Chérif Ousmane Madani Haïdara et tous les autres chefs religieux doivent dire la vérité sur les prénoms.

Chérif Ousmane Madani Haïdara et tous les autres chefs religieux doivent dire la vérité sur les prénoms.

Si je vous dis : Jean-François, Laurent, Nathalie, Jeanne, vous me direz sûrement des prénoms français. Si je vous dis : John, Marylin, Ronald, Margaret, vous me direz à coup sûr des prénoms anglais ou américains. Zhu, Zhao sont des prénoms chinois ; Rodriguez, Pablo, Miguel, Juliana sont des prénoms espagnols ou portugais ; Mohamed El Moctar, Abd El Aziz, Aziza, Fatimata, des prénoms arabes. Saran, Penda, N’Golo, Ogomono, sont des prénoms maliens.

Ainsi, les prénoms rattachent les individus à un pays ou un continent. Ce sont les premiers éléments de l’identité ; ils s’enracinent dans un terroir, une culture et ont très souvent, sinon dans la plupart des cas, une signification particulière. Chez les Bamanans, N’Tji est le premier né ; Nyamanton est le prénom donné à un enfant dont tous les aînés sont morts à la naissance ou très tôt, etc.

Or il apparaît qu’au Mali, les prénoms arabes et français sont en passe de faire disparaître les nôtres sous le prétexte que ce sont des « prénoms musulmans ou chrétiens». Lors des baptêmes en milieu dit musulman, on entend très souvent les inepties du genre : « l’enfant se prénomme Diala, comme son grand-père ; mais son prénom musulman ou coranique est Ibrahim ».

Cela est une insulte très grave car il sous-entend que le grand-père, celui qui a donné naissance au père ou à la mère de l’enfant, n’a pas un prénom honorable. Les Maliens se prénomment maintenant El Mamoun, Mohamed El Béchir, Al Boukadar, Abou Bakr, Sidy El Moctar , Ousmane, Assad et autres prénoms qui sont autant d’insultes à la mémoire de notre peuple, des insultes à nos anciens, des insultes à notre dignité.

« Au moment où le Gouvernement s’intéresse à l’épanouissement de l’enfant malien, il serait important que les chefs et autres responsables religieux et de la société civile ouvrent le débat sur les prénoms arabes dont on affuble nos enfants au nom de l’islam. Au rythme où vont les choses, il est évident que nous perdrons avant la fin du siècle la plupart des prénoms authentiques qui sont le reflet de notre culture. Sait-on que El Madan (Madani) signifie simplement « le citadin » et que Assad veut dire « lion » ? Dès lors pourquoi ne s’appellerait-on pas Nagnouma (la bonne mère) ou Tiéfin (l’homme noir) ? » 

Quand on a perdu son prénom, on perd son identité première ; on devient un inconnu, celui que les Bamanans appellent « yèrèdonbali ». Car c’est totalement faux de parler de prénomsmusulmans. Ceux dont nous affublons nos enfants sont des prénoms arabes ; nous sommes en voie d’acculturation. On peut bien se prénommer Ngolo et être l’imam du village ou du quartier. Ce qui importe c’est la foi.

De quoi devrions-nous avoir honte quand d’autres s’appellent Leboeuf, la Montagne, Cochon ou Mouton ?Qui sait que El Madan signifie simplement le citadin et El Assad, le lion ?En Bamanankan le prénom se dit Tògò, déformation de To N Kò qui signifie « ce qui reste après moi » (c’est-à-dire après ma mort). Nos ancêtres nous tourneront le dos lorsqu’après les avoir rejoints nous leur disions nous prénommer El Mamounou Khadidiaau lieu d’Ogotéméli, Kloussama ou Penda.

Cela fait des siècles que les Arabes et les européens ont entrepris leur travail de déculturation des Africains. Maintenant ce sont les Africains eux-mêmes qui font le travail à leur place. On peut se demander comme l’écrivain Moussa KONATE : L’Afrique noire est-elle maudite ?

Ousmane THÉINY KONATÉ
© maliactu.net