Côte d’Ivoire : La réconciliation selon les Ivoiriens (suite et fin)
Par Samuel BEUGRE
En dépit de la déstabilisation politique, sociale et économique que connaît la Côte d’Ivoire, aujourd’hui l’heure est à la réconciliation. De façon générale, tout le monde s’accorde à parler de la réconciliation nationale en vue de panser les plaies et les meurtrissures et de jeter également les bases de la consolidation de l’unité nationale. Ainsi, si « le bon sens est la chose du monde la mieux partagée »[1], la conjugaison des efforts et des volontés ainsi que des savoirs et des savoir-faire est nécessaire pour l’avènement d’une telle réconciliation. Des initiatives pour favoriser le mouvement des uns vis-à-vis des autres et des rencontres pour mieux apprendre à vivre ensemble ont eu lieu. Nous n’allons pas présenter toutes ces tentatives de la résolution de la crise ivoirienne dans ce travail. Cependant, en partant de la phase militaire de la résolution de la crise qui est le silence des armes, nous arriverons à la phase du dialogue et de la négociation où nous analyserons le forum de la réconciliation nationale et les accords de Marcoussis.
1. Le silence des armes
La Côte d’Ivoire est entrée dans une époque de mutations capitales dans la gestion de ses conflits, notamment de la guerre qu’elle vit depuis le 19 septembre 2002. Ainsi, pour mettre fin aux violations flagrantes des droits humains, aux nombreuses pertes en vies humaines et en biens matériels, un accord de cessez-le-feu est signé le 17 octobre 2002 sous l’égide du ministre sénégalais des affaires étrangères et du secrétaire exécutif de la CEDEAO entre les différents protagonistes de la guerre. Dès lors, ce silence des armes apparaît comme l’un des premiers modes de règlement du différend qui oppose les parties en conflit. C’est la phase militaire du règlement de la crise ivoirienne. En effet, suite à l’ouverture de nouveaux fronts à l’Ouest, un accord du même type sera signé le 13 Janvier 2003. Ce silence des armes devrait assurer la protection des populations civiles en mettant fin à de graves exactions commises par l’une et l’autre partie. Toutefois, étant donné que « la paix véritable et durable ne peut se réduire à un simple équilibre des forces en présence et qu’elle est surtout le fruit d’une action morale et juridique »[2], le silence des armes même s’il favorise un climat de discussion et une certaine accalmie a des limites en ce qui concerne la réconciliation qui est un processus. D’ailleurs, la mise en place de ce fragile équilibre est sans cesse violée par les parties en conflit d’où des accusations réciproques de nature à relancer la guerre. Il va sans dire que ce temps d’arrêt des hostilités est aussi le moment pour chaque protagoniste de se fournir en armes et surtout de s’organiser pour une éventuelle riposte. Tout bien considéré, le silence des armes ne constitue pas la réconciliation. A vrai dire, il faut aller au-delà de cette première étape pour arriver au désarmement et surtout au désarmement des cœurs à travers la repentance et le pardon. La phase militaire ne peut exclure le pardon de son champ « sans devenir inhumaine et démolir l’homme au lieu de bâtir »[3]. En plus de la phase militaire, il faut que toute la Nation se réunisse autour d’une même table pour dialoguer et se pardonner afin de prendre des engagements pour un nouveau départ.
A suivre …
[1] René DESCARTE, Discours de la méthode, Paris, 1960, p. 31.
[2] JEAN PAUL II, “La violence teint la paix en otage”, la Documentation Catholique 2307, 1er février 2004, p. 104.
[3] L. DIOUF, Eglise locale et crise africaine, Paris : Karthala, 2001, p. 135.