Pierre Aly SOUMAREY, Essayiste et Chroniqueur

La prescription extinctive de l’action publique en matière criminelle est de 10 ans, du jour de la commission de l’infraction et du jour de sa connaissance pour les infractions dissimulées et occultes dans des conditions permettant de la mettre en mouvement. Dès lors, l’argument de l’ancienneté de l’élément sonore, est dépourvu de pertinence juridique et est totalement inopérant en l’espèce. D’ailleurs si l’élément intentionnel de l’infraction existe, l’élément matériel s’étend sur un spectre très large d’actions dont la mise en œuvre effective comprend une multidimensionalité et s’inscrit dans la durée (infraction continue). Dès lors, il était peut-être nécessaire d’attendre son début d’exécution pour permettre de mieux caractériser l’infraction, d’autant plus que la prescription ne court pas dans ce dernier cas. Ce qui rend l’argument encore plus inopérant, car en définitive le Procureur est le Juge de l’opportunité, et son action s’inscrit dans la légalité, que Me Affisatou Bamba ne conteste nullement. Le reste est “dilatoire”.

Il ne demeure pas moins que la découverte des armes de guerre à Bouaké au domicile de “soul to soul”, n’a pas été traité selon le droit, pour en rechercher l’origine, le financement, la propriété et les complicités. Il sera observé également qu’il a été amnistié sans jamais avoir été condamné au préalable. Autrement dit, la prise en compte de la notion juridique d’ “entente” n’avait pas été effectuée, comme c’est le cas aujourd’hui. Nous n’avons pas eu le courage d’instruire entièrement cette affaire, dont les faits matériels du reste ne sont pas effacés, même si la peine et l’action publique sont éteintes. Crainte d’une capacité de nuisance ou conscience d’une maitrise insuffisante de l’appareil sécuritaire ? Pourquoi cette inconstance dans les procédures ? Faudra-t-il revenir sur ces faits par extension ? Ce manque de volonté à la fois politique et judiciaire est encore manifeste en 2017 dans le cas qui nous occupe, car la connaissance de l’enregistrement présenté comme pièce à conviction par le Ministère Public, n’est pas récente. Celui-ci aurait pu être saisi à ce moment. Les conditions n’étaient-elles pas réunies au regard du caractère continu et multidimentionel de l’action, mais aussi de l’attente de renseignements complémentaires ?

Il apparaît clairement que le Gouvernement a tergiversé avec des principes, a privilégié la négociation politique souterraine et a interféré dans le processus judiciaire pour le freiner et pour empêcher que la justice aille jusqu’au bout de ces affaires. Or, l’impunité infecte le corps social et la compromission discrédite la justice et le Pouvoir. Il n’est ni dans l’intérêt des gouvernants qu’un discrédit général frappe les institutions, ni dans celui des gouvernés que l’insécurité gouverne les rapports juridiques. Alors pourquoi aujourd’hui ? Meilleure opportunité politique ou meilleure préparation ou encore imminence plus précise de la menace ? Signal de dissuasion envoyé à d’autres qui seraient tentés d’emprunter des chemins anti-démocratiques ?

En anticipant sur la menace et en choisissant la fermeté maintenant, n’est-ce pas déjà un peu tard (crédit de la justice malmené, amalgame ) et un peu inopportun (risque politique) au regard d’un contexte socio-politique déjà sous-tension ? Si ce choix apparait le meilleur pour l’intérêt supérieur de la Nation et normal au regard des missions régaliennes de l’Etat, Il faut désormais chercher à rassembler la République, à créer un front républicain transversal et le plus large possible pour la défense de la République (légalité constitutionnelle, stabilité institutionnelle, intégrité territoriale, défense de la Nation et de la paix publique) . Il ne faut pas hésiter à solliciter la RAISON D’ETAT dans cette situation, pour ce donner des moyens exceptionnels pour en finir le plus rapidement possible avec cette affaire qui empoisonne le climat politique. L’enlisement ne serait pas une bonne chose à la fois pour l’image du pays (déballage public, règlements de comptes, violence des propos) et pour dégager temps et moyens supplémentaires en vue de faire face aux futurs défis à affronter, tant au plan économique que politique, avant l’échéance d’octobre 2020, car il y en aura.