Sa prophétie au sujet de la fin politique de Laurent Gbagbo s’est réalisée. En 2004, à la suite d’une marche de l’opposition ivoirienne réprimée dans le sang par le régime de la refondation, Blaise Compaoré, sans craindre de s’immiscer directement dans une affaire interne à un autre pays, avait fait cette prophétie : « Laurent Gbagbo finira au TPI (tribunal pénal international) comme Milosevic ». Eh bien la prophétie s’est réalisée. Laurent Gbagbo n’a pas fini au Tpi mais à la CPI (Cour pénale internationale), poursuivi pour des faits qualifiés « crimes contre l’humanité ».
En son temps, sur la question, Laurent Gbagbo avait simplement réagi en disant que « le temps est un autre nom de Dieu ».
En prophétisant sur la fin de Gbagbo, le prophète Blaise Compaoré n’a pas pensé à sa propre fin. Le « prophète » Gbagbo avait-il aussi vu la fin de celui qui lui prédisait une telle fin ?
Laurent Gbagbo a passé dix ans au pouvoir dont cinq sans élection grâce à Soro Guillaume et ses camarades de feu. Il est parti du pouvoir sous les bombes de la force Licorne et de l’Onuci après qu’il a voulu s’accrocher au pouvoir alors que la Commission électorale indépendante l’avait déclaré « perdant », décision invalidée quelques heures plus tard par la Cour constitutionnelle qui avait, au passage, réalisé l’exploit d’annuler 600 mille voix à son adversaire. Vaincu militairement, Gbagbo s’est retrouvé d’abord en résidence surveillée au Nord du pays avant de se retrouver, comme Blaise Compaoré l’avait prédit, devant la justice internationale.
Blaise Compaoré lui, est arrivé au pouvoir grâce à un coup d’Etat et a réussi l’exploit de s’y maintenir pendant 27 années sans discontinuer. Alors qu’il lui reste un an encore à passer paisiblement au pouvoir, piqué par on ne sait quel moustique de Bobo-Dioulasso, il a voulu se tailler une nouvelle constitution sur mesure au mépris de la volonté de son peuple pour s’offrir un pouvoir à vie. Pourquoi ?
Résultat des courses, le voilà expulsé contre son gré, en seulement 48 heures, de son palais avec ses mallettes. Mais avant, que de dégâts. L’on parle d’une trentaine de morts, des dégâts matériels qui se chiffrent à des dizaines de milliards avec l’incendie de plusieurs symboles de l’Etat.
Gbagbo chassé du pouvoir sous les bombes, Blaise Compaoré chassé du pouvoir sous les cris de son peuple, quels destins pour les deux hommes !
Si Gbagbo médite en ce moment sur ses actes à la CPI, il a l’avantage au moins de connaître déjà sa situation. Mais le « prophète » Blaise Compaoré lui, a son avenir particulièrement brumeux. La veuve de Sankara crie déjà justice et les ONG internationales, comme on l’imagine, sont déjà en train de dépoussiérer leurs rapports. Le vendredi dernier, sur les antennes de Rfi, un spécialiste du Burkina, auteur d’une biographie de Thomas Sankara, a appelé la justice internationale à engager des poursuites contre Blaise Compaoré. Ça commence toujours comme ça.
Au Burkina, si les militaires qui sont en train de s’arroger un pouvoir qu’ils n’ont pas conquis finissent par céder ce pouvoir aux civils, on ne sera pas surpris, dans quelques mois ou années, de voir des juges burkinabè qui se sont depuis 27 ans systématiquement déclarés incompétents pour tous les dossiers sur les crimes commis au Burkina, subitement se déclarer compétents et lancer des mandats d’arrêt contre des proches de Blaise Compaoré et pourquoi pas contre Blaise Compaoré lui-même.
Au final, Gbagbo est à la CPI, en prison. Hors de son pays qu’il ne reverra peut-être pas de sitôt.
Blaise Compaoré, lui, n’est pas en prison. Mais il ne peut pas, pour le moment, retourner dans son pays pour ne pas subir la colère de son peuple. Et cela risque de prendre beaucoup de temps aussi. Ne serait-ce pas une forme d’emprisonnement ?
« Le Temps, c’est l’autre nom de Dieu». Abdoulaye Wade humilié par les Sénégalais. Sarkozy renvoyé de l’Elysée
avec ses mallettes par les Français et poursuivi par une foule de juges d’instructions qui ne lui veulent que du bien. Et maintenant Blaise Compaoré qui fuit son propre peuple aux mains nues. Compaoré et Gbagbo, quels « prophètes » !
SABINE K. ET A.K
Source: L’Eléphant Déchaîné N°298 du mardi 4 au jeudi 6 novembre 2014