(Le Nouveau Courrier, 25 octobre 2013) – Alors que l’opinion croyait le « dossier Dano Djédjé » clos, l’ex-ministre de la Réconciliation nationale du gouvernement Gbagbo fait l’objet d’attaque et même de menace à peine voilées d’arrestation. Les dessous d’une opération mal ficelée.
Distraire l’opinion, au moment où on est acculé par des Organisations internationales, telles que Human Rights Watch (HRW), la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) et l’Onu qui sont dans nos murs, en se posant en victime face à une opposition (notamment le FPI) à laquelle il faut continuer de coller une étiquette de terroriste (Ansar Dine), de déstabilisateur, d’empêcheur d’aller au dialogue républicain, à la réconciliation et à la paix. C’est à cet exercice que le régime Ouattara, avec ses sécurocrates (Hamed Bakayoko en tête), s’adonnent ces derniers jours en faisant distiller à travers la presse qui lui est proche des informations relatives à une « atteinte à la sécurité de l’Etat » ourdie par l’ex-ministre de la Réconciliation sous le président Laurent Gbagbo. Les stratèges militaires (pro-Ouattara bien sûr) pourraient conclure que c’est de bonne guerre (au moment où le pouvoir Ouattara fait ses calculs pour 2015), mais elle est malsaine quand elle se déporte sur le terrain politique. Le régime Ouattara, qui manque d’argument face aux préalables du Front populaire ivoirien (Fpi) – les « amis » de Ouattara se sont appropriés certains – relatifs à la libération de tous les prisonniers d’opinion, le retour
sécurisé des exilés politiques, la rétrocession de tous les biens, le dégel des avoirs, etc., adopte une posture de «persécuté par des caciques de l’opposition pro-Gbagbo».
La déposition du ministre Dano Djédjé à la DST, une aubaine Une source crédible au sein de la police secrète de Ouattara a levé un coin du voile sur les dessous d’une «ruée spectaculaire» sur le ministre Sébastien Dano Djédjé lorsqu’elle a constaté, selon elle, que «l’affaire considérée comme un dossier clos devenait sérieuse à travers une récupération qui était en train d’être faite.» «Après l’audition du ministre Sébastien Dano Djédjé sur procès verbal (Pv) par le sous-directeur de la
Dst, à propos des munitions découvertes à sa résidence, un point a été fait à la hiérarchie. Ses propos, à notre niveau après un débriefing, n’ont pas été perçu comme dangereux. Nous avons également noté qu’il avait également fait des déclarations objectives. C’était de bonnes analyses de la situation de crise que le régime en place a à gérer quotidiennement. La réaction d’une partie d’Ivoiriens, des pro-Gbagbo par exemple, qui comprennent difficilement qu’ils soient toujours la cible de missions commandées du régime ou encore des individus qui étaient proches de l’actuel pouvoir, au moment des affrontements militaires, aujourd’hui frustrés peuvent nourrir un esprit de vengeance sans qu’ils n’aient une quelconque accointances avec une autorité politique de l’opposition. Il fallait aussi une lucidité vis-à-vis de M. Dano Djédjé connu pour ne pas être un cacique. En plus, pendant son audition, il a laissé transparaître aucune brèche qu’il fallait exploiter contre lui. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, d’échanges en échanges avec le « sommet » sur sa déposition, d’après ce que j’ai pu m’en apercevoir, pendant 6h, il a été autorisé à regagner son domicile. Quelques heures plus tard, à notre grande surprise, au moment où nous pensions que le « dossier Dano Djédjé » était clos, on nous informe que « la n’a pas été un succès ». Les jours qui suivent, des journaux en font leurs choux gras avec le contenu dénaturé du Pv de M. Dano Djédjé», révèle l’informateur du Nouveau Courrier. Ces propos, vu l’acharnement contre le vice-président du Fpi ces dernières heures, sont révélateurs de la mise en scène grotesque militaro-politico-judiciaire dans laquelle le régime Ouattara excelle si bien. Dans le cas précis du ministre Sébastien Dano Djédjé, il s’agit de réussir à abattre – ou dans la moindre mesure ternir son image – celui qui, en sa qualité de porte-parole des cadres de Gagnoa, a fait foirer une grande mobilisation de tous les fils et filles de la région du président Laurent Gbagbo autour de Guillaume Soro, l’un des piliers du pouvoir Ouattara. Le puzzle semble bien en place.
Les faits qui font l’objet de récupération du régime Ouattara
Le lundi 14 octobre dernier, le ministre Sébastien Dano Djédjé sollicite un jardinier pour tondre le gazon dans la cour de sa résidence. Dans l’exercice de sa tâche, le manœuvre découvre un sachet de munition de kalachnikov enfoui dans le gazon. Il informa aussitôt le maître des lieux de sa découverte. Le Pr. Dano Djédjé, à son tour, saisi le commissariat de police du 35ème arrondissement. «J’ai estimé qu’une telle découverte chez moi doit être portée à la connaissance des autorités compétentes. C’est ce que j’ai fait», a expliqué l’ex-ministre de la Réconciliation. Le commissaire de police, après constat, récupère les munitions. Pour Dano Djédjé, cette « affaire banale » était close. Que non. 72heures plus tard, le commissaire du 35ème arrondissement se pointe à la résidence du porte-parole des cadres de Gagnoa avec deux éléments de la Dst. Les échanges, selon le ministre, se déroulent dans plus grande courtoisie sur la curieuse découverte des munitions. Mais avant de se quitter, les visiteurs exigent du responsable des lieux qu’il se présente à la Dst le jour suivant. Ce qu’il fait. Le ministre Dano Djédjé sera maintenu pendant 6h de temps avant d’être autorisé à regagner son domicile. «Le sous-directeur qui m’a interrogé a été très correct et très courtois avec moi. C’est le temps qu’a duré l’interrogatoire qui a été éprouvant pour moi», avait révélé Dano Djédjé pour qui le dossier est définitivement clos. Un dossier qui, d’hésitations en hésitations, pris dans le prisme de sa mauvaise gouvernance, de la violation des droits de l’homme, le régime Ouattara tente de réveiller pour freiner l’ardeur de son opposition politique.
Par Saint-Claver Oula