C’est une nouvelle donne qui pourrait, en tout point, donner plus d’allant au dossier de Fatou Bensouda, procureure de la Cour pénale internationale (Cpi) contre Laurent Gbagbo. De fait, dans une décision en date du mercredi 19 août 2015, Geoffrey Henderson, juge de la Chambre de première instance de la Cpi, a émis la possibilité d’une requalification des faits contre l’ancien président au regard de l’Article 28 du Traité de Rome instituant l’instance judiciaire. « La Chambre informe les participants et les parties de la possibilité que les faits présentés dans la décision de confirmation des charges peuvent être modifiés pour y inclure la responsabilité de M. Gbagbo telle que décrite par l’Article 28 (a) ou (b) du Statut de Rome », stipule la décision que les Juges ont motivé dans un document de 11 pages, rédigé en anglais. En clair, avec cette décision, la chambre, présidée par le Juge trinidadéen, ouvre la porte à une requalification des faits contre l’ancien président ivoirien. L’Article 28 en question porte sur la « responsabilité des chefs militaires et autres supérieurs hiérarchiques ». « Un chef militaire ou une personne faisant effectivement fonction de chef militaire est pénalement responsable des crimes relevant de la compétence de la Cour, commis par des forces placées sous son commandement et son contrôle effectifs, ou sous son autorité et son contrôle effectifs, selon le cas, lorsqu’il n’a pas exercé le contrôle qui convenait sur ces forces dans les cas où : Il savait, ou, en raison des circonstances, aurait dû savoir, que ces forces commettaient ou allaient commettre ces crimes; et Il n’a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir pour en empêcher ou en réprimer l’exécution ou pour en référer aux autorités compétentes aux fins d’enquête et de poursuite », indiquent les deux premiers paragraphes de l’Article 28 du Statut de Rome.
Pour rappel, lors de sa décision de confirmation des charges en 2014, la Chambre préliminaire I de la Cpi n’était pas allée dans ce sens. « La Chambre prend bonne note des éléments de preuve disponibles qui indiquent que Laurent Gbagbo n’a pas empêché les violences ni pris des mesures adéquates pour enquêter et punir les auteurs des crimes, mais elle considère que dans son ensemble, le dossier des preuves démontre que cette omission était une composante inhérente au projet délibéré de conserver le pouvoir à tout prix, y compris en commettant des crimes, avait soutenu les Juges. Par conséquent, examiner la responsabilité de Laurent Gbagbo au sens de l’article 28 du Statut exigerait de la Chambre qu’elle s’écarte considérablement de ce qu’elle a compris du déroulement des événements en Côte d’Ivoire pendant la crise postélectorale et du rôle joué par Laurent Gbagbo dans ces événements. Par conséquent, la Chambre refuse de confirmer les charges portées à l’encontre de Laurent Gbagbo sur le fondement de l’article 28 du Statut ».
En outre, toujours dans cette décision, la Chambre de première instance a rejeté les demandes des équipes de défense de Gbagbo et Blé Goudé quant à un changement de date pour le début du procès. Notons que la Procureure dispose de six jours pour ajouter éventuellement à son mémoire d’avant-procès les éléments nécessaires pour justifier une éventuelle requalification de ces faits en vertu de l’Article 28. Poursuivis comme l’un de ses plus proches lieutenants, Charles Blé Goudé, pour des crimes commis lors de la crise postélectorale en Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, sauf changement, verra son procès débuter en novembre prochain.
Abraham KOUASSI
Source : SoirInfo 6260 du vendredi 21 août 2015