Par Dr Mathias Ouraga OBIO Analyste Économique et Sociopolitique, Côte d’Ivoire
I. Origine de la fracture sociale et des conflits
Les conflits meurtriers intercommunautaires en Côte d’Ivoire sont très fréquents depuis l’accession d’Alassane Ouattara au pouvoir en 2011. Ces conflits, rares autrefois se sont multipliés après la crise postélectorale. Pour mener le combat contre le Président Laurent Gbagbo, le chef de l’État, Alassane Ouattara, a utilisé tous les moyens humains parmi lesquels figure le recrutement massif de combattants venus du nord de la Côte d’Ivoire et de la sous région (Burkina Faso, Mali, Guinée). Ces milliers de mercenaires, après la victoire militaire, ont été récompensés à hauteur de 12 millions de FCFA chacun pour certains et pour d’autre, analphabètes pour la plupart, ont bénéficié de l’intégration sans concours et sans formation sérieuse dans l’Armée nationale. A coté des deux catégories de combattants, une autre s’est sentie flouée, trompée, abusée et elle se fait entendre de temps en temps. C’est particulièrement ce groupe, quand bien même nous reconnaissons qu’ils représentent tous une menace permanente pour la population ivoirienne, qui écume les forêts, le milieu rural, qui alimente la grande pègre et la grande criminalité avec des armes de guerre qu’ils n’ont jamais déposées lors du désarmement. C’est dans ce contexte difficile que les ivoiriens, Paisible population civile, propriétaires terriens et autochtones dans leurs régions naturelles cohabitent avec ces criminels, ces hommes sans foi ni loi, qui gagnent leur pain quotidien par la force, par les kalachnikovs et la violence. N’oublions pas aussi que dès la victoire d’Alassane, les Malinkés originaires au nord de la Côte d’Ivoire se sont rués vers les zones sud plus riches et dont les terres sont plus fertiles, pour conquérir les terres cultivables des mains des autochtones. Tous se sont sentis en territoire conquis car ils ont contribué chacun à son niveau et quelques fois au prix de leur vie et dans le sang à porter au pouvoir Alassane Ouattara. Cette impossible cohabitation a débouché depuis 2011 inévitablement sur des conflits meurtriers récurrents entre ces personnes venues d’ailleurs et les autochtones qui protègent leurs terres qui constituent la seule richesse en milieu rural. Sur la base des faits présentés plus haut, les causes des conflits sont de plusieurs ordres : le non respect des us et coutumes des autochtones par les allogènes, l’exploitation illégale des forêts dites classées qui sont des patrimoines nationaux, les litiges fonciers nés de l’expropriation des nationaux et le règlement des conflits par la violence dont les allogènes ont recours systématiquement à chaque conflit du fait de leur position de privilégiés vis-à-vis du chef de l’état et du fait des armes en leur possession. Lorsque surviennent les conflits entre les allogènes et les autochtones, ce sont ces ex-combattants qui prêtent toujours main forte aux allogènes dont ils sont proches. Malheureusement, à chaque fois qu’ils s’impliquent dans les conflits, les bilans s’alourdissent toujours avec ses corolaires de perte en vie humaine car ils utilisent des armes de guerre et des armes blanches dont ils maitrisent parfaitement le maniement. Ce sont donc des supplétifs armés du pouvoir. Cela remet au goût du jour la question du désarmement et la mise hors d’état de nuire de tous ces criminels. A ces causes sus mentionnées, il faut ajouter le rôle combien pernicieux que joue le chef de l’état pour entretenir cette situation qu’il utilise pour mater les populations qui n’approuvent pas sa politique et instaurer la terreur pour dissuader toute opposition. Depuis l’avènement d’Alassane Ouattara au pouvoir, nous avons remarqué un recours systématique à la violence et à l’utilisation d’arme de guerre par ses partisans. Le chef de l’état a une propension à entretenir des milices et rébellion (d’après Koné Zakaria depuis 2002). Des bandes armées et des dozos sont tolérés dans le pays et ils opèrent au vu et au su des autorités, des caches d’armes pullulent également dans le pays. Il fait la promotion de l’impunité à l’endroit de sa tribu qui bénéficie de toutes les attentions et l’armée ivoirienne est à majorité composée de nordistes. En outre, il a procédé à l’intégration de nombreux démobilisés analphabètes dans l’armée, à un désarmement bâclé volontairement et qui n’a véritablement jamais eu lieu, au rattrapage ethnique dans toute l’administration. Il a encouragé une immigration incontrôlée avec la présence d’une forte population étrangère au dessus de 40% de la population totale de source officieuse et plus de 25% de source officielle. Ce qui représente des proportions intolérables et une menace pour les nationaux. Chaque jour, des cars de convoi déversent les migrants en Côte d’Ivoire venant de la sous région sans aucune régulation. Une fois sur le territoire ivoirien, ils se dispersent dans les villages, les campements, les forêts classées et les villes de l’intérieur pour chercher à s’intégrer avec la complicité de personnes relais et cela depuis des décennies avec un pic depuis bientôt 10 ans, date d’accession de Ouattara au pouvoir. Cela n’est pas fait dans l’intérêt des autochtones qui sont confrontés à la réduction drastique des terres cultivables et des ressources naturelles. Cette ruée de la population étrangère n’est pas régulée, identifiée, connue, planifiée démographiquement et on ignore complètement la moralité et le but de leur séjour sur notre sol. A cette allure, comment l’état peut-il planifier des écoles, les besoins de santé, la production alimentaire, les questions de sécurité s’il n’est pas capable de maitriser l’immigration. Il encourage aussi l’occupation par la force des terres ivoiriennes par les citoyens de la CEDEAO et l’expropriation des nationaux de leurs terres. Le chef de l’État est bien obligé et il est impuissant devant cette situation car ces migrants et leurs pays respectifs ont contribué à son accession au pouvoir au prix de leur vie et il leur est redevable. Voici ce que le chef de l’État Alassane Ouattara nous a servi, nous sert et nous servira jusqu’à 2020. Que les ivoiriens ne se méprennent pas, le problème de la Côte d’Ivoire est très profond et la cure sera très difficile, longue et elle ne se fera pas sans dommage avant la libération de notre pays. Ce qui suppose que nous devons nous armer de courage et de persévérance dans l’unité car le mal qui ronge la Côte d’Ivoire est polymorphe, multiforme et ressemble à l’hydride de Lerne.
II. Points des conflits intercommunautaires en Côte d’Ivoire
Lorsqu’on regarde de près la typologie des conflits intercommunautaires en Côte d’Ivoire selon les causes, on se rend très vite compte que tous ces conflits ont pour dénominateur commun, les questions économiques, plus précisément les questions de terres. Ensuite, ces conflits sont pour la plupart focalisés dans les zones forestières où les forêts classées sont abondantes. Ensuite, au cours de ces conflits, des armes lourdes ont été à chaque fois utilisées par les uns contre les autres et c’est toujours les allogènes qui font usage d’armes à feu et de guerre. Un autre fait marquant est que le deuxième dénominateur commun est la communauté malinké. C’est toujours cette communauté qui est en conflit avec les autres communautés quelle que soit la communauté mise en cause. Cela prouve que c’est cette communauté qui est le problème et comme par hasard, c’est la communauté dont le chef de l’État se réclame. Ces conflits ont véritablement débuté à partir de 2014. Selon nos recherches, en sept ans de gouvernance d’Alassane Ouattara, vingt-sept conflits et attaques de locaux de préfectures et de sous-préfectures ont été comptabilisées de source officielle dans des épisodes d’émeutes. Cela témoigne d’un ras le bol de la population. En février dernier, une étude menée par une équipe de sociologues et des criminologues, commandée par le Conseil national de sécurité (CNS), dépendant de la présidence ivoirienne, avait conclu à une profonde crise de confiance entre l’administration et les administré : les populations n’ont plus confiance à l’autorité et elles veulent elles-mêmes régler leurs problèmes à leur manière, ce qui conduit forcement à des actes de violences. Concernant la comptabilité des conflits intercommunautaires, lors des municipales d’octobre 2018, pendant que l’opposition était absente à ces élections, des violences avaient éclaté entre des membres des communautés baoulé, réputée acquise au PDCI et malinké réputée proche Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix d’Alassane Ouattara. Les affrontements intercommunautaires des 24 et 25 mars 2016 entre agriculteurs et éleveurs à Bouna ont occasionné un lourd bilan, 33 morts, 52 blessés, 2 640 déplacés. Des affrontements de ce type ont éclaté à Zikisso, dans le centre-ouest du pays ; Ils ont opposé des membres des communautés locales dida et malinké. En octobre 2018, des affrontements entre communautés baoulé et malinké avaient aussi éclaté à Marabadiassa en février 2019. En 2017, un petit village situé à l’intérieur de la forêt classé de Goin-Débé, dans l’ouest de la Côte d’Ivoire où des affrontements entre la communauté autochtone Wé et des baoulés, originaires du centre du pays, ont fait deux morts et huit blessés, dont trois gravement. Au cœur du conflit : le contrôle d’une partie des riches terres de la forêt classée de Goin-Débé. Théoriquement protégée, elle a en réalité été infiltrée à la faveur de la crise dès le début des années 2000 par des populations venant du Burkina-Faso et du centre du pays qui y ont fait prospérer la lucrative culture du cacao. En toute illégalité, de véritables villages y ont été construits, et parfois même des écoles. Malgré la promesse du gouvernement ivoirien de les évacuer, de nombreuses aires protégées sont ainsi occupées dans le pays. A la tête du groupe de Burkinabè, un certain Salam Yameogo régnait en maître. A l’origine à la tête de 400 hectares de terres, il est parvenu au fil des années à contrôler quelque 9 000 hectares mettant ainsi sur pied un réseau de trafic et de corruption. Il en était de même pour Amadé Orémi, la terreur du mont Péko, une forêt classée de Bagoho située entre Duekoué et Bangolo qui a combattu aux côtés des forces pro-Ouattara en 2011. Il est aussi l’auteur de crimes odieux. La localité de Binleu, située à 4 km de Mahapleu, dans le département de Danané, a connu un conflit communautaire entre autochtones et allochtones qui a fait, en décembre 2017, 4 morts et trois blessés graves. Le 21 novembre 2018, un conflit intercommunautaire éclate à Zouan-Hounien avec 05 morts et 137 blessés entre autochtones et allogènes. Le lundi 1er avril 2018, un autre conflit éclate entre la population Yacouba et les allogènes Malinké à Binhouin en avril 2019. Des conflits sanglants et similaires ont eu lieu à Kanakono le 24 décembre 2017, Bangolo le 24 juin 2018, Facobly en juillet 2018, Issia en octobre 2018 avec la sortie punitive des dozos contre les autochtones, à Duékoué en novembre 2018 et le 15 mai 2019 à Béoumi entre Baoulé et Malinké, faisant une dizaine de morts, des milliers de déplacés internes et d’importants dégâts matériels. Au regard de tout ce qui précède, nous constatons aisément que le pays est véritablement en danger et que cette situation de conflits intercommunautaires couvent une guerre civile qui peut se déclencher à tout moment et qui va s’accentuer au fur et à mesure qu’on se rapproche de 2020. La cohésion sociale ivoirienne n’a jamais autant été mise à mal en Côte d’Ivoire. Ce qui est frappant dans cette situation préoccupante, le chef de l’État et son gouvernement ne prennent aucune mesure appropriée et des interrogations subsistent. Qui arme les communautés malinkés? Et pour quels objectifs? Nous le saurons un jour mais sachez que La violence est l’arme des faibles et non celle des forts.
III. Les perspectives
Devant ce triste tableau qui se déroule loin des enjeux électoraux des présidentielles de 2020, qu’en sera-t-il lorsque nous allons nous retrouver en période électorale de 2020? Ce que nous avons constaté en termes de violences armées entre les communautés depuis 2011 n’est rien à côté de ce qui nous attend en 2020. Oui, il y a des raisons de craindre pour le futur et tous les indicateurs sont au rouge. Au-delà des clivages communautaires, il y a aussi des antagonismes politiques graves au sommet de l’État qui sont susceptibles d’aggraver la situation sociopolitique. Nous en voulons pour preuve, la radicalisation de l’opposition entre les amis d’hier du chef de l’État (Soro Guillaume et Henry Konan Bédié) et lui. Malheureusement, les leaders ivoiriens n’ont pas appris de leurs erreurs passées. Aucune action correctrice dans le sens de prévenir la guerre civile en 2020 n’est entreprise. C’est pourquoi, nous interpellons surtout le chef de l’état ivoirien, garant de la stabilité et la paix dans le pays, afin qu’il prenne des mesures politiques afin de libérer les ivoiriens avant son départ du pouvoir car ce qui viendra n’épargnera personne même celles qui se croient à l’abri par ce qu’elles sont protégées par une certaine armée et des tonnes d’armes. Notre contribution-ci n’est pas un témoignage à la xénophobie, ni une exhortation pour un repli identitaire, encore moins une incitation à la violence d’une communauté sur l’autre. Nous savons très bien que nous vivons dans un monde planétaire et que notre pays est soumis à des traités et conventions internationaux qu’il doit respecter. Mais nous savons aussi qu’il a le devoir de protéger sa population, en priorité les nationaux. Nous savons aussi que chaque pays est souverain quant à la mise en œuvre des mesures qui concourent à préserver la cohésion sociale. Les dirigeants ivoiriens actuels avec à sa tête le chef de l’état ont le devoir et l’obligation de mettre fin à ce qui se passe actuellement en Côte d’Ivoire. Ma contribution est plutôt un diagnostic guidé par une démarche scientifique de vérité pour aider à la prise de décision éclairée par les autorités à charge de ces questions. Nous pensons avoir contribué à la paix en Côte d’Ivoire. Notre pays est vraiment gâté, il repose sur une lave volcanique en fusion et qui est presqu’à la surface. Ne dit-on pas qu’il est plus facile de gâter et d’instaurer la chienlit que de restaurer tout ce qu’on a gâté ? L’heure du bilan a sonné et la réalité ivoirienne est implacable et nue. A bon entendeur salut ! Que Dieu protège la Côte d’Ivoire, notre patrie.