Oureto Miaka

MIAKA Ouretto, Président du Front populaire ivoirien (Fpi)

(Notre Voie, 22 mars 2013)Le Front populaire ivoirien s’est prononcé, hier, lors d’une conférence de presse au quartier général de campagne de Laurent Gbagbo, à la Riviera Attoban, sur son exclusion du jeu électoral par le régime Ouattara. Nous vous proposons l’intégralité des propos liminaires de son président, Sylvain Miaka Ouretto, lus par Dr. Richard Kodjo, secrétaire général par intérim et porte-parole du parti.

Mesdames et messieurs les journalistes ;

Mesdames et messieurs les invités ;

Je salue votre présence, vous qui nous avez fait l’amitié et l’honneur de répondre à notre invitation.

Mesdames et messieurs les journalistes, par cette conférence, je souhaite vous prendre à témoin par rapport aux dérives autoritaires persistantes du régime Ouattara. Je voudrais exprimer avec gravité et indignation, qu’en dépit de  quelques cris d’indignation et de rapports d’ONG dénonçant la recrudescence des exactions, arrestations arbitraires et autres atrocités perpétrées depuis le 11 avril jusqu’à ce jour, le régime Ouattara n’est nullement inquiété. Il agit à sa guise, assuré qu’il est de toute impunité.

Après avoir attendu près de deux années avant d’accepter le dialogue direct avec le Front Populaire Ivoirien, le pouvoir Ouattara a multiplié les actes de sabotage de ce dialogue manifestement pour pousser le FPI à quitter la table de négociation.

Et pourtant, le FPI, en prenant l’initiative de demander le 22 septembre 2011, le dialogue direct avec le Gouvernement, exprimait ainsi sa volonté de contribuer à la normalisation de la vie socio politique en Côte d’Ivoire.

Ainsi, le FPI a non seulement affiché son désir d’entrer dans le jeu politique, mais il a surtout réaffirmé, dans ce dialogue direct sa ferme volonté de participer aux élections locales à venir.

Ainsi les points qui restaient encore à négocier concernent, (i) la réconciliation par le sommet, (ii) l’amnistie générale, (iii) la réforme de la CEI, (iv) la sécurisation du jeu démocratique, (v) la désignation d’un arbitre et d’un comité de suivi par consensus. Tous ces points visent justement à créer au-delà de la réconciliation nationale, les conditions objectives d’un scrutin juste, transparent, équitable et inclusif.

A ce stade de mon propos, nous devons convenir ensemble, mesdames et messieurs les journalistes, que le pouvoir Ouattara a peur du FPI et ne veut point de lui aux élections. Et cela pour plusieurs raisons :

– Le Front Populaire Ivoirien pour avoir été crédité de 38,04% de l’électorat ivoirien au premier tour du scrutin présidentiel d’octobre 2010, est le premier parti politique de Côte d’Ivoire. Aujourd’hui dans l’opposition le FPI pèse plus lourd que chacun des principaux partis du RHDP le PDCI et le RDR, dont l’image s’est érodée avec l’exercice d’un pouvoir calamiteux.

– Le RDR qui connait son score officiel (32.3%) obtenus lors du premier tour du scrutin présidentiel, sait qu’il pèse bien moins. Le RDR étant un phénomène urbain principalement.

– Ce pouvoir a expérimenté l’absence du FPI aux législatives de décembre 2011 où près de 85% de l’électorat s’est abstenu de prendre part au scrutin à l’appel du Front Populaire Ivoirien.

Voilà qui fonde son refus d’élections justes, transparentes et ouvertes à tous.

C’est aussi pourquoi le pouvoir Ouattara refuse obstinément :

1- Que le Président Laurent Gbagbo recouvre la liberté parce que, comme le reconnait la CPI elle-même, il est devenu tellement populaire qu’il reprendra aussitôt le pouvoir par les urnes si un scrutin venait à être organisé.

2- De prendre une loi d’amnistie qui permettrait au FPI de retrouver toutes ses forces ce qui conduirait inévitablement à une débâcle électorale du RDR et du RHDP.

3- Que la CEI qui dans sa composition comprend encore des représentants du MPIGO, du MJP et du MPCI, et est par ailleurs dominée à 90% par le RDR soit réformée.

4- Que le découpage électoral qui lui est favorable soit revu.

5- Que le jeu démocratique soit sécurisé pour tous. Parce que aussi bien dans le Nord que partout ailleurs, seuls les électeurs du RDR seront sécurisés au détriment de ceux de tous les autres partis qui par peur s’abstiendront de prendre part au vote.

Le pouvoir Ouattara sait que face à ses dérives dictatoriales maintes fois décriées par les ONG des droits de l’Homme, que le Front Populaire Ivoirien est aujourd’hui en Côte d’Ivoire, la seule alternative démocratique crédible.

C’est pourquoi ce pouvoir est aussi convaincu, que la seule issue pour lui, de gouverner encore pour un temps, est de régner dans une terreur absolue pour renforcer ses assises ethno-tribales.

Non, le Front Populaire Ivoirien ne se taira pas. C’est un parti attaché à la paix, mais il n’est pas aveugle. Il est conscient qu’en portant ces coups systématiques à notre camp – c’est toute la Côte d’Ivoire que le régime des vainqueurs est en train de déstructurer, voire d’engloutir. Oui, chers frères et sœurs du RHDP, en particulier du PDCI et du RDR, le pays brûle au sens vrai comme au sens figuré. Le FPI, victime principale des attaques des vainqueurs, ne se taira pas face à cette barbarie.

La Côte d’Ivoire brûle par sa gouvernance autocratique caractérisée par cette phobie du dialogue que je nomme « agoraphobie » ; résultat, le Gouvernement seul se prépare à gagner brillamment des élections régionales et municipales non inclusives mais que l’on prévoit déjà démocratiques.

La Côte d’Ivoire brûle du côté du Nord avec les affrontements à répétitions entre autochtones et allochtones ; le régime Ouattara qui ne peut prospérer qu’en mobilisant des loyautés ethniques, se tait dans le secret espoir de tirer profit de cet autre drame foncier.

Mesdames et messieurs les journalistes, la Côte d‘ivoire brûle mais le régime Ouattara non content d’avoir fait consumer bien des vies, des ressources économiques, financières et agricoles en l’espace de 24 mois, prépare, ici et là, d’autres foyers, notamment dans les régions où le candidat Laurent Gbagbo a gagné dès le 30 octobre 2010.

En effet, pour se donner toutes les chances de remporter à l’avenir n’importe quel scrutin, le régime Ouattara est en train de modifier la démographie de ces zones là en y naturalisant massivement des communautés étrangères. Un acte qui va contre les intérêts de la Côte d’Ivoire dans la mesure où cette fabrication de bétails électoral dresse les nationaux contre les étrangers en plus du fait qu’elle viole la constitution. Mais ce n’est pas tout.

Alors récapitulons, mesdames et messieurs, en dénonçant ce qui se passe en Côte d’ivoire au vu et au su de tous :

1°) le climat de terreur ;

2°) la confiscation des médias d’Etat avec pour conséquence le retour du monopartisme;

3°) la justice des vainqueurs ;

4°) le sabotage du processus conciliatoire ;

5°) le blocage du Dialogue-Direct ;

6°) l’exclusion du plus grand parti politique – le FPI – des élections du 21 avril 2013 ;

7°) l’entretien des foyers de conflits fonciers en faveur des ex combattants pro Ouattara ;

8°) la modification de la démographie, nationale, dans un but électoraliste.

Au regard de ce qui précède, et vu que le régime Ouattara a tout mis en œuvre pour exclure le FPI des élections municipales et régionales à venir, notre parti en prend acte et décide de ce qui suit :

1. Le FPI n’est pas concerné par les élections du 21 Avril 2013,

2.Aucun militant du FPI ne doit en aucune manière prendre part à ces élections, à savoir : ne figurer sur aucune liste, ni faire campagne pour une liste, encore moins voter, sous peine de s’exposer aux sanctions disciplinaires prévues par nos textes;

3. Le FPI ne reconnaîtra pas les résultats de cette mascarade électorale ;

4. Le FPI saisira les instances compétentes pour dénoncer l’incompétence et l’illégalité de la CEI devenue caduque après les législatives de 2011;

5. Le FPI appelle tous les militants à la vigilance, à la sérénité, à la discipline.

Le FPI lance encore une fois un appel solennel et pressant au pouvoir afin qu’il se ressaisisse et s’engage sans faux fuyant dans la voie de la vraie réconciliation. A cet égard , nous invitons instamment le Gouvernement au strict respect de l’unique résolution contraignante du Conseil de sécurité de l’ONU qui lui enjoint et je cite : « de veiller à ce que les prochaines élections locales soient ouvertes, transparentes, libres et régulières et se déroulent dans le calme, et à ce qu’elles favorisent la représentativité politique et la réconciliation en choisissant une date opportune, en assurant la sécurité, et en procédant aux réformes électorales utiles ».

En tout état de cause, le FPI ne désespère pas de voir la communauté internationale veiller à ce que la seule résolution contraignante qu’elle a produite sous le régime Ouattara soit effectivement appliquée dans l’intérêt de la paix en Côte d’ivoire.

Mesdames et messieurs les journalistes de tous les médias, de la presse nationale et internationale, je vous remercie pour votre aimable attention et reste à votre disposition pour vos questions.

Abidjan, le 21 mars 2013

Le Président

MIAKA Ouretto