L’accession d’Alassane Ouattara à la tête de la Côte d’Ivoire a mis en lumière le poids des intérêts familiaux dans la gestion du pays. Oncle, frère, nièce, gendre, beaufrère… : depuis trois ans, les parents directs du chef de l’Etat – qui est entouré de onze frères et sœurs – sont cooptés à un rythme soutenu au sein de l’exécutif, mais également à la tête d’entreprises publiques stratégiques.
Les nièces en force
Dernier exemple de ce “syndrome Ouattara”, la nièce du président Nina Keita vient de rejoindre le ministère du budget comme conseillère chargée de la communication du ministre Abdourahmane Cissé. Dans une autre vie, elle officiait comme mannequin à New York. Elle était notamment l’égérie de plusieurs marques de cosmétiques comme Black up ou de lignes de vêtements telles qu’Old Navy. Plus qu’une nouvelle communicante appelée à intervenir sur des dossiers stratégiques, Nina Keita représentera son ministère de tutelle au conseil de gestion de l’Agence ivoirienne de presse (AIP), l’agence d’information publique du pays. Elle siègera à ce titre aux côtés de sa cousine Masséré Touré, autre nièce du chef de l’Etat, chargée de la communication au palais d’Abidjan. Cette énième nomination d’un membre de la famille présidentielle vient compléter un arbre généalogique déjà bien garni au cœur du pouvoir. Parallèlement à l’influente Masséré Touré, le frère cadet d’Alassane Ouattara, Téné Birahima Ouattara, alias “Photocopie” en raison de sa ressemblance trait pour trait avec son aîné, règne en maître absolu à la présidence. Après en avoir été le directeur des affaires administratives et financières, il est désormais auréolé du titre de ministre des affaires présidentielles. A ce poste, il gère aussi bien le budget du palais que les fonds souverains, l’agenda, les déplacements et les prises de rendez-vous médicaux du “chef”, voire certains dossiers sensibles relevant de la sécurité via le Conseil national de sécurité (CNS). Sherpa, Birahima Ouattara n’a été nullement inquiété dans ses prérogatives par la récente réorganisation de la présidence ayant vu l’arrivée de Philippe Serey-Eiffel et de Thierry Tanoh aux postes de secrétaires généraux adjoints. Autre membre de la fratrie, Baudin Sarrahn Ouattara, la fille de Gaoussou Ouattara, le frère aîné d’ADO, dirige toujours depuis sa nomination fin 2011 l’Agence nationale de la salubrité (Anasur). Cette entité dépend du ministère de l’environnement.
Business
La politique de préférence familiale s’étend au business. Oncle maternel d’ADO, Lancine Camara est le puissant président de la Société des transports abidjanais (Sotra), entreprise publique historique qui, placée sous la tutelle du ministère des transports, gère notamment les transports publics de la capitale économique. La Société de développement du tourisme de la région des lacs (Sodertour-Lacs), qui opère plusieurs établissements emblématiques dans le pays (Hôtel président à Yamoussoukro etHôtel la paix à Daoukro), est dirigée par Malekah Mourad Condé, l’épouse d’un des neveux du président. Alors que l’ex-beau-frère d’Alassane Ouattara, Ibrahim Keita, qui fut l’époux de la petite sœur du chef de l’Etat Sita Ouattara, préside toujours la Versus Bank, le gendre Benedict Senger s’est vu subitement propulsé l’an passé à la tête de Webb Fontaine Côte d’Ivoire (WFCI), la filiale de Webb Fontaine. Déjà présent au Nigeria, ce groupe helvético-dubaïote a récupéré, au terme d’une procédure de gré à gré, le marché du contrôle et de la vérification des importations dans le pays à la barbe du français Bivac, précédemment détenteur de ce contrat. WFCI gère par ailleurs le Guichet unique du commerce extérieur (GUCE). Autant dire un poids central dans l’économie du pays.
Source: La Lettre du Continent nº692 du 22 octobre 2014