Francophonie et cultures africaines

Comment  «  Voltaire » tue les langues africaines ?

« La Francophonie, c’est la culture française » disait Jacques Toubon, alors Ministre de la Francophonie dans un de ces nombreux  discours. Cette petite phrase pleine de sens a soulevé plusieurs polémiques qui l’ont emmenées à rectifié  le tir. Mais a-t-il  vraiment tort de penser cela ? Sur les deux millions de personnes à travers le monde qui ont en partage la langue française,  on trouve des Vietnamiens, des Tchadiens, des Ivoiriens, des Papous,  des Belges etc.  Inconsciemment, chaque fois que ces derniers parlent le français,  ils font la promotion de la culture  française au détriment de la leur.  La diversité francophone est réelle certes mais la culture française, qu’on le veuille ou non, est liée à la langue française.

Hamani Diori du Niger et le poète Senghor, deux des créateurs de la  défense de la langue française, ignoraient sans doute qu’à long terme, la structure qu’ils mettaient sur pied le 20 mars 1970 allait avoir un effet de boomerang avec le temps. On se rend compte que petit à petit, la langue française est en train de broyer minutieusement les langues locales africaines.

On a coutume de dire que la langue représente le levier de la culture d’un peuple. En Afrique il y a plusieurs langues et une multitude de dialectes, de patois et autres. Cependant trois ou quatre langues se distinguent. Il s’agit notamment du Bambara en Afrique de l’ouest parlé dans au moins cinq  pays, le Swahili et le Lingala en Afrique centrale.

Avec la colonisation, les Africains gardent comme héritage ultime la langue française qui sert se révèle utile dans toutes les occasions : à la maison, au marché, dans  l’administration, à l’école… Elle est devenue un instrument incontournable pour bon nombre d’entres nous pour en vue de communiquer avec l’extérieur.

La langue française est une belle langue et il  n’y a pas de mal à la pratiquer. Cependant, le mal se trouve dans le fait qu’en imposant aux Africains de parler uniquement la langue de Molière au détriment de leurs propres langues, on en vient petit à petit à tuer les langues africaines et par cette même occasion les cultures africaines. Le rouleau compresseur français a fait irruption dans les sociétés traditionnelles africaines naguère garantes de la langue, du dialecte ou du patois. Les personnes âgées ne peuvent plus transmettre la pratique de la langue aux enfants parce que ces derniers ne peuvent ou ne veulent plus pratiquer dans les cours de recréations. De ce fait, pas mal de patois sont en voie de disparition ou ont tout simplement disparu au détriment du français.

A tort ou à raison, on peut aisément dire que la Francophonie et ses opérateurs tuent les langues africaines. On écrit en Français, on parle en français, on chante en français, on prie en français. Pour beaucoup d’africains, c’est même un honneur que de mieux maitriser le français que sa propre langue maternelle. En réalité, ils mettent en danger leur patrimoine linguistique au dépend d’une langue d’emprunt, d’une langue de colonisation. Un héritage  qu’ils trainent tel un boulet aux pieds ou au cou.

Selon certaines études, l’intégration des langues locales dans le système éducatif garantirait de meilleurs résultats. Il ne faut plus punir les enfants dans les cours de recréation parce qu’ils s’expriment dans leurs langues maternelles. Au contraire il faut les encourager à penser d’abord en langue locale avant de penser en français. Le petit Moaga qui s’exprime bien en Moré (langue du Burkina Faso) a deux ou trois ans, ou ce jeune Soninké (langue du Mali) qui sait compter dans sa langue maternelle, doit devrait être une fierté. Après tout, apprendre à lire et à écrire dans une langue qui n’est pas sa langue de naissance est reste une entreprise très délicate voire difficile pour les enfants.

Les Africains perdent leur identité en s’appliquant essentiellement à la pratique du français, c’est un fait. Ils perdent aussi l’essence même de leur culture. Les francophones du Nord sont avares quand il s’agit de faire une petite place à la culture africaine. Par exemple, la littérature africaine, cette littérature riche qui dépeint les us et coutumes des africains à travers les poèmes ; les nouvelles et les romans. Comment est- ce qu’elle est cantonnée dans les rayons lugubres de librairies européennes ? Le marché littéraire européen francophone est relativement vide de connaissances africaines. On connait toujours quelques uns, souvent les mêmes qui bénéficient d’une grande promotion faite par leurs maisons d’éditions françaises ou belges. Mais à la source, c’est-à-dire en Afrique, beaucoup d’écrivains sont dans l’ombre. Certes ils écrivent en Français mais ils parlent tout de même de leur façon de vivre au quotidien. Ils racontent des histoires africaines que les francophones du Nord devront savoir pour mieux connaitre ceux et celles avec lesquels ils  partagent la même langue.

Que doivent faire les Africains sans compter sur les autres ? D’abord communiquer le plus  souvent en langue locale avec les enfants afin qu’ils aient de bonnes bases. Interdiction de parler français à la maison par exemple. Apprendre au moins plusieurs langues africaines. Ensuite, Il faut intégrer les langues locales dans le système éducatif africain. A la maternelle, les enfants pourront apprendre plusieurs langues locales à travers des chansons, des poèmes, des jeux et des contes. Pour cela, il faut que les linguistes africains puissent bénéficier des subventions de la dite Francophonie pour l’essor des langues africaines. Enfin, être authentique dans la défense de  sa culture. Parler la langue française, ne veut pas dire vivre comme un français ! Être soimême et surtout être fier de sa culture même si aux yeux des Européens cela semble appartenir à un autre monde.

Il faut par ailleurs qu’au niveau de la Francophonie, qu’on en vienne à constater cette espèce d’échanges de cultures nord-sud. Les films africains devraient être retenus sur les chaînes européennes et à des heures de grande écoute. Multiplier les colonies de vacances dans les pays francophones africains et apprendre dès le jeune âge aux enfants comment les autres vivent au jour le jour à travers leur culture. Pour cela, La Francophonie devrait multiplier les subventions aux organismes qui œuvrent pour la promotion de la culture africaine; elle ne le fait pas assez.

Tikishia T Digbeu