La patrie est en danger. Elle est en péril parce que ceux que la France a installés à sa tête en avril 2011 veulent en faire un no man’s land, veulent spolier les Ivoiriens de leurs terres, veulent progressivement les remplacer par des populations étrangères. Pour Alassane Ouattara, en effet, la Côte d’Ivoire devrait être ce pays où des étrangers peuvent occuper de grands postes et aller servir ensuite leur pays d’origine. Pensons, par exemple, au Guinéen Sidya Touré ou au Béninois Pascal Irénée Koupaki qui, après avoir travaillé avec Ouattara, Premier ministre, retournèrent tranquillement chez eux. Il n’est pas impossible que Fabrice Sawegnon, qui aspire à diriger la mairie du Plateau, suive l’exemple de son compatriote Koupaki. Le rêve de Ouattara, construire une autre Côte d’Ivoire, a commencé à se réaliser dans la mesure où l’on a vu, hier, des étrangers participer aux meetings et marches d’un parti politique, le RDR, alors que la loi ne les y autorisait pas.
Ces étranges étrangers, qui ont cotisé, insulté, voire tué pour que Ouattara soit au pouvoir et qui espéraient que cela leur profiterait, se sont réveillés il y a quelques jours avec une drôle de gueule de bois, après que leur bidonville eut été rasé. Condamnés désormais à dormir au cimetière de Port-Bouët, ces malheureux pères et mères de famille ont en commun avec Bédié d’avoir été roulés dans la farine par un homme pour qui ils avaient tout donné.
Comme les déguerpis d’Abattoir, nombre de fils et de filles du Nord ne cachent plus leur sentiment de s’être sacrifiés pour rien. Si on ajoute à cela l’emprisonnement depuis un an de Soul to Soul et la mort de l’étudiant Soro Kognon dans l’attaque d’un rassemblement pro-Guillaume Soro à Korhogo le 7 juillet 2018, il n’est pas exagéré de penser que le mécontentement est général, que les ingrédients d’un soulèvement populaire sont réunis aujourd’hui et que les victimes de la politique inhumaine et violente du régime Ouattara, dont le nombre va grandissant, sont prêtes à en découdre avec lui.
Le FPI et EDS ont apporté leur compassion aux délogés de Cocody-Danga et d’Abattoir et c’est une excellente chose. Mais cela suffit-il? Est-il nécessaire d’attendre 2020 pour mettre fin aux souffrances des Ivoiriens? Non, à mon avis. Il est temps, pour le parti de Laurent Gbagbo, de s’associer à une autre force politique. Laquelle et pourquoi? Jusqu’ici, le FPI n’a pas démontré, par une grande mobilisation de la rue, qu’il pouvait contraindre Ouattara à s’asseoir avec lui autour d’une table pour écouter et, éventuellement, satisfaire ses légitimes revendications. On me répondra que le parti ne pouvait rien face à la machine répressive de Ouattara. Cela est vrai mais en partie car, dans les années 1990, en face de Gbagbo, il n’y avait pas seulement Ouattara et Bédié. Il y avait aussi Houphouët. Et pourtant, Gbagbo lança des mots d’ordre aux Ivoiriens qui prirent la rue plusieurs fois. Reconnaissons que, pour n’avoir pas réussi à bloquer le pays, le rapport de force n’est pas en faveur du FPI en ce moment. La formation politique capable de faire reculer Ouattara, voire de lui faire mordre la poussière aujourd’hui, est incontestablement le PDCI.
C’est avec ce PDCI que le FPI et EDS devraient faire alliance afin de sauver la patrie qui se meurt. Mais, pour lever tout malentendu, je m’empresse d’ajouter que s’allier ne veut pas dire passer l’éponge sur les fautes du nouvel allié. À Adjamé, pendant la campagne électorale pour le second tour de la présidentielle de 2010, Laurent Gbagbo estimait à juste titre que la fille violée ne devrait pas tomber amoureuse de son violeur. Si certains camarades n’ont pas hésité à tomber amoureux de leurs bourreaux (la France et son pantin) et à passer leurs crimes par pertes et profits, nous ne sommes pas obligés de les suivre dans cette indignité. Le PDCI est comptable de tous les actes posés par Alassane Ouattara contre le FPI et la République. Le moment venu, rien ne devrait empêcher la justice de faire son travail (expression chère au duo Bédié-Ouattara), c’est-à-dire juger et sanctionner ceux qui ont attaqué le pays et pourri la vie aux Ivoiriens, de 2011 à 2018. Faire alliance et absoudre sont deux choses différentes. Sans le disculper, le FPI et EDS peuvent faire alliance avec le PDCI. Je propose donc que Sangaré et Ouégnin rencontrent le plus tôt possible le patron du PDCI afin d’étudier avec lui comment préparer la révolution populaire qui chassera le diviseur commun qui a bloqué le progrès de notre pays depuis 1999.
Laurent Akoun a récemment invité, pour une énième fois, Ouattara à dialoguer avec l’opposition. Il est trop tard pour discuter avec un homme qui ne comprend que le langage de la force. Je suis en revanche pour la constitution d’une alliance FPI-EDS-PDCI. L’alliance que j’appelle de mes vœux pourra se poursuivre si et seulement si le PDCI souscrit à l’idée que la Côte d’Ivoire n’a besoin ni de base militaire française ni de monnaie contrôlée par la France.
Jean-Claude DJEREKE