« Au Royaume-Uni, l’éthique communautaire a disparu au bénéfice des Chapel de partis politiques. »

Bah Soumalet

Emmanuel Bah Soumalet, président de l’Alliance des Sociaux-Democrates : « Le manque de formation politique au sein des partis classiques a encouragé l’arrivée des prophètes sur la scène politique nationale. »

Sociologue de formation et Politologue avec un Master en « Global Politics » Emmanuel Bah Soumalet est le président de l’Alliance des Sociaux-Démocrates (ASD) et Conseiller Régional au Guemon dans le District des Montagnes (Côte d’ivoire)  Bah Soumalet est Ambassadeur Universel de la Paix.
Sans détours, il nous parle de son parti,  de sa région natale, de la diaspora ivoirienne au royaume.
Rencontre avec un féru  de la politique ivoirienne.

L’Interview

Afriquessor.com: Emmanuel Bah Soumalet, vous étiez le No. 2 de l’Union Socialiste du Peuple (USP). Ce parti a eu à présenter un candidat à la dernière élection présidentielle en la personne de Tohou Henri, quelles sont les raisons de votre départ ?

Je n’étais pas le no2 de de l’USP car cette classification n’existait pas. C’est plutôt chez moi, ce parti a été créé et le portefeuille du Secrétaire a l’intérieur m’a été confié depuis sa création jusqu’à sa confiscation par un individu.  Dans des conditions calamiteuses, ce parti a pris part aux élections présidentielles de 2010 où le leader fut bon dernier même derrière le comédien Adama Dolo Daiko.

Un tel score (2.423 voix sur 4.843.445 soit 0,05%) en appelle en politique à une auto-critique.  Le leader, moins soucieux du développement du parti que de sa promotion personnelle, a boycotté la tenue du congrès portant légitime.  Las de tourner en rond dans un parti où le congrès est resté tabou pendant 14 ans, nous avons décidé de tourner la page.  Nous avons démissionné en bloc de la monarchie pour jeter les bases d’un parti démocratique moderne.  C’est l’Alliance des Sociaux-Démocrates (ASD). Et moins d’un an après sa création, le parti a déjà des Elus.  Il s’est doté d’un siège ultra- moderne à Yopougon (Abidjan), précisément au Groupement Foncier en face de la SGBCI.  C’est ce qu’on appelle « la Real politik ».  C’est ça qui est la vérité.

Comment se positionne L’Alliance des Sociaux-Démocrates (ASD), votre nouveau parti, dans le paysage politique ivoirien ?

L’Alliance des Sociaux-Démocrates (ASD), est un parti socialiste de centre–gauche.  Nous avons rompu d’avec le socialisme révolutionnaire. L’autre originalité, c’est la limitation du mandat du président du parti et l’instauration des primaires pour désigner les candidats du parti aux différentes élections nationales. En procédant ainsi, nous mettons fin aux querelles qui paralysent les partis de l’Opposition.  L’Alliance des Sociaux-Démocrates (ASD) est certes un jeune parti,  mais les cadres qui l’animent sont des vieux  routiers.  Avec le ralliement en cascade pour notre cause, l’ASD entend devenir le principal parti de gauche.  En la matière, nous sommes en train de travailler pour créer le panel de la Gauche démocratique.  La clarté de nos textes et surtout notre programme de gouvernement ne font qu’attirer chaque jour la sympathie des Ivoiriens à notre égard.

Votre résidence officielle est à Londres, Royaume-Uni d’Angleterre. Pensez-vous que de la diaspora l’on peut activement participer à la vie politique de son pays surtout quand on président d’un parti comme vous ?

Je suis en transition.  Le siège du parti est déjà en fonction et d’ici là, le Conseil Régional va construire son siège à Duékoué, la capitale du Guemon.  Ici en Angleterre, tout a été intelligemment planifie.  Pour avoir travaillé régulièrement 6 mois après mon arrivée en 1994 en Angleterre jusqu’à ce jour, je serai pensionnaire très bientôt.  Tout ceci pour dire qu’il y a un temps pour toute chose.  Et le temps est venu pour moi d’être sur le terrain.  Je peux vivre de ma pension en Côte d’Ivoire.  A cela s’ajoutent mes émoluments de Conseiller Régional.  Je n’ai plus de raison de ne pas être sur le terrain.  Vous aurez l’écho de ma résidence officielle en terre ivoirienne très bientôt.

Voulez-vous nous dire par-là que votre parti, L’Alliance des Sociaux-Démocrates, a participé aux dernières échéances municipales et régionales ?

Bien sûr.  Nous n’étions pas certes prêts mais rien ne pouvait arrêter notre volonté de participer à ces élections.  Nous avons approché des candidats indépendants avec qui nous avons formé des listes tant aux municipales qu’aux régionales.  Cela nous a réussis en ce sens que le parti sort de ces élections avec un petit gain politique.  L’ASD compte désormais 2 Conseillers régionaux (avec un titre d’élu), un président de commission régional et un membre de commission.  Au niveau des Municipales, le parti a un conseiller municipal.  Là où nous n’avons pas gagné, nous avons gagné en expériences.  Ce n’est rien tout cela, mais pour un début, en politique, c’est encourageant.  Mais je vous assure que nous serons présents aux  différentes élections nationales prochaines.

« En vérité, L’ASD est l’ex-USP moins le frère Tohou »

Avez-vous d’anciennes personnalités politiques dans votre structure ?

En vérité, L’ASD est l’ex-USP moins le frère Tohou.  Tout le monde est là avec moi, cela veut tout dire.  Je suis un réel rassembleur.  C’est une qualité politique qui n’est pas donnée à tout leader.  J’ai maintenu la porte de l’ASD ouverte.  Si le frère veut se ressaisir, la direction du parti examinera avec intelligence sa requête.  Mais retenez également que notre nouvelle équipe est aussi composée de cadres issus des partis en perte de vitesse.  Tous ceux qui veulent faire la politique autrement sont avec moi.  Nous offrons aux Ivoiriens une plate-forme de formation politique et de l’exercice de la démocratie. Le manque de formation politique au sein des partis classiques a encouragé l’arrivée des prophètes sur la scène politique nationale.

Vous êtes Conseiller de la Région du Guemon où il y a beaucoup d’exactions depuis 2002 ; qu’est-ce que cela vous inspire ?

Je suis né au Guemon (de père et de mère eux -mêmes nés au Guemon) et j’ai fait de la maternelle au premier cycle au Guemon.  Je parle correctement le Wê, c’est-à-dire le Guéré et le Wobé.  En tant que Sociologue, je connais aussi les problèmes de ma région.  Mes parents ont subi toutes formes d’atrocités pendant ces 12 dernières années. C’est regrettable qu’un peuple aussi docile et hospitalier puisse être traité ainsi.  Je suis certes pour la réconciliation.  Mais j’exige toujours que lumière soit faite sur ce qu’il s’est réellement passé dans le District des Montagnes.

Ceux qui ont instrumentalisés mes parents doivent répondre de leurs actes.  L’honorable Evariste Méambly et le Conseil Régional sont en mission au Guemon pour régler tous les problèmes.  Nous allons créer les coopératives rurales de production de riz afin de faire du Guemon le grenier de l’Afrique de l’ouest.  Nous ferons de la politique du retour à la terre notre credo.  Vous savez, la population du Guemon est vieillissante et l’exode rural a vidé la région de sa force de travail.  Cela a suscité de façon arbitraire l’occupation anarchique de nos terres.  Nous allons ramener nos frères et sœurs au Guemon.

La Diaspora du Guemon doit s’impliquer dans cette politique.  Nous allons aussi mettre sur pied la Police régionale pour assurer la sécurité de nos parents.  Nous allons construire des routes, des écoles et des centres de santé afin d’améliorer les conditions de vie de nos parents.  Nous allons redonner les terres à leurs propriétaires naturelles.  Notre vision, c’est de doter  le Guemon de toutes les infrastructures urbaines capables de « créer la ville au village » En trois ans, nous espérons assainir tous les problèmes qui minent la région.

Que feriez-vous de plus pour remédier aux problèmes de la population ?

Le conseil régional participe de la décentralisation.  L’Etat a affecté un budget au conseil pour développer la région.  Les problèmes seront règles au plan régional.  Le conseil va rester proche de la population et partager au quotidien ses problèmes.  C’est vrai, nous ne pouvons pas tout faire vu la taille du budget de l’Etat.  C’est pour cela le conseil va rechercher lui-même des fonds.  Le conseil va faire des jumelages d’avec des Communes tant à l’échelle du continent africain que dans le reste du monde.  Des Investisseurs privés seront encouragés à venir au Guemon, une région agricole et touristique par excellence.

Selon vous, le code foncier et la loi sur la nationalité votés par les Députés ivoiriens sont-ils de nature à régler les problèmes de la Région du Guémon ?

Il faut d’abord faire remarquer que le problème du code foncier et la loi sur la nationalité ne sont pas spécifiques au Guemon seulement.  Ce sont des dispositions qui concernent l’ensemble du pays. Et il faut un jour règlementer l’acquisition des terres en Côte d’ivoire et régulariser le problème des sans-papiers.  La loi met fin à l’anarchie.  Evidemment, mes parents du Guemon seront contents s’ils recouvrent par la loi leurs terres.  Ils seront aussi soulagés de savoir qu’une loi est prise pour permettre aux sans-papiers qui en font la demande d’obtenir la nationalité ivoirienne.  Cela se passe partout dans le monde.  Mais chez nous, on politise tout le vécu social inutilement.

Il y a certainement d’autres « Ouérémi » planqué dans les forêts de la Région du Guémon, quel appel pouvez-vous leur lancer ?

Bon mais, si le mont Peko est libéré et qu’il existe des monts (car la région en compte beaucoup) encore sous occupation, notre appel est simple.  La Région est désormais « gouvernée » par l’Honorable Evariste Meambly.  Rien ne peut expliquer dans une République l’occupation d’une forêt classée.  Nous disons aux individus (s’ils en existent encore) qui pensent qu’on peut être dans le faux tout le temps que la recréation est terminée dans le Guemon.  Nos parents nous ont donné un mandat pour développer la région.  Nous sommes prêts à collaborer avec tout individu qui veut apporter sa contribution dans le processus de reconstruction de notre région.  Nos parents ont assez longtemps souffert.  Quiconque voulant continuer à les distraire nous trouvera en chemin par tous les moyens.

« Notre parti, l’Alliance des Sociaux-Démocrates (ASD), s’inscrit dans la problématique de la réconciliation nationale. »

Actuellement la Côte d’Ivoire est en pleine crise postélectorale, qu’est-ce que vous pensez apporter comme solution pour l’apaisement et la réconciliation ?

Notre pays revient de loin. Il faut vraiment rendre grâce à Dieu et lui demander de nous aider à tourner la page.  Nous devons tous jouer balle à terre.  Notre parti, l’Alliance des Sociaux-Démocrates (ASD), s’inscrit dans la problématique de la réconciliation nationale. C’est un processus irréversible.  Nous sommes condamnés à nous réconcilier.  Dans la vie, tout est possible.  Qui aurait cru à l’alliance Franco-Allemande ?  Mieux, qui aurait cru a la cohabitation des Blancs et des Noirs en Afrique du Sud après l’apartheid ?  La meilleure façon d’aller à une réconciliation, c’est de faire l’état des lieux.  Avant de se pardonner, il faudrait qu’on sache qui a fait quoi. Les auteurs directs des atrocités et/ou crimes doivent répondre de leurs actes devant la justice ivoirienne.  Il faut nécessairement dédommager les innocentes victimes.  Les co-auteurs doivent faire l’Object d’amnistie de la part du président de la République.

Le 6 août dernier, 12 prisonniers pro-Gbagbo sur plus 700 ont été mis en liberté provisoire. Qu’en pensez-vous ?

Tout leader politique préfère être en liberté que d’être en prison.  Quoique provisoire, et solidarité politique oblige, je suis heureux que des cadres du FPI (je n’aime pas l’appellation Pro-Gbagbo) soient mis en liberté.  Je ne connais pas le nombre exact de Militants FPI en détention.  Mais le chiffre 700 semble être exagère.  Mais si les Etablissements pénitentiaires confirment cette donnée statistique, je souhaite qu’on libère sans condition ceux qui sont loin du pouvoir central et qu’on a arrêté au nom de la diarchie politique.  Dans tous les cas, il est facile de savoir qui est qui dans une prise de décision.

En Angleterre où vous vivez, la communauté ivoirienne est tiraillée entre la Coordination des Ivoiriens du Royaume-Uni et Diaspora Ivoirienne UK. Qu’avez-vous de concret pour cette communauté ?

C’est regrettable.  A notre arrivée ici, nous avons pourtant jeté les bases d’une communauté unie et forte.  L’Ivorian Relief Action Group (IRAG) dont j’étais le président élu du BCA était au-dessus des formations politiques.  Après cette vague de précurseurs, l’éthique communautaire a disparu au bénéfice des Chapel de partis politiques. Ca dépend de l’objectif recherché.  L’existence de plusieurs structures dans une communauté n’est pas un péché en soi.  Dans la nôtre, la Coordination des Ivoiriens au Royaume-Uni et Diaspora ivoirienne UK n’ont pas opté pour une différenciation /association constructive.

Toutefois, l’Alliance des Sociaux-Démocrates (ASD) se propose d’approcher les 2 Directions pour « un deal de sauvetage » à la fin du mandat de chaque président. Il s’agit, pour l’amour de la communauté et du pays, de se mettre d’accord pour aller à une élection unifiée.  Le Président qui sera issu d’une telle élection sera le président de toute la Diaspora de notre pays en Angleterre.  Notre parti en peut jouer l’arbitre.  Dans la transparence, nous pouvons organiser cette élection unifiée.

Votre dernier mot ?

Avant de finir, permettez-moi encore de remercier la Rédaction de Afriquessor.com pour l’opportunité offerte à ma modeste personne pour me prononcer sur des sujets d’actualité tant en Côte d’Ivoire que dans le reste du monde.

Mon dernier mot: je voudrais inviter les cadres de ma génération encore non compromis de se joindre à nous pour construire l’ASD, notre parti qui nous permettra de prendre notre destin en main. Le pays nous appelle.  Prenons le devant du leadership dans notre pays et dans le reste de l’Afrique.  Oui, nous le pouvons. Il est temps pour rouler pour nous-mêmes. Notre âge et notre culture ne nous permettent plus d’être pro-X et/ou pro-Y.

Interview réalisée par Thérèse Tikishia Digbeu

Collaboration Simplice Ongui