Par Tikishia T. Digbeu
2010 : année du cinquantenaire des indépendances africaines, année du bilan d’un demi-siècle de liberté accordée par les colons (pardon), arrachée par les indépendantistes.
Durant toute l’année 1960, nation après nation, les Africains ont dansé, chanté et fêté pour célébrer l’acquisition de leur INDEPENDANCE. De façon officielle, ils allaient ENFIN prendre leur destin en main. Le colon n’aurait plus d’ordre à leur donner. Finies la domination, les humiliations, les frustrations…vive la LIBERTE. Du moins, c’est ce que bon nombre d’entre eux avaient tout naïvement pensé.
On l’a dit et écrit tout au long de ces décennies, le bilan de la LIBERTE n’est pas encouragent. En effet, dame Afrique n’a pas encore sorti la tête de l’eau. Les coups d’Etats, la famine, la mauvaise gouvernance, la corruption galopante, le népotisme, le paludisme puis la propagation du SIDA, le génocide, les guerres civiles fratricides… tous les malheurs sont sur ce continent. A croire qu’il est maudit !
NON. L’Afrique n’est pas maudite ; elle est plutôt bien partie, contrairement à ce qu’écrivait un certain René Dumont. Elle est brave cette Afrique qui a été pendant 400 siècles sujette aux esclavagistes qui l’ont pillée de ses bras valides. Ces négriers ne recherchaient pas des personnes chétives et malades mais plutôt des hommes et femmes robustes. Après ce crime contre l’humanité qu’est l’esclavage, l’Afrique a connu la colonisation et la décolonisation avec tout son cortège de souffrances physiques et morales. Tous ces maux l’ont dénaturée, affaiblie jusque dans ses entrailles au point de la fragiliser et finalement la mettre dans une position de dépendance.
Il y a seulement cinquante ans que ses bourreaux ont daigné lui coller un semblant de paix, un semblant de liberté, un semblant d’indépendance. L’Afrique se relève et se bat comme un beau diable pour gagner une indépendance effective. Elle a du mal à y arriver parce que justement ces chefs d’hier, autrement dit ceux à la tête de la « Mafiafrique » sont encore là pour lui rappeler qu’elle n’est pas tout à fait libre de ses mouvements. Aussi, quiconque veut braver cette pieuvre est voué à devenir martyr ou simplement jeté aux orties. Combien sont-ils ces chefs d’Etats africains qui ont été assassinés ou déboulonnés du pouvoir pour avoir justement osé penser autrement ? En cinquante ans, la liste est hélas bien longue.
La deuxième chance
Entre nous cinquante ans, dans la vie d’une nation, qu’est- ce que cela peut bien représenter ? On serait tenté de dire que cela n’est rien du tout pour l’ascension des nations qui ont été martyrisés dans leurs chairs. En faisant le bilan des indépendances africaines, il faut surtout retenir que les oppresseurs avaient octroyé une indépendance « sur papier » car dans la réalité, l’Afrique cinquantenaire n’est pas indépendante. La seule indépendance qu’elle avait pu obtenir, c’était de se laisser copieusement piller, se faisant dépouiller de toutes ses richesses humaines puis ses immenses et inépuisables richesses minières.
La deuxième chance de l’Afrique, c’est le demi-siècle à venir. Il est plein d’espoir et d’optimisme parce que l’Afrique prendra son élan… à son rythme. Lentement mais sûrement. Rien ne sert de courir même si les autres continents ont déjà effectué un bond de géant. Quoiqu’on dise, l’Afrique finira par se mettre au pas.
Tandis que certaines grandes nations faisaient leur révolution en guillotinant leurs rois, la révolution africaine s’est faite par l’arrivée du multipartisme. Depuis vingt ans qu’il est proclamé, il donne de bons résultats, quoique très relatifs, il faut le reconnaître ! On peut à juste titre s’exulter de cette réussite dans quelques pays (Bénin, Mali…). Ce processus démocratique n’a certes pas comblé tous les espoirs escomptés en deux décennies mais, il y a lieu de se rappeler qu’il s’agit ici pour l’Afrique d’une deuxième chance pour un départ serein. La démocratie et le multipartisme doivent aller de paire pour aider l’Afrique à sortir de son marasme. C’est vrai qu’il y a encore des coups de force, (Niger, Mauritanie, Guinée…) des transitions dynastiques (RDC, Togo, Gabon…) mais il faut demeurer optimiste. D’ici l’an 2060, on aura éradiqué tous ces maux, on aura revu toutes les constitutions afin qu’un président élu ne puisse plus ni être renversé ni rester au pouvoir plus de dix ans.
Dans le demi-siècle à venir, la nouvelle vision de l’Afrique sera de rendre effective l’intégration sous régionale dans un premier temps, ensuite de solidifier l’U.A (Union Africaine) de laquelle naîtra une monnaie africaine.
Les E.U.A (Etats Unis d’Afrique), ce sera vraisemblablement le seul salut dont l’Afrique disposera pour rayonner sur la place mondiale.
In Le Nouvel Afriqu’Essor No. 09 (Septembre – Octobre 2010)