Décédé le 1er novembre 2022 à l’âge de 86 ans, l’immense écrivain ivoirien, le sociologue Charles Nokan, l’un des pionniers de la littérature ivoirienne, ayant à son actif plusieurs chefs-d’œuvre littéraires, sera porté à sa dernière demeure ce samedi 4 février 2023 au cimetière de Kokrenou à Yamoussoukro, sa terre natale. Mais avant, il a reçu ce vendredi 03 février 2023, un éloge funèbre de la part des savants de l’Académie des Sciences, des arts, des Cultures d’Afrique et des Diasporas africaines (ASCAD).
Membre de l’ASCAD, le professeur Konan Kakou Charles, Zegoua Gbessi Charles Nokan de son nom de plume, a reçu, ce jeudi 2 février 2023 sur l’esplanade de l’ENS à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody, les honneurs dignes de ses confrères de la société savante ivoirienne. C’était en présence des représentants du président du Conseil économique et social, environnemental et culturel (CESEC), du président du Sénat Ahoussou Jeannot, du ministre Koné Kafana chargé des relations avec les institutions, et de la ministre de la Culture.
Professeur de sociologie et de philosophie à l’université, Charles Nokan est un écrivain majeur de la littérature ivoirienne au sens premier du terme, qui s’est fait connaître avec « Violent était le vent », son roman célèbre qui est apparu en 1966, ainsi que « Le soleil noir point », autre œuvre majeure de sa bibliographie riche d’une trentaine de livres.
Représentant le professeur Hauhouot Asseypo Antoine, président de l’ASCAD, le professeur Samuel Gadegbeku, vice-président de l’ASCAD, a salué l’auteur multigenre « illustration de l’interdisciplinarité, à la fois sociologue, philosophe, poète, dramaturge, homme politique », avant de rappeler à juste titre la célèbre définition que se faisait Charles Nokan de son art multitâche : « Mon écriture est politique et littéraire. Elle combat, chante et danse ».
La plume de Charles Nokan, tout le monde est unanime, était dédiée à la liberté de l’homme.
Communiste jusqu’au bout des ongles, Charles Nokan l’est resté jusqu’à son dernier souffle. Pour Nokan, la satisfaction de la vie digne et harmonieuse de l’homme était le fondamental objet d’existence de l’État, qui devrait mettre tout en œuvre pour la satisfaction de cet idéal. Raison pour laquelle ce Communiste bon grain n’a jamais voulu s’enticher de l’idéologie politique d’Houphouët-Boigny dont il était le cousin, malgré les appels nombreux de ce dernier. Prisonnier des « faux complots » en 1964, Yassoua a dignement refusé l’orange de Nianga, conformément à ses convictions bétons.
Charles Nokan était foncièrement bon, gorgé de ces valeurs humanistes. « Nokan était bon. Bon à sa manière », a témoigné le professeur Sidibé Valy, Directeur général de l’École Normale Supérieure (ENS) et compagnon académique du regretté professeur. « Il aimait l’homme, chérissait la vérité. Il n’était pas porté sur les biens matériels de la vie », a-t-il soutenu.
Et d’ajouter que « justement, la sobriété, la simplicité frisant l’ascétisme est l’un des traits remarquables de la personnalité et de la vie du concepteur du Mindiléisme, concept philosophique de la jouissance de la vie, nullement au sens hédoniste, mais en son sens platonicien ».
L’oraison funèbre a été lue par la professeure Tanella Boni, sa consœur poétesse et membre de l’ASCAD. Une oraison qui a souligné la richesse et la qualité de la personnalité académique et artistique de Charles Nokan.
Le message de la famille endeuillée, porté par l’un des enfants du défunt, a souligné la fierté et l’honneur d’avoir eu un tel paternel. « Modèle de dignité d’homme, Charles Nokan est mort intègre, laissant à nous survivants du sommeil éternel (jusqu’à quand) un exemple de vie professionnelle et d’homme engagé de gauche. »
Sa vie et sa carrière ont été sanctionnées par des distinctions : Prix d’excellence 2022 de la littérature, Grand Prix national Bernard Dadié de littérature en 2014, Officier de l’Ordre national et du Mérite de l’Éducation nationale. En 2018, Charles Nokan et son immense œuvre étaient à l’honneur au Salon International du Livre d’Abidjan.
L’ASCAD et les ministères de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Culture sauront-ils inciter la jeunesse ivoirienne à s’abreuver les immenses chefs-d’œuvre de socialisation légués en héritage à la société par Charles Nokan ?
B. Shonin (Correspondance)