Burkina Faso : 15 octobre 1987, coup d’État militaire sanglant, le capitaine et président historique socialiste Thomas Sankara est assassiné.
Il a été assassiné par les impérialistes et leurs suppôts. C’était le 15 octobre 1987. Pourquoi ? Parce qu’il dérangeait, parce qu’il était un empêcheur de tourner en rond, parce qu’il était contre la résignation et la soumission, parce que le tremblement et l’agenouillement devant le Blanc étaient pour lui des choses inacceptables, parce qu’il savait dire “non” à tout ce qui bafoue la dignité de l’homme noir.
Un “non” qui continue de retentir dans toute l’Afrique 35 ans après sa mort parce qu’il est le “non” éternel que la liberté oppose à toute tentative d’oppression, de chosification ou d’exploitation.
Nous avions foi qu’il ferait ce que les Um Nyobè, Roland-Félix Moumié, Osendé Afana, Ernest Ouandié, Victor Biaka Boda, Patrice Lumumba, Kwame Nkrumah, Modibo Keïta, Sylvanus Olympio, Barthélemy Boganda, Samora Machel, Amilcar Cabral, Marien Ngouabi et d’autres furent empêchés d’accomplir pour l’Afrique.
Nous comptions sur lui pour un meilleur positionnement du continent sur la scène internationale. Nous avions mis notre espoir en lui parce qu’il était “la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche” (Aimé Césaire), parce qu’il était le symbole d’une autre Afrique, l’Afrique libre et debout, l’Afrique qui se prend en charge, l’Afrique qui valorise ce qu’elle a, l’Afrique qui produit ce qu’elle consomme et consomme ce qu’elle produit.
Avec lui, nous avions recommencé à rêver mais, très vite, notre rêve fut brisé comme le rappelle l’ouvrage qui lui fut consacré en 1990 par Valère Somé, un de ses compagnons de lutte.
Je me souviendrai toujours du grand discours qu’il prononça, le 4 octobre 1984, à l’Assemblée générale de l’ONU. Entre autres choses, l’enfant de Yako disait ceci : “Nous avons jusqu’ici tendu l’autre joue. Les gifles ont été redoublées. Mais le cœur du méchant ne s’est pas attendri. Ils ont piétiné la vérité du juste. Du Christ, ils ont trahi la parole. Ils ont transformé sa croix en massue. Et après qu’ils se sont revêtus de sa tunique, ils ont lacéré nos corps et nos âmes. Ils ont obscurci son message. Ils l’ont occidentalisé cependant que nous le recevions comme libération universelle. Alors, nos yeux se sont ouverts à la lutte des classes. Il n’y aura plus de gifles. Il faut proclamer qu’il ne peut y avoir de salut pour nos peuples que si nous tournons radicalement le dos à tous les modèles que tous les charlatans de même acabit ont essayé de nous vendre vingt années durant. Il ne saurait y avoir pour nous de salut en dehors de ce refus-là. Pas de développement en dehors de cette rupture.”
Deux ans plus tard, recevant François Mitterrand à Ouaga, il lui reprochera d’avoir reçu Pieter Botha, le Premier ministre de l’Afrique du Sud raciste, et le rebelle angolais Jonas Savimbi, “l’un et l’autre couverts de sang des pieds jusqu’à la tête”.
En 4 ans de pouvoir (1983-1987), grâce à une politique volontariste, il parvint à vaincre la faim et certaines maladies, à réduire l’aide économique française de 80%, à arrêter l’importation des fruits et légumes.
Cet homme, qui n’avait ni comptes bancaires ni appartements en France, a montré qu’on peut diriger un pays sans piquer dans les caisses de l’État, ni enrichir outrageusement sa famille.
Le capitaine Ibrahim Traoré, tombeur du lieutenant Paul Damiba, suivra-t-il son exemple ?
Jean-Claude DJEREKE