“ Dire que le Pdci – Rda aura un candidat en 2015 ne remet nullement en cause le Rhdp ”

Prof Alphonse Djedje Mady

(FratMat, 05 juin 2013) – Depuis l’annonce du congrès du Pdci, des voix discordantes se font entendre ici et là. Quel est donc le problème ?

Il n’y a problème que pour ceux qui aiment les problèmes. Pour moi, les choses sont claires. Le XIIe congrès du Pdci est un congrès ordinaire. Selon les textes de ce parti, ce type de rencontres se tient tous les cinq ans. La dernière s’est terminée le 8 avril 2002. Normalement, depuis 2007, un congrès aurait dû être organisé. Mais la situation politique du pays était telle que le Bureau politique a décidé que tous les congrès, au niveau du Pdci, ne se tiennent qu’après les élections. Que ce soient ceux de la Jpdci, de l’Ufpdci ou du parti lui-même. Les élections sont terminées et le congrès ordinaire va se tenir, comme le veut le président du parti et selon les textes du parti. Avant donc cette réunion, Henri Konan Bédié a mis en place un comité ad hoc pour y réfléchir. Ce qui est normal. Ce comité a travaillé et lui a livré son travail, le 2 mai. Le président a transmis ces documents au secrétaire général du parti chargé de préparer l’événement. Comme tous les congrès, celui-ci sera organisé par les structures du Pdci.

À quelles fins les documents du comité ad hoc ont-ils été élaborés ?

Ces documents sont d’ailleurs devant moi (il montre une pile de dossiers sur son bureau : ndlr). Le président me les a donnés comme documents de travail à remettre au comité qui doit effectivement préparer le congrès. Je suis entré en contact avec les structures du parti qui doivent intervenir dans son organisation. Il s’agit du comité de direction, du secrétariat général, des représentants des jeunes, des femmes, du comité de coordination du conseil politique, celui du grand conseil. Nous réfléchissons, ensemble, de façon inclusive. Le Bureau politique s’est réuni, le président a donné les mêmes instructions. Nous sommes donc en train de travailler pour être prêts le plus rapidement possible, pour qu’il prenne, in fine, la dernière décision quant à la composition de ce comité chargé de préparer ce congrès. A mon niveau, je fais mon travail statutaire et réglementaire sur ses instructions. Il n’y a pas de conflit à créer de toutes pièces. Ceux qui ont travaillé, au niveau du comité ad hoc, seront intégrés dans la structure de préparation du congrès. C’est évident. Et des militants qui n’étaient pas membres de ce comité seront cooptés pour aussi faire partie de cette structure chargée d’organiser l’événement. Je sais que les journaux font leurs choux gras des polémiques qui pourraient y avoir concernant ce comité d’organisation. Si cela leur permet de vendre, c’est tant mieux pour eux! Mais le plus important, c’est que le Pdci doit aller à ce rendez-vous uni et en ressortir avec beaucoup plus de cohésion, afin que dans la fraternité, l’esprit de dialogue, qui sont des principes reconnus en son sein, il soit toujours vivant et réponde à l’attente des Ivoiriens et du monde entier.

Ne pensez-vous pas que c’est l’interprétation qui est faite des textes relatifs à l’organisation du congrès qui pose problème ? Que disent exactement les statuts et règlement intérieur du Pdci, en ce qui concerne l’organe chargé d’organiser ce type d’événement ?

Il n’y a pas de fausse interprétation possible. Quand le président convoque le Bureau politique du parti pour que celui-ci décide de la tenue du congrès, même s’il a pris une décision, c’est le secrétariat général qui l’exécute. Les décisions du président du parti sont mises en œuvre par le secrétariat général. Il en est de même de celles du congrès ou de la convention, mais cela, sous l’égide d’Henri Konan Bédié.

Au dernier Bureau politique, après lecture par le Pr. Guikahué de la liste des membres du comité d’organisation, vous aviez pris la parole pour dire que ce serait «une forfaiture » que de s’en réclamer. Qu’aviez-vous voulu dire par ce terme qui est, tout de même, un peu fort ?

Si le mot ‘’forfaiture’’ a choqué et les journalistes et ceux qui l’ont entendu, je m’en excuse. Ce n’était pas mon intention. Mais j’ai voulu dire que ce n’était pas la liste arrêtée pour préparer le congrès, étant donné que le président Bédié a précisé que c’est un document de travail qu’il donne au secrétaire général, à charge pour lui de la compléter pour que, in fine, lui-même décide de la liste définitivement retenue pour préparer l’événement. Il y a une nuance.

Cette liste pourrait-elle être amendée ?

Elle doit être modifiée. C’est ce qu’a demandé le président.

Des noms pourraient-ils être ôtez ou ajoutés?

Que des noms soient ôtez ou non, en tout cas, une liste doit être présentée au président du parti. Quand on veut préparer un congrès, la chose qui importe, c’est son contenu scientifique et thématique. Il peut même se tenir sans tapage, sans manifestation publique. C’est le cas pour les partis qui sont dans la clandestinité. Vous ne saurez pas qu’ils sont en congrès et puis un jour, vous apprenez ce qu’ils y ont décidé. C’est cette idée que nous avons soumise au président Bédié et qu’il a adoptée. Nous sommes, aujourd’hui, après consultation des différentes structures, à 23 commissions thématiques qui vont étudier les différents problèmes de la nation et du Pdci. Ce n’est que lorsqu’elles auront fini de travailler que le comité s’occupera de l’organisation pratique de l’événement. On ne met pas la charrue avant les bœufs. C’est parce que l’on aura travaillé sur le contenu du congrès que celui-ci siègera. Nous sommes maintenant en train de voir comment meubler ces structures pour lesquelles le président Bédié a donné son aval, pour lui proposer des noms.

Finalement, que devient la liste qui a été lue au Bureau politique et qui fait polémique ?

Ceux qui y figurent sont bien des militants du Pdci. Nous n’avons rien contre eux. Outre ces derniers, il y aura aussi d’autres personnes sur la liste. J’ai reçu, hier, les délégués départementaux et communaux pour leur demander de nous faire des propositions de noms. Ce matin, je reçois le bureau des jeunes. Dans le thème retenu par le président pour le congrès, une place de choix leur est réservée. Il faut qu’on les associe à la préparation de l’événement. On fera la même chose pour les femmes. Parce qu’au Pdci, la politique du genre est une réalité. Il faut croire que certaines personnes préfèrent que les gens soient en conflit. Quand on lit les titres de certains journaux, on se demande où ces journalistes vont chercher leurs informations. Pour moi, il n’y a pas de problème de personnes, ni de conflit de compétence. Devant le Bureau politique, le président a annoncé des choses que celui-ci a entérinées. Je me dois de me mettre au travail pour lui proposer la composition du comité d’organisation du XIIe congrès du Pdci-Rda.

Êtes-vous en train de dire que le président du comité d’organisation n’a pas encore été nommé ?

Le président du comité d’organisation du XIIe congrès n’a pas encore été nommé. Du moins, pas à ma connaissance. Etant donné qu’on doit proposer au président des noms qu’il doit entériner, comment un comité qui n’existe pas encore pourrait-il déjà avoir un président ?

Monsieur le secrétaire général, quels sont les enjeux réels du congrès à venir ?

La spécificité de ce congrès, c’est que nous sortons d’une crise où le Pdci a perdu des plumes, depuis le coup d’Etat de 1999. Nous avons eu le congrès de 2002. Nous avons eu à peine trois mois normaux pour fonctionner quand il y a eu l’attaque, dans la nuit du 18 au 19 septembre 2002. Et depuis, la Côte d’Ivoire est en crise. Cette situation est en train de se terminer ou est terminée, mais ses conséquences sont encore visible. Que doit faire le Pdci pour se repositionner dans cet élan du renouveau de la Côte d’Ivoire? Il a aussi besoin de renouveau, d’intégrer ses jeunes cadres, de se rendre digne d’une véritable force politique dans ce pays où l’on sait son rôle depuis les temps coloniaux jusqu’à aujourd’hui. C’est donc un congrès du renouveau, du repositionnement. Un congrès de la cohésion pour que unis et forts, tous ceux qui se réclament du Pdci regardent dans la même direction qui est forcément celle de la réconciliation, du repositionnement de notre pays dans le concert des nations, de la paix en Côte d’Ivoire. C’est à cette mission que Notre formation politique est naturellement vouée. Mais après cette crise, que doit-elle faire pour jouer ce rôle ? C’est le défi à relever.

Le président de la jeunesse du Pdci, Kouadio Konan Bertin(KKB), lors d’une récente conférence de presse, a annoncé que le parti aura un candidat aux élections de 2015. Une affirmation qui sonne comme un cas d’indiscipline, d’autant que sur la question, votre parti n’a pas une décision connue. Est-ce là une position officieuse qui a été dévoilée?

Qu’est-ce qui est incompréhensible dans ce qu’il a dit ? Pourquoi voulez-vous créer des problèmes là où il n’en existe pas ? Connaissez-vous un parti qui peut un jour dire: «Nous, on ne recherche pas le pouvoir d’Etat »?

Il y a une différence entre un parti politique et un syndicat. Un syndicat, aussi fort soit-il, ne cherche pas à prendre la place des patrons. Il veut plutôt améliorer les conditions de travail de ses adhérents. Par essence, un parti politique est une association dont le but est de conquérir le pouvoir d’Etat par les voies démocratiques, quand on est dans un système censé être démocratique comme en Côte d’Ivoire ; d’utiliser les moyens de l’Etat pour mettre en œuvre son programme de gouvernement. Ce qui devrait interpeller les gens, c’est lorsqu’un parti n’a pas de candidat. Dire que le Pdci en aura en 2015, ce n’est pas une position d’adversité.

Ne pensez-vous pas qu’une telle candidature mettra à mal le Rhdp, alors que vous êtes associés, justement, à la gestion du pouvoir d’Etat avec votre allié du Rdr ?

Cela ne remet en rien en cause notre alliance. Aujourd’hui, au niveau du Rhdp, au premier tour de l’élection présidentielle, chaque parti est libre, je ne dis pas obligé, d’avoir un candidat. Au second tour, on soutient le mieux placé. Aviez-vous entendu les propos d’Anaky lors de la dernière présidentielle? Il appelait à une candidature unique dès le premier tour. Personne ne l’a suivi. Pour le moment, c’est cet accord qui nous lie. Il appartient donc au Pdci, le moment venu, de choisir ou non un candidat. Si nous sommes un parti démocratique, la libre expression doit être permise. Kouadio Konan Bertin est le président des jeunes, il peut dire ce qu’il pense. Une personne plus âgée peut faire pareil. N’importe quel militant devrait pouvoir dire ce qu’il pense. Ce n’est pas de l’indiscipline. L’indiscipline, c’est lorsque le parti donne une ligne de conduite et qu’on ne la suit pas. C’est quand il choisit un candidat et que des indépendants se manifestent. L’expression démocratique au sein d’un parti, ce n’est pas de l’indiscipline, mais plutôt un signe de vitalité.

Justement, à propos du Rhdp, nous constatons qu’il n’y a plus eu de réunion depuis le premier tour de l’élection présidentielle. Où en est cette alliance ?

Cette question devrait plutôt être posée aux présidents du Rhdp. Je veux parler de MM. Bédié, Ouattara, Mabri et Anaky. Le Rhdp est organisé. Il a des présidents. On attend aussi que ceux-ci se réunissent.

Vous êtes tout de même le président de son directoire depuis sa création…

Certes. Mais, je ne suis pas le président du présidium des présidents. Le directoire est un organe de conception qui soumet ses travaux à la décision des présidents ou qui exécute leurs décisions. Si depuis le premier tour de la présidentielle, ces derniers ne se sont pas encore réunis, je pense qu’il faut d’abord situer le problème à ce haut niveau. Pour que le directoire ait la force d’aller dans un sens, il serait bien que les présidents du présidium se réunissent et qu’ils nous donnent des directives. Il ne peut pas y avoir deux capitaines dans un bateau.

Le projet de la fusion des partis houphouétistes a-t-il été renvoyé aux calendes grecques ?

Combien d’idées foisonnent-elles dans la tête d’un homme, mais qui ne sont pas toujours mises en application avec la célérité que l’on souhaiterait ?

La fusion ne peut se décider au niveau du directoire du Rhdp, mais des présidents des partis politiques. Si le Pdci doit se fondre dans un parti unifié, il faut qu’il le décide avec son président et l’organe suprême de décision qui est le congrès. Pour information, pour se retrouver dans un parti unifié, cela suppose que les partis concernés disparaissent. Le Pdci devrait donc être dissous. Et si tel doit être le cas, cela ne peut pas être fait par n’importe quel congrès. Il ne peut être dissous que par un congrès comprenant les 4/5 des membres statutaires. Je ne suis ni pour ni contre. Ce n’est pas mon point de vue que je suis en train d’exprimer. Le moment venu, je le ferai en lieu indiqué.

Partagez-vous la satisfaction du Bureau politique qui estime que votre parti a réalisé aux élections couplées du 21 avril dernier une moisson certes peu abondante, mais excellente ?

Satisfaction ou pas, chacun appréciera à sa façon. Moi, je pose simplement une question de principe. Quel est, en Afrique, le parti politique qui part du pouvoir à la suite d’un coup d’Etat, se retrouve dans l’opposition et se comporte comme le Pdci ?

Vous estimez donc que le Pdci est actuellement dans l’opposition?

Le Pdci est dans une alliance qui est au pouvoir, mais il n’est pas au pouvoir. Le parti qui a gagné les élections, notre partenaire que nous avons soutenu, c’est le Rdr. Pourquoi les gens ont-ils peur de la vérité ? Nous sommes dans une coalition où l’on a dit que quand on va au premier tour de la présidentielle, chaque parti présente son candidat. Au second tour, on soutient celui qui est le mieux placé. Lors de la dernière présidentielle, celui qui était le mieux placé, ce n’était pas notre candidat, mais celui du Rdr. Cela dit, le Pdci a perdu le pouvoir à la suite d’un coup d’Etat, en 1999. Et depuis, il ne l’a plus retrouvé, même s’il est dans une coalition qui est au pouvoir. La question que je pose est celle-ci : quel parti, en Afrique, qui est chassé du pouvoir après un coup d’Etat, qui se retrouve dans toutes les vicissitudes avec la crise que nous connaissons, peut se comporter comme le Pdci, avec le nombre d’élus que nous avons eus aux élections de 2000 et celles qui viennent de se dernier ? Un candidat du Rdr, un allié donc, disait pendant la campagne, dans une circonscription, en face d’un candidat Pdci: « Si vous voulez que le Président Ouattara mette en œuvre sa politique et qu’il travaille pour vous, votez pour le candidat du Rdr que je suis ». On oublie qu’on a un programme commun de gouvernement. La politique, c’est la saine appréciation des réalités, bonnes ou mauvaises, comme disait le Président Félix Houphouët-Boigny. Le Pdci se défend plutôt bien. On aurait pu faire mieux, c’est vrai. Mais pour un parti qui est dans la position qui est la sienne, ce n’est pas si mauvais. Je rappellerai un seul cas. Le Pdci a dirigé la Côte d’Ivoire pratiquement dans la même période que le parti socialiste au Sénégal. Dès que ce parti a perdu le pouvoir, non pas par un coup d’Etat, mais démocratiquement, savez-vous combien de députés il a eu à l’Assemblée nationale au Sénégal ? Le Pdci se défend bien. Et il aurait pu mieux faire, s’il y avait la cohésion, la fraternité, la discipline dans ses rangs.

Cette indiscipline qui s’est manifestée par la pléthore de candidatures indépendantes ne pourrait-elle pas aussi s’expliquer par le fait que la direction se soit coupée de sa base dans ses choix ?

Je n’en sais rien. Ce que vous appelez la direction est multiforme, à divers niveaux de nos instances. Et ce sont des cadres qui en sont issus qui sont les candidats indépendants. La direction du parti, ce n’est pas que le président et le secrétariat général. Il y a aussi les membres du Bureau politique, c’est-à-dire l’instance du parti qui décide, en dehors des congrès et conventions. Sans oublier le Conseil politique. Dire que le problème des candidatures indépendants est lié au fait que la direction se soit coupée de sa base, c’est ignorer que ce n’est pas la base qui était candidate, mais les cadres de ses instances qui vont se présenter à ladite base pour se faire élire. Le congrès va se pencher sur le problème de l’indiscipline dans le parti. Il y a d’ailleurs, une commission thématique « Vie et structure du parti ». Ce problème y sera traité. Comme dans l’armée, la force d’une formation politique, c’est aussi la discipline. Mais, elle doit aussi être acceptée par chacun. Peut-être qu’un arsenal de mesures devraient sanctionner les indisciplinés. Le congrès en décidera.

Le dernier Bureau politique a, justement, sur proposition du Président Bédié, absous les candidats indépendants. N’est-ce pas là, donner un blanc-seing pour les autres cas d’indiscipline à venir ?

Je vous laisse en juger. Mais c’est vrai que nous sommes dans la gestion des hommes et peut- être que les solutions extrêmes ne sont pas les mieux indiquées. Je n’en sais rien. Le congrès appréciera.

Interview réalisée par THÉODORE SINZÉ