Une conférence internationale emblématique et commémorative qui met en évidence l’intérêt du fédéralisme en Afrique

Monsieur José Louis Mene Berre (à gauche), Consultant en infrastructures et projets de développement, à la conférence internationale sur le génocide des Tutsi au Rwanda, les crimes politiques en Afrique

Monsieur José Louis Mene Berre (à gauche), Consultant en infrastructures et projets de développement, à la conférence internationale sur le génocide des Tutsi au Rwanda, les crimes politiques en Afrique

La conférence internationale sur le génocide des Tutsi au Rwanda, les crimes politiques en Afrique et les voies pour sortir de l’impunité organisée par messieurs Kovalin Tchibinda Kouangou (président de l’Observatoire panafricain de la Tribalité) et Brice Nzamba (président du Cercle de la Rupture) s’est tenue le samedi 21 juin 2014 à Paris à la salle Colbert au Palais Bourbon : un lieu hautement symbolique de la démocratie française, (Assemblée nationale) et dans une période qui correspond à la 20e commémoration du génocide des Tutsi au Rwanda. Elle a mis en évidence l’intérêt de gouverner les États africains selon une approche fédéraliste.

Des mesures structurelles pour améliorer le vivre ensemble en Afrique

Les communications faites par les intervenants à la dite conférence internationale sont riches en enseignements en ce qui a trait aux problématiques politiques africaines et à la nécessité de trouver des solutions pour améliorer « le vivre ensemble » dans les jeunes États africains.

Parmi les communications, l’une d’elles a retenu l’attention d’Afriquessor.com. Il s’agit de l’intervention du consultant international[1] José Mene Berre[2].

Sa communication[3] est un plaidoyer pour l’orientation des structures étatiques africaines centralistes vers la subsidiarité et le fédéralisme. Elle est dans la continuité de ses recherches[4] sur le modèle suisse[5] qui commencent à trouver un écho grandissant auprès de l’intelligentsia africaine[6] engagée dans la diffusion de la culture fédéraliste auprès de la diaspora africaine en Europe.

Un diagnostic de la situation politique des États africains

Concernant la réalité sociologique africaine, le conférencier a rappelé que « Même si le modernisme tend à l’atténuer, il est indéniable que dans beaucoup de pays africains, l’identité reste liée aux relations de lignage, à la famille, au clan et même au groupe ethnique et à la région. »

De là, il a souligné une incohérence sur le plan de la gouvernance : « À contrario, la majorité des États postcoloniaux africains tout en étant de nature multiculturelle (ou multiethnique) sont organisés et gérés selon le modèle jacobin, unitaire et centralisé. »

Pour le conférencier, cette aberration constitue le terreau de l’instabilité institutionnelle, de la violence politique et des injustices sociales : « Il va de soi que ces systèmes “présidentialistes” mènent plus facilement à la dictature d’un homme, à la domination d’un groupe, à la compétition entre les entités ethnoculturelles, au pillage des ressources, aux crimes politiques, voire au génocide culturel des États africains. Ces systèmes ne protègent ni les individus, ni les peuples, ni les ethnies, ni les cultures locales. »

Des propositions inspirées du modèle fédéral et démocratique suisse

Pour José Mene Berre, « la situation peut donc changer si les africains eux-mêmes arrivent à instaurer des systèmes qui répondent mieux à leurs réalités. »

À cet effet, il a présenté des pistes de solutions qui transformeraient totalement et structurellement l’approche de la gouvernance politique dans les États africains. Nous les reprenons intégralement ci-dessous :

1. La garantie de la diversité ethnoculturelle.

Cela suppose l’égalité des langues, la territorialité des langues, la liberté des citoyens en matière de langue et la protection des langues minoritaires.

2. Un partage des rôles entre un pouvoir central fédérateur et les pouvoirs locaux chargés du développement de leurs territoires.

L’État central serait essentiellement chargé des fonctions régaliennes (ndlr : Défense/Armée, Affaires étrangères/Diplomatie, Finance/Monnaie, Intérieur/Justice). Les territoires locaux auraient la taille des « départements » actuels. Ils possèderaient une constitution, un gouvernement, un parlement et des tribunaux. Ils seraient dotés de compétences étendues : éducation, culture, police, fiscalité, relations avec les églises.

3. La dotation du peuple d’instruments de démocratie directe.

Le peuple serait représenté par des députés. Les territoires locaux par des sénateurs. Le tout formerait le Parlement. Par contre, le peuple, par le biais des votations (initiatives populaires, référendum) devrait pouvoir obliger les parlementaires ou le gouvernement à traiter des sujets délicats, à s’opposer à une loi, à amender ou à modifier la constitution… en réunissant un certain nombre de signatures.

4. La gouvernance par un collège à présidence tournante

Un collège constituant les membres du gouvernement serait élu par le Parlement et parmi les parlementaires tous les 4 ou 5 ans par exemple. Les membres seraient issus des principaux groupes ethniques et des grands partis politiques.

Chaque année, un des membres du collège, selon l’ancienneté dans ce collège assumerait la fonction de Président (de la République). Le collège serait soutenu dans sa tâche par une chancellerie.

La conséquence : une modification structurelle de la gouvernance des États africains

De tous les modèles politiques qui existent, le modèle suisse est présenté par José Mene Berre comme celui qui modifierait avantageusement la gouvernance des États multiculturels africains. Sa conclusion : « Il n’y aurait plus d’élection au suffrage universel direct. La présidence deviendrait tournante. Au niveau central, toutes les ethnies seraient représentées. Au niveau local, elles [les ethnies] seraient actrices de leur développement. »

 Simplice Ongui

www.afriquessor.com


[5] Une approche institutionnelle de la paix et de la sécurité en Afrique : assainir le sommet et autonomiser la base.  http://www.irenees.net/bdf_fiche-analyse-1005_en.html

[6] Orateur de la Table ronde « Fédéralisme et panafricanisme » organisée par les Editions Paari le 31 mai 2014 à la Maison de l’Afrique à Paris. http://www.cafelitteraire.fr/archives/date/2014/04