15 janvier 2019 – 15 janvier 2022. Cela fait exactement 4 ans que la Chambre de première instance de la Cour pénale internationale (CPI) acquittait le président Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé de toutes les charges qui avaient été portées contre eux par le procureur. L’ancien président ivoirien et son ancien ministre de la Jeunesse étaient accusés d’avoir commis des crimes contre l’humanité (meurtres, viols, autres actes inhumains et persécutions), qui auraient été perpétrés entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011.
Mieux, ce même jour, la majorité de la Chambre des juges de la chambre de première instance avait ordonné leur mise en liberté immédiate, conformément à l’Article 81-3-c du Statut de Rome. La majorité des juges avait estimé les preuves présentées par le procureur d’une extrême insuffisance.
Cette décision des juges d’acquitter Laurent Gbagbo et Blé Goudé avait constitué un coup de tonnerre dans le ciel de la CPI, ainsi qu’un revers majeur pour la procureure gambienne Bensouda qui avait prétendu détenir des preuves irréfutables pour prouver la culpabilité des deux accusés. D’autant plus que selon les Nations unies et la Commission nationale d’enquête, au cours des violences ayant suivi le scrutin présidentiel de 2010, plus de 3 000 personnes auraient été tuées et au moins 150 femmes auraient été victimes de viol dans tout le pays.
La victoire de Gbagbo sur l’impérialisme ?
Quatre ans après l’acquittement des deux Ivoiriens, tout le monde est unanime pour dire que Laurent Gbagbo a vaincu ses adversaires à l’interne et à l’externe. Selon Laurent Gbagbo lui-même qui n’a jamais cessé de clamer son innocence, son procès devant la CPI visait juste à le tenir loin de la Côte d’Ivoire pour permettre à Alassane Ouattara de gouverner en toute quiétude. L’agenda de son procès l’a démontré à en croire ses partisans.
En effet, renversé en avril 2011, détenu à Korhogo durant plusieurs mois, Laurent Gbagbo a été transféré par la suite à la CPI en novembre 2011. Le 27 mars 2014, il a comparu pour la première fois et son audience de confirmation des charges s’est tenue du 29 septembre au 2 octobre 2014, avec la décision de confirmation des charges, le 11 décembre 2014. Le 28 janvier 2016 s’est ouvert son procès. Pratiquement trois ans après son procès, sans même qu’il n’ait eu à présenter ses propres témoins, Laurent Gbagbo a été acquitté le 15 janvier 2019. La décision de confirmation de son acquittement définitif est intervenue le 31 mars 2021, soit plus de deux ans après sa sortie de prison.
La sortie de Laurent Gbagbo sur la CPI est considérée par certains analystes politiques, comme une victoire historique sur l’impérialisme. De fait, il est clair que Laurent Gbagbo a été renversé et déporté à la CPI avec la complicité de la France, pour s’être opposé à l’impérialisme occidental et pour avoir voulu la souveraineté de la Côte d’Ivoire. Son sacrifice a fait des émules dans certains pays africains qui ont décidé de s’affranchir de la tutelle de France.
Sa contribution à la réconciliation nationale
Après avoir passé plus de deux ans à Bruxelles, Laurent Gbagbo est rentré en Côte d’Ivoire, le 17 juin 2021 à la grande joie de ses partisans qui ont soutenu que son retour pourrait contribuer à la réconciliation nationale.
Dans sa volonté de briser le mur de la méfiance, Laurent Gbagbo s’est rendu au palais présidentiel pour y rencontrer l’actuel chef de l’Etat Alassane Ouattara et à Daoukro où il a rencontré le président Henri Konan Bédié, l’ancien allié d’Alassane Ouattara au moment de son renversement. Les deux hommes se parlent régulièrement.
À chacune de ses sorties, Laurent Gbagbo n’hésite pas à emboucher la trompette de la réconciliation en exhortant les Ivoiriens à se pardonner mutuellement. Pour preuve, lors de son déplacement en pays Wê (peuple qui a le plus souffert de toutes les crises politico-militaires en Côte d’Ivoire), du 28 mars au 2 avril 2022, l’ex-président ivoirien a appelé les victimes et leurs parents à pardonner leurs bourreaux.
Gbagbo comme Lula ?
Par ailleurs, Laurent Gbagbo qui n’entend pas abandonner le combat politique, a mis en place son nouvel instrument de lutte le Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI). Abandonnant son ancien parti (FPI) aux mains de Pascal Affi N’guessan. C’est désormais avec le PPA-CI que Laurent Gbagbo et ses partisans veulent conquérir le pouvoir en 2025, en passant par 2023 avec les élections locales. Pour se donner plus de chances, ses lieutenants parcourent villes et amonts pour implanter le parti.
L’ancien président réussira-t-il à faire comme l’actuel président du Brésil Lula qui du palais présidentiel est allé en prison et de la prison est revenu au palais ? Le futur nous situera.
B. Shonin