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SEM. Alassane Ouattara, Président de la République de Côte d’Ivoire

(L’Eléphant déchaîné, 26-28 mars 2013) De deux choses, l’une. Ou bien le chef de l’Etat a été inspiré par la volonté du président français, François Hollande, de gouverner par ordonnances en raison de la crise qui frappe son pays, ou bien, ce qui revient au même, la situation de la Côte d’Ivoire est si grave, que Ouattara ne peut plus gouverner que par ordonnances.

Car, dans le communiqué du dernier conseil des ministres, il y avait ce paragraphe qui a failli échapper à «L’Eléphant».

«Sur présentation du Premier Ministre, le Conseil a adopté un projet de loi portant habilitation du Président de la République à prendre, par ordonnance, pendant la gestion 2013, pour l’exécution de son programme en matière économique et sociale, des mesures relevant du domaine de la loi conformément à l’article 75 de la Constitution».

Pourquoi subitement, alors qu’il clame lui-même et fait clamer aussi ses communicants que tout va bien dans le pays, le chef de l’Etat sent-il le besoin de gouverner pour toute l’année 2013, par ordonnances, pour ce qui concerne «l’exécution de son programme en matière économique et sociale»? Pour 2013, le chef de l’Etat veut être autorisé par les députés ivoiriens, à prendre seul dans ses bureaux, les décisions qui engagent l’avenir de la Côte d’Ivoire, en matière sociale et économique. Comme Laurent Gbagbo, sous le prétexte de la crise, en a fait autant pour le budget de l’Etat pendant plusieurs années. On en a vu les résultats…

Les Députés voteront en tremblant ? 

« Le Président de la République peut, pour l’exécution de son programme, demander à l’Assemblée nationale l’autorisation de prendre par ordonnance, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. Les ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis éventuel du Conseil constitutionnel. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais, deviennent caduques si le projet de loi de ratification n’est pas déposé devant l’Assemblée nationale avant la date fixée par la loi d’habilitation. A l’expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article, les ordonnances ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans leurs dispositions qui sont du domaine législatif». Voici le contenu de l’article 75 de la constitution visé dans le communiqué du conseil des ministres.

Le projet de loi adopté par le gouvernement et qui devra être débattu par les députés dans les jours ou mois à venir, parle de toute l’année 2013. Les députés accorderont-ils ce pouvoir à Ouattara et dans le temps qu’il désire ? On imagine déjà l’ampleur du débat qui aura lieu quand on sait que pour le pouvoir, le rôle du parlement est d’entériner la volonté de l’exécutif, sous peine de dissolution du gouvernement. 

En France et en Côte d’Ivoire

En France, la volonté exprimée le 13 mars par François Hollande de prendre des ordonnances a provoqué la colère de son opposition qui n’a pas hésité à parler d’idée « inacceptable, saugrenue et grotesque qui court-circuite le débat parlementaire… » Ici, ce ne sont pas les ordonnances qui court-circuitent le débat parlementaire. C’est la dissolution du gouvernement pour velléité (quelle horreur) d’indépendance de quelques députés.

Depuis la publication du communiqué du conseil des ministres, «L’Eléphant» n’a noté aucune réaction de la part de l’opposition, dont le Fpi dit qu’il est le leader.

Et ce n’est pas du camp du Rhdp que viendra la moindre protestation contre cette volonté du chef de l’Etat de vouloir recourir de nouveau aux ordonnances. Après en avoir abusé pendant presque deux ans déjà.

Mais comme le disait l’ancien premier ministre anglais Churchill, «si je gouverne par ordonnances, c’est que la situation est grave, très grave».

C’est vrai que près de trois ans après la fin de la crise post-électorale, la situation de la Côte d’Ivoire, malgré les opérations de communication et les pluies de milliards, n’est pas toujours reluisante. Le pays est une marmite qui bout…

La preuve, le président veut gouverner maintenant par ordonnances en matière économique et sociale pendant un an. Pour faire circuler enfin l’argent dans des poches autres que celles des gouvernants et de leurs courtisans ?

ASSALE TIEMOKO