the oil which renders the motion of the wheels more smooth and easy ‘ .
En outre , un pays comme le Cameroun , qui n’exporte presque rien du tout , parce qu’il ne produit presque rien du tout, parce que les uns et les autres se complaisent dans la paresse , la corruption et la prostitution , un pays où les Ministres et les Directeurs Généraux sont gracieusement payés à ne rien faire , à défaut de se remplir les poches avec l’argent du pauvre contribuable , à l’instar de la bande à Basile Atangana Kouna , promeut lui-même le chômage à l’intérieur de son territoire , alors que les grands exportateurs , comme le Nigeria ou la South African Republic , exportent le chômage à l’extérieur de leurs frontières nationales .
Enfin , les Africains , en général , et les Camerounais , en particulier , doivent cesser cette hypocrisie qui consiste à accuser les autres d’être la cause de nos malheurs , alors que nous sommes conscients , dans le tréfonds de nos âmes , d’être nous-mêmes les principaux acteurs de notre autodestruction . Dans notre pays , le Cameroun , le sport préféré de tous ceux qui prétendent être les étalons de la réussite sociale est connu : ils pillent , volent et gaspillent cet argent dans la concupiscence et la luxure . Plus ennuyeux encore , ces nouveaux riches insultent la connaissance et piétinent l’intelligence .
Ce qui nous révolte , c’est de constater que ces braqueurs des caisses de l’État , y compris la bande à Basile Atangana Kouna , ont la prétention de démontrer à ces ignares , réfractaires à la vérité et à la connaissance , que , bien qu’étant des fossoyeurs de notre économie , ils ont la capacité de se métamorphoser en honnêtes gens , 24 heures seulement après la disparition du franc des Colonies Françaises d’Afrique . Ainsi , après la pendaison de ce vampire nommé franc CFA , ces malfrats réussiront l’exploit de mettre définitivement fin à la prédation , à l’enrichissement illicite et aux détournements de deniers publics . Pauvre de nous-mêmes …
Et pourtant , le développement , ce mot , que je me souviens avoir prononcé plus de 500 fois , quand j’étais encore étudiant , est essentiellement tributaire de notre mentalité . Au lieu de passer notre temps à divertir les masses , en crachant notre haine sur les blancs , par des discours tout aussi moyenâgeux que rétrogrades , chacun d’entre nous devrait question son confort moral , intellectuel et spirituel , car , comme le dit le prophète Osée : ” Mon peuple meurt faute de connaissances ” .
Jean Collins OYONO ENGUELE,
Leader politique,
Président de la Renaissance Pour le Développement du Cameroun .
Tél : 656 64 65 32 / 651 97 30 05