Claude Guéant était venu à Abidjan peu avant l’élection présidentielle d’octobre 2010. Après une rencontre avec le président Gbagbo, il déclara, un peu pince sans-rire, que son pays ne soutenait pas de candidat mais travaillerait avec celui qui serait élu par les Ivoiriens. Un ami, qui occupait une position importante au FPI, essaya vaille que vaille de me faire avaler cette baliverne. Je lui répondis qu’il devait simplement se rappeler les mésaventures du héros de « Le vieux Nègre et la médaille » du Camerounais Ferdinand Oyono. Après sa décoration pour services rendus à la France et le vin d’honneur offert dans la salle du Foyer européen, Méka fut effectivement arrêté dans la nuit et maltraité par des policiers excessivement zélés avant d’être conduit dans une prison où il fut humilié par le Français Gosier d’Oiseau, le Haut-commissaire de police. Bref, je fis remarquer à mon interlocuteur que si lui et d’autres responsables du FPI croyaient aux mensonges de Guéant, ils risquaient d’être victimes de la duplicité des dirigeants français. Chacun de nous connaît la suite de cette affaire de nègres prenant des vessies pour des lanternes.
Ceux qui se disaient neutres mais roulaient en fait pour Ouattara en 2010 reviennent vers les Ivoiriens avec les mêmes paroles doucereuses. Il faut revoir la commission électorale indépendante, suggèrent-ils les uns après les autres quand ils sont en visite sur les bords de la lagune Ébrié. Ouattara fera semblant de leur obéir car, in fine, il se contentera de petites transformations cosmétiques alors que cette commission qui n’est ni indépendante ni équilibrée nécessite un profond toilettage ; autrement dit, il n’entreprendra rien de fondamental qui puisse empêcher le RHDP de remporter la prochaine présidentielle. C’est pourquoi je voudrais répéter ici que se focaliser sur une nouvelle CEI est à la fois un faux débat et un faux combat. Ouattara, qui sait que le peuple lui demandera des comptes pour tous les crimes de sang et économiques dont il s’est rendu coupable, n’acceptera jamais que le PDCI, le FPI ou tout autre parti politique sorte vainqueur de l’élection d’octobre 2020. Et les pays occidentaux, qui feignent aujourd’hui d’être contre la CEI actuelle, ne feront rien pour que le RDR ne conserve pas le pouvoir puisque Ouattara leur donne déjà tout ce dont ils ont besoin. Je ne les vois pas aller contre le dicton selon lequel « on ne change pas une équipe qui gagne ».
L’équipe qui dirige la Côte d’Ivoire depuis le 11 avril 2011 leur a fait gagner beaucoup d’argent. Les Ivoiriens, qui sont les grands perdants du règne de Ouattara marqué entre autres par le rattrapage ethnique et les prévarications, n’ont pas tout perdu pour autant. Ils peuvent encore « récupérer » et rebâtir leur pays. En dix-sept-mois, partis politiques, syndicats, mouvements de la société civile ont suffisamment de temps pour se rencontrer, penser à d’autres solutions plus efficaces et plus réalistes que les élections que Ouattara gagnera forcément par la fraude et la violence, pour chercher et trouver des stratégies capables de faire échec au funeste plan du RHDP. Cela demande des sacrifices ; cela exige que chacun de nous meure à son ego mais nous n’avons pas d’autre choix que de passer par là, non seulement parce que la Côte d’Ivoire nous a tout donné mais aussi parce que c’est le seul pays que possèdent plusieurs d’entre nous. Jean-Claude DJEREKE