Dans une lettre adressée à Ouattara le 06 février 2018, un groupe composé d’acteurs de la société civile, de partis politiques et d’hommes politiques, on peut lire ceci : « nous, Partis Politiques signataires dudit document, demandons au gouvernement, l’application et la mise en œuvre de l’Arrêté de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, du 18 novembre 2016, en procédant à la modification de la CEI, avant les prochaines échéances électorales, après de larges concertations des Partis Politiques et de la Société Civile. »
Mais que dit donc cet arrêt de la Cour Africaine des Droits de l’Homme que les auteurs de cette lettre mettent en avant ? Eh bien, l’arrêt dit que la Côte d’Ivoire sous le régime Ouattara a violé ses engagements internationaux sur la question de cette Commission Électorale Indépendante. Pour la Cour, la CEI est donc illégale. Mieux, elle a ordonné une nouvelle réforme de cette Commission.
Après cet arrêt du 18 novembre 2016, le régime Ouattara a fait appel mais le 28 septembre 2017, un peu moins d’un an plus tard, la Cour a jugé sa requête irrecevable, l’obligeant à s’exécuter pour respecter ses engagements internationaux.
Mais curieusement, plutôt que de s’exécuter, le régime Ouattara laisse de côté l’arrêt de la Cour Africaine et met en avant un consensus politique qui serait à la base de cette CEI et qui la rendrait donc sinon légale, au moins légitime. Et c’est ce que voudrait faire savoir ici le premier ministre et vice-président du RDR, Amadou Gon Coulibaly qui dit le plus clairement possible qu’”Il n’y aura pas de réforme de la CEI ” et en donne la raison : “La CEI actuelle est issue d’un consensus politique. Tous les partis politiques de Côte d’Ivoire ont été consultés.
La CEI est le fruit d’un consensus politique entre tous les acteurs politiques. Il n’y aura pas de réforme de la CEI.”
Les choses sont donc claires pour le RDR, et il n’est pas question de revenir sur cette question de la CEI. Dans la foulée, le régime a annoncé que les élections seront bel et bien organisées par la CEI actuelle et en a fixé la date, laissant ainsi le choix à chacun d’y participer ou de les boycotter.
Parmi les signataires du courrier du 06 février 2018, il y a Pascal Affi Nguessan qui, contre toute attente alors qu’il était président du FPI, avait désigné Alain Dogou alias Goba Maurice pour représenter le FPI dans la CEI, et s’en était expliqué : “Nous avons obtenu du Gouvernement le principe d’une CEI Consensuelle. Mais ce n’est que le principe. Et c’est donc sur la base de ce principe que nous avons désigné nos représentants, en espérant que ce principe va se concrétiser par un bureau effectivement consensuel. Parce que notre objectif, c’est un bureau consensuel, et ce que nous avons posé comme acte n’est qu’un acte de bonne volonté, un acte pour manifester notre engagement. Mais notre présence à la CEI est conditionnée par la concrétisation du principe du consensus et donc d’une CEI qui rassure tous les acteurs.”
Malgré la position des militants du FPI qui l’avaient désavoué et demandé le retrait de ce représentant lors d’un Comité Central le 13 septembre 2014, Alain Dogou sera maintenu dans cet organe où il demeure jusqu’à présent. Affi Nguessan le présentera pour justifier ce maintien comme le représentant de l’Alliance des Forces Démocratiques (AFD).
D’ailleurs ce groupement de partis politiques suspendra sa participation à cette CEI parce qu’il trouvait qu’elle n’était pas consensuelle mais y reviendra et n’en sortira plus. On peut donc considérer que s’ils y sont revenus, c’est qu’ils considèrent désormais que cette CEI est consensuelle.
Mais ce qui est étonnant dans cette affaire de la CEI, c’est qu’alors que le RDR et ses dirigeants invoquent le consensus pour rester sourds à des revendications légitimes, certains de ceux qui écrivent la lettre du 06 février ont une position ambiguë. Parce qu’un consensus peut être rompu s’il est remis en cause par une partie. Or, aucun de ceux qui ont aidé le régime Ouattara à mettre sur pied cette CEI déclarée illégale par la Cour Africaine des Droits de l’Homme, n’a encore songé et encore moins menacé d’en sortir, donnant ainsi raison au pouvoir Ouattara sur le fait que “le consensus fabriqué de toutes pièces” tient toujours.
Il faut être conséquent. Quand on a demandé au gouvernement, “l’application et la mise en œuvre de l’Arrêté de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, du 18 novembre 2016, en procédant à la modification de la CEI”, ce n’est pas pour ensuite l’accompagner dans une parodie d’élection alors que rien de ce qui a été demandé n’a été pris en compte.
Avec Alexis Bayoro Gnagno et Excellence Zadi