Retour au calme, croissance de 8% en moyenne depuis 2012, hausse des investissements internationaux, multiples chantiers d’infrastructures, nouveaux centres commerciaux… En apparence, la Côte d’Ivoire a les traits d’un véritable « miracle économique » adossé à une certaine stabilité politique dans une Afrique encore trop souvent frappée par les turbulences. Et c’est très logiquement qu’une partie de la classe politique s’enthousiasme du « triomphe de l’éléphant » pour reprendre un slogan souvent entendu.
Personnellement, je n’ai jamais voulu tomber dans cette autosatisfaction ambiante tendant à effacer les nombreux défis auxquels nos concitoyens sont confrontés chaque jour. La dynamique économique de notre pays s’essouffle. Le lien entre le gouvernement et la population est altéré par l’agitation sociale qui secoue notre pays. Les tensions politiques qui s’exacerbent à l’approche de la prochaine élection présidentielle ajoutent à la confusion.
Au-delà des titres d’articles élogieux et des chiffres flatteurs, se cache une réalité bien plus dure pour les Ivoiriens au quotidien. En effet, à quoi sert-il d’être la « locomotive de l’Afrique de l’ouest » si près de la moitié de nos concitoyens vit encore sous le seuil de pauvreté ? Est-il nécessaire de rappeler que les chiffres ne se mangent pas ? On ne saurait se fier aux travaux d’envergure menés dans la lagune d’Ébrié ou à l’effervescence du Plateau pour faire un état des lieux de la situation économique et sociale du pays. Le phénomène des « microbes » à Abidjan ou le désarroi de certaines zones rurales nous rappellent pourtant chaque jour que la Côte d’Ivoire n’est pas capable de nourrir ses propres enfants.
Il est en effet urgent que le gouvernement se préoccupe plus du social et ne se satisfasse pas seulement des bonnes statistiques de la Banque mondiale et du FMI. Il est terrible de constater qu’un pays comme le nôtre ait un système éducatif d’aussi piètre qualité. Lors de l’évaluation de 2013 des connaissances des élèves effectuée par la Francophonie, la Côte d’Ivoire se situait au fin fond du classement, à la 41e place sur 44 pays évalués. En 2015, le taux d’achèvement du primaire se situait à 63,1 % en Côte d’Ivoire contre 72,6 % en moyenne dans le reste de l’Afrique. Bien que le gouvernement affirme avoir fait de la jeunesse une priorité, cette dure réalité des chiffres s’impose à nous.
Malgré de nombreuses réformes, notre système de santé n’est toujours pas en état de répondre aux besoins des Ivoiriens. Vétusté des services, sous-effectifs, désorganisation, déficit financier… Les défis sont nombreux ! Aux urgences de Cocody, 20% des patients admis y décèdent… Ce chiffre macabre en dit long sur notre impuissance à diagnostiquer les maladies graves ou à prendre à charge à temps les malades. Il suffit de voir les salles d’attente des hôpitaux se transformer en dortoir la nuit pour comprendre la gravité de la situation. Mais avec un ratio d’un médecin pour près de 6 000 habitants, comment peut-on espérer soigner efficacement et dignement toute la population ivoirienne ?
Il y a donc désormais urgence pour le gouvernement d’investir désormais dans le social et de mieux répartir les fruits de la croissance. En parallèle, nous devons continuer à soutenir le dynamisme des entreprises ivoiriennes avec un cadre fiscal favorable et des facilitations à l’embauche. C’est pourquoi je crois que le Président de la République a fait le bon choix en choisissant de rétablir la concertation entre le secteur privé et l’autorité fiscale suite aux polémiques engendrées par la nouvelle loi de finances pour 2018. J’ai toujours eu à cœur, en tant que chef d’entreprise, élu local ou ministre de la République, de mettre le dialogue au cœur de mes projets, persuadé que c’est un élément clé de la réussite d’une collectivité qui veut aller de l’avant ensemble.
Avec notre jeunesse, le pouvoir doit également avoir un dialogue riche et permanent. Certes, un « folklore de mesures » a été mis en place comme les assises de la jeunesse, le salon de l’emploi jeune, la création d’une agence mais les tensions récurrentes entre le milieu estudiantin et l’administration témoignent du malaise de notre jeunesse. Alors que le taux de chômage atteint officiellement 8,6% chez les 14-35 ans, la précarité de nombreux emplois et le taux de pauvreté doivent nous astreindre à l’action. De manière générale, nous, la classe politique, n’avons pas su prendre la pleine mesure de l’attente de nos jeunes à notre égard. Et pourtant, comment parler de développement futur de la Côte d’Ivoire sans parler du rôle que la jeunesse peut et doit jouer dans ce processus ? Notre jeunesse est la promesse d’une aube nouvelle pour notre pays qui a tant besoin de sa fraicheur et de son dynamisme.
Alors que les querelles politiciennes en vue de 2020 se font de moins en moins discrètes, que les ambitions personnelles commencent à prévaloir sur la conduite des affaires de l’Etat, la classe politique doit se montrer à la hauteur des attentes et des besoins de nos concitoyens. L’unité et la prospérité de la Côte d’Ivoire sont des valeurs sacro-saintes pour notre pays qui doivent supplanter les divisions d’autrefois. Il est temps de se mettre au travail, de redonner la possibilité à notre jeunesse de croire dans son futur et de s’engager au service de chacun de nos concitoyens.
Mais ce ne sont pas des méthodes du passé qui permettront de transformer la Côte d’Ivoire pour qu’elle renoue avec les plus heures de l’Houphouëtisme. La Côte d’Ivoire a besoin d’un nouvel élan pour rebondir, d’une gouvernance exigeante en matière de lutte contre la corruption et d’un grand débat démocratique associant l’ensemble des composantes de la société civile pour initier une véritable réconciliation sans faux-semblant. Construire la Côte d’Ivoire de demain commence maintenant. C’est pourquoi je choisis avec ma liberté de ton et d’action de m’engager pleinement dès aujourd’hui au service de notre pays et de nos concitoyens pour bâtir ensemble cette nouvelle Côte d’Ivoire.
Jean Louis BILLON