Ce matin-là, le village de Ziripiyeoua, où est né Kotchkotché, était enveloppé par la mélancolie de la grande saison des pluies tropicales. Les gouttes tombaient en cascade, tambourinant sur les toits de chaume, tandis que la nouvelle de la disparition de Douanon, la tante maternelle de Kotchkotché, se répandait comme une traînée de poudre. Douanon, petite sœur de la mère de Kotchkotché (Tchétchéré), avait été vue pour la dernière fois la nuit précédant son départ mystérieux. Les murmures du village évoquaient des menaces proférées par le vieux Groubert, son oncle maternel, qui reprochait à Douanon de n’avoir pas convaincu Kotchkotché de sacrifier le bélier qu’il lui avait offert pour célébrer ses succès académiques et sa survie miraculeuse à plusieurs accidents de circulation.
En fin de journée, alors que les hommes se rendaient aux palmiers pour récolter le traditionnel vin de palme, le vieux Groubert convoqua son neveu. Kotchkotché, connu également sous le nom d’Odjidiboussou, s’assit en silence, conscient que cette rencontre était différente des autres. Le vieux Groubert lui racontait souvent les histoires de la famille et du village, mais aujourd’hui, son regard était grave, chargé de souvenirs et de secrets. Le vieux Groubert commença par rappeler les circonstances qui avaient conduit Waha, la mère de Kotchkotché, à être renvoyée dans son village natal, Ziripiyeoua, par son mari, le père de Kotchkotché. Le vieil homme, avec une voix empreinte de sagesse et de tristesse, qui voilait une violence morale, exhorta son neveu à rejoindre son village natal, là où vivaient encore ses oncles et son aîné Ségnadou.
Kotchkotché, bien que frappé par cette révélation et face à cette décision irrévocable, demeura stoïque et ne prononça pas un seul mot, malgré le choc psychologique. Il savait écouter et respecter la parole des aînés, mais une tempête intérieure faisait rage en lui. Le vieux Groubert, reconnaissant le courage de son neveu, lui lança une mise en garde : « Petit sorcier inné, digne héritier de feu mon oncle dont tu portes le nom, je te permets de passer une nuit ici. Mais que je ne te voie plus à Ziripiyeoua dès demain. » Ces mots résonnèrent profondément dans l’âme de Kotchkotché.
Ne sachant que faire, il songea à passer la nuit chez un ami dans un village voisin. Mais au moment où il s’apprêtait à partir, son cousin et ami d’enfance, Zabahi Zarié Beugré Clément – Peter pour les intimes – fit son apparition. S’apercevant du comportement inhabituellement calme de Kotchkotché, Peter l’interrogea : « Pourquoi es-tu si silencieux ? Est-ce l’absence de tante Douanon qui te préoccupe ? » Kotchkotché, trouvant en Peter une oreille attentive et un soutien moral infaillible, lui confia tout ce que le vieux Groubert lui avait dit. Peter lui offrit un soutien moral inestimable et proposa d’accompagner Kotchkotché chez leur oncle Zelzedm pour obtenir des conseils. Zelzedm, après avoir écouté avec gravité le récit de son neveu, prit une décision rapide : il les conduisit chez son frère cadet, Zelmed Bob, qui devait retourner en ville le soir même.
Après une brève concertation, mais chargée de signification, entre les deux oncles, Bob assura Kotchkotché qu’il partirait avec lui pour la ville ce soir même. Encouragé par le soutien indéfectible de Peter, Kotchkotché commença à préparer ses affaires. Ce départ, bien qu’imposé, ouvrait une nouvelle page dans la vie du jeune homme, loin des intrigues de Ziripiyeoua.
Les jours, les semaines et de nombreuses années passèrent, et la vie continua. Les deux derniers mois de cette année 2024 furent très bouleversants pour Kotchkotché, avec les décès de ses deux grandes sœurs aînées (Djolohonon Eugénie et Kloaklo Madeleine), de sa tante Mapé Jeanine, veuve Douba Plégnon Anatole (son oncle paternel), et enfin de la veuve de feu son aîné Téhure Blaise. Au moment où il pensait enfin souffler et célébrer les festivités de fin d’année avec sa famille et ses amis, une autre tragédie vint bouleverser la vie de Kotchkotché. Peter, son cousin et ami d’enfance, qui avait été son pilier dans les moments les plus sombres, rendit l’âme à la veille des fêtes de fin d’année 2024.
La perte de celui qui avait toujours été d’un grand soutien pour Kotchkotché pesait lourd sur son cœur. Un coup dur pour Kotchkotché. Plus qu’un simple cousin, Peter avait été un frère de cœur, une âme avec qui il partageait les souvenirs de leur enfance et les défis de leur jeunesse. En hommage à cette fraternité, Kotchkotché décida de suspendre toutes les festivités de cette fin d’année. Ce choix symbolique reflétait son profond respect pour celui qui avait été son confident, son soutien moral et son allié indéfectible dans les épreuves de la vie.
L’histoire de Kotchkotché est celle d’une résilience face à l’adversité et d’un attachement indéfectible aux valeurs de famille et d’amitié. De son renvoi forcé par le vieux Groubert aux moments de réconfort trouvés auprès de Peter, il a su naviguer dans des situations complexes avec dignité et courage.
Le départ de Peter laisse un vide immense, mais son souvenir demeure une source inaltérable d’inspiration. Kotchkotché, alias Odjidiboussou, incarne la force de caractère et l’esprit de fraternité, des qualités qui, malgré les épreuves, continuent de guider son chemin.
Adieu Zabahi Zarié Beugré Clément – Peter !
Bien qu’il n’ait pas été informé à l’avance de la maladie qui t’a emporté, cher Peter, Odjidiboussou promet de faire ton deuil comme il se doit, dans le respect des règles, des us et des coutumes.
Simplice ONGUI
Londres, le 02 janvier 2025
02h29
NB : Hélas, ce récit n’est pas une fiction, mais une histoire vécue. Les noms des personnages ont été modifiés pour atténuer l’impact émotionnel de cette narration.