L’image minable des querelles interminables de préséance à la tête de l’union nationale des journalistes de Côte d’Ivoire, est devant nous pour prouver qu’il ne faut rien attendre de ce genre d’organisation qui n’arrive même pas à régler ses propres questions internes. En voulant tribaliser la présidence de toutes les organisations professionnelles, sportives et patronales on est arrivé à les affaiblir durablement pour en faire des immenses coquilles vides au service de la médiocrité. La Côte d’ivoire malheureusement n’est pas encore sortie de la période sombre du journaliste ripoux et comploteur.
Lorsqu’entre janvier 2001 et juillet 2002, les cambriolages de banques et des attaques contre des gros commerçants se multiplièrent dans le pays, certains journalistes savaient que les butins emportés par les malfaiteurs allaient servir à la préparation d’une rébellion contre la Côte d’Ivoire.
Lorsque le 19 septembre 2002, fut fixé comme date de l’attaque qui allait endeuiller et conduire à la partition de la Côte d’ivoire. Certains journalistes le savaient. La carte de la partition du pays fut étalée en avant première dans certains journaux. Les évènements futurs allaient provoquer des milliers de morts, mais pour eux la fin justifiait l’emploi de tels moyens. Voilà comment est né sous nos yeux le journaliste comploteur.
Comment peut-on comprendre aujourd’hui que devant le pillage des biens de l’Etat ivoirien vers le Mali et le Burkina Faso, véhicules, meubles coffres des établissements financiers ainsi que des matériels de bureaux et de laboratoires, certains journaux n’ont jamais exprimé la moindre indignation devant une telle forfaiture contre leur propre pays. Comment les journalistes de cette presse peuvent-ils aujourd’hui soutenir le regard des autres ivoiriens devant l’immensité des destructions que le pays a connu? Le journalisme de connivence est durablement installer en Côte d’Ivoire pour le plus grand malheur de ce pays.
L’avenir de la presse ivoirienne est de plus en plus sombre, nous ne nions pas ses difficultés, nous insistons ici sur son rôle et sa fonction dans notre transition vers une démocratie réelle et participative, qui libère l’homme ivoirien de la pauvreté, du tribalisme, de la combine mafieuse, du complot permanent contre les institutions étatiques, du désespoir, de la misère, de la crasse et de la maladie.
Dans cette voie la fonction du journaliste doit sortir des silences entretenus, des informations qu’on cache pour comploter ou pour plaire au pouvoir en place, de l’absence même de tout esprit critique devant des fléaux comme le clanisme, la corruption, l’injustice sociale, les violations des droits de l’homme et enfin l’indépendance nationale mise à rude épreuve par la réalité marchande qui régie la coopération internationale.
Le journaliste ivoirien doit sortir en définitive de la courtisanerie, du copinage, des complots politico-militaires, des complaisances douteuses et mafieuses qui ont durablement terni l’image de la presse ivoirienne et du journaliste partisan corrompu qui mange à tous les râteliers. Qu’il nous soit permis ici de nous incliner avec respect et considération pour saluer les journalistes africains qui ont courageusement défendu la liberté de l’information et de sa diffusion en payant parfois au prix de leur vie la défense de la liberté d’expression.
Nos pensées vont vers la mémoire de Dile Giva, journaliste Nigérian fondateur du journal Newswatch de Lagos, qui avait reçu un colis piégé et a payé de sa vie sa volonté de changer l’ordre établi de l’information dans son pays;
Au journaliste Kenyan Samuel Kabinza retrouvé la gorge tranchée dans sa voiture au bord du lac Victoria il y a quelque années au lendemain d’une enquête très fournie sur les biens du président Daniel Arap Moi
À Norbert Zongo, journaliste assassiné le 13 décembre 1998 sur la route de Sipouy à une centaine de kilomètres au sud de Ouagadougou dans son pays le Burkina-Faso, pour avoir révélé les dessous d’un des nombreux crimes crapuleux dont le pouvoir politique burkinabè nous a malheureusement habitué depuis bientôt trois décennies.
II – Le journaliste ivoirien et la transition vers la démocratie.
La transition est selon le dictionnaire universel Larousse est : « le passage graduel d’un état à un autre. » Cette définition amène au jour une question centrale, comment déterminer la transition démocratique ? Processus essentiellement politique, elle est cette rupture du corps politique au cours de laquelle le peuple- le démos – l’ensemble des citoyens, reprenant ses droits imprescriptibles et naturels), se reconvertit brusquement en souverain, s’identifie à la volonté générale, et se faisant législateur, suspend toute représentation autre qu’elle-même et se pose comme prince de gouvernement – le cratos – c’est à dire le dépositaire de l’exécutif.
Dans cette rupture nécessaire pour le bien de tous, la liberté d’expression et la transparence doivent être le soubassement de l’aggiornamento, pour éviter les dérives, pour qu’encore une fois la montagne n’accouche pas d’une souris, et enfin pour que les mêmes plantes vénéneuses ne repoussent pour rendre impossible notre marche vers la liberté, la paix et le progrès, marche qui passe inexorablement par une démocratie participative, porteuse de réformes en vue de satisfaire nos besoins essentiels en mettant cette fois l’intelligence au centre de notre vie collective.
« Que celui qui a quelque chose à dire se lève et parle » c’est l’acte de naissance de la démocratie athénienne 400 ans avant Jésus Christ. C’est ici qu’il faut dire que gouverner pour embastiller, étouffer et tuer les autres au nom du pouvoir qu’on veut garder à vie est indigne et incompatible avec notre marche vers la démocratie.
Dans ce nouvel exode, le journaliste en Côte d’Ivoire comme ailleurs en Afrique, doit être celui qui appelle à la réparation des injustices, qui veille à l’éclosion d’une solidarité nationale, pour que le fort n’écrase pas le faible. Pour que l’Etat soit au service du citoyen et non le contraire.
Voilà pourquoi le journaliste au service du juste et du vrai ne doit pas taire l’information, ou fabriquer des fausse nouvelles pour induire le peuple en erreur. Voilà pourquoi il ne doit pas être avec le pouvoir contre le peuple. Il ne doit pas dans ce sens cautionner une rébellion ou accepter l’argent de l’étranger pour favoriser les intérêts d’une multinationale contre ceux de son propre peuple.
Il ne doit pas milité dans un parti politique. Il doit-être capable de dénoncer les mauvais choix du gouvernement ivoirien, s’il y avait eu de tels journalistes chez nous la télévision éducative comme projet, n’aurait jamais vu le jour en côte d’ivoire. A cette époque les journalistes se disaient eux même agents de développement pour masquer la combine, la connivence puante et la courtisanerie qui liaient certains d’entre eux au pouvoir en place.
Le journaliste ivoirien ne doit pas soutenir un gouvernement tribal et clanique au mépris de l’unité et de l’intégrité du territoire national. Ils doivent dénoncer les accords signés par l’Etat de Côte d’Ivoire qui rendent notre pays captif et vassal d’une tiers puissance. Ils doivent être des éveilleurs de consciences en portant la lumière de la liberté et de la dignité vers la grande masse qui est encore dans les ténèbres.
S’il n’est pas capable de cela, alors le journaliste ivoirien ne doit pas s’étonner qu’il soit l’ennemi de chaque nouveau pouvoir qui s’installera au palais présidentiel du plateau d’Abidjan. Quant au peuple, il continue de mépriser le journaliste complice de la forfaiture. Il sera frappé d’indignité nationale dans les yeux du peuple qu’il a desservit par sa courtisanerie à la table du pouvoir. Comment la grande masse peut-elle te suivre toi le journaliste et te comprendre si tu n’as que les restants de la table du pouvoir comme alimentation ? Dans ce cas autant être un chien, puisse que remplir ton petit ventre est ton but de vie.
III – La liberté de la presse chez nous en Côte d’Ivoire
En 1979 Pierre Mauroy qui deviendra plus tard premier ministre de François Mitterrand déclarait :
« La transparence est la servitude de ceux qui acceptent des mandats publics. On doit donc accepter la transparence totale, en particulier en ce qui concerne sa situation matérielle, et par conséquent, les journalistes puissent en parler et révéler un certain nombre de faits, dès lors qu’ils sont exacts. »
À la lumière de ce qui précède, personne ne devait mettre la presse en cause, le droit de s’exprimer, de s’informer et d’être informé font partie intégrante des droits fondamentaux de l’homme. La liberté est comme l’air que l’on respire. On se rend compte qu’elle est irremplaçable dès qu’on en est privé.
Imaginez que les ivoiriens ne sache rien de qui affecte leur vie là où ils habitent, dans un pays qui est le leur. Rien des décisions ou des erreurs des pouvoirs qui nous gouvernent. Rien de ce qui se passe au-delà de leur horizon proche, rien de ce qui leur permet de choisir. Rien ou plutôt, en toute chose, une version officielle qui dicte ce qu’il convient de penser. Une telle situation, qui nous paraît intolérable, est celle qui affecte encore la vie des centaines de millions d’africains, privés de leurs droits élémentaires, et notamment celui de s’informer librement.
En France pendant l’Occupation Allemande, avoir un poste de radio pour écouter les nouvelles était passible de la mort devant un peloton d’exécution, aujourd’hui chez nous le journaliste corrompu fabrique de fausses informations pour cacher la vérité, ou pour protéger le pouvoir politique dont-il est un vulgaire petit courtisan. Le journaliste capable de taire une agression armée qui va couter la vie à des innocents n’est-il pas un vulgaire bandit méritant le peloton d’exécution pour haute trahison ?
IV – La presse ivoirienne et ses souffrances
Le conseil national de la presse de Côte d’ivoire est perçu par beaucoup d’ivoiriens peut-être à tort, comme le bras armé du pouvoir chargé d’une chasse aux sorcières dans la presse écrite. – Il apparaît aux yeux de beaucoup d’entre nous comme une bande de petits fouineurs payés par le régime en place au service de la censure et de sa police politique comme dans l’Union soviétique de joseph Staline.
On nous dit que son but est de réguler le secteur de la presse écrite. Cela veut dire quoi ? Il faut se méfier des mots qui servent de couvertures aux prédateurs.
- Est-ce que ce conseil travaille effectivement pour l’émergence d’une presse libre et professionnelle en Côte d’Ivoire?
- Travaille-t-il pour promouvoir un journalisme libre et de qualité ?
- Travaille-t-il pour éloigner les journalistes ivoiriens du complot contre l’Etat de Côte d’Ivoire ?
- La multiplication des suspensions de titres pour des articles non favorables au régime ne fait-il pas du CNP, un instrument de répression à la solde du pouvoir ?
- Que fait le CNP face au monopole des moyens d’imprimerie ou de l’étroitesse du marché publicitaire ?
- Que fait le CNP face au taux très élevé de TVA sur l’importation du papier journal ?
- Face au monopole des moyens de distribution des journaux le CNP est quasiment muet.
- Que fait le CNP, face aux nombreuses contraintes administratives de la presse privée ivoirienne et à la réglementation répressive qui étouffe son épanouissement?
- Le monopole des moyens d’expression collectifs radio et télévision qui appartiennent aux contribuables ivoiriens, ne choque-t-il pas le CNP ? Voilà quelques-unes des souffrances de notre presse.
Dans les pays développés, la presse est reconnue comme un quatrième pouvoir. Elle est haïe ou aimée selon que l’on tire profit de son action ou non. Les hommes politiques de tous bords savent quelle puissance se cache derrière la photo, la caméra, le micro ou le papier du journaliste.
En Côte d’Ivoire, le rôle de la presse, qu’elle soit audiovisuelle ou écrite, est particulier, en raison notamment de l’analphabétisme d’une grande partie de la population adulte. Il ne suffit donc pas d’informer, il faut en plus éduquer la plupart des lecteurs, auditeurs et téléspectateurs pour qui les subtilités des langues européennes sont autant d’obstacles infranchissables. Il faut donc savoir moduler le message et le véhiculer avec des mots et des expressions qui puissent intéresser tout à la fois les intellectuels et les lecteurs, les auditeurs et les téléspectateurs de la base.
Dans la plupart de nos pays africains, l’audiovisuel public est accaparé par le parti au pouvoir, avec des journalistes à sa solde, pour faire et défaire l’information à sens unique. Parlons plutôt de propagande. Voilà pourquoi à chaque coup d’état en Afrique la radio et la télévision sont les premières cibles stratégiques et enjeux de la bataille féroce pour la prise du pouvoir.
C’est à travers ces deux médias que le nouveau pouvoir va s’adresser au peuple, ceux qui contrôlent la radio et la télévision, ont une longueur d’avance sur les autres. C’est par la télévision qu’Henri Konan Bédié s’était proclamé président de la Côte d’Ivoire à la mort du président Félix Houphouët-Boigny.
C’est par la radio et ensuite à travers la télévision que le Général Robert Gueï di Bob, avait mis fin au pouvoir du président Henri Konan Bédié, dans la matinée tragique du 24 décembre 1999. C’est également par la télévision que Laurent Gbagbo, fut destitué et dénudé de la fonction présidentielle. C’est par la télévision qu’Alassane Dramane Ouattara a accédé à la présidence de la Côte d’Ivoire.
Outre la maîtrise de la psychologie appuyée sur la connaissance du milieu, le journaliste ivoirien doit être aussi un pédagogue. Son travail est toujours didactique. En Côte d’Ivoire, ce travail se complique encore de l’existence d’un parti unique omnipotent présentant une façade de multipartisme.
Oui nous le savons tous que multipartisme ne veut pas dire pluralisme. Le parti politique au pouvoir impose une pensée officielle au média d’état. A cela il faut ajouter le refus des personnages publics ivoiriens de se soumettre à la moindre critique démocratique pourtant inhérente à leur état. Tout en occupant des fonctions publiques, ils veulent être traités en personnes privées afin de n’avoir pas à se justifier devant le peuple qu’ils sont censés servir. Les moindres remarques sont considérées ici comme des attaques, donc des crimes de lèse-majesté.
Telle est la triste situation de la presse ivoirienne en ce début de siècle, l’information ligotée et rendue inopérante. Des journalistes sous-payés de la presse d’État qui tremblent pour leur carrière, plient l’échine devant les puissants, et en sont réduits à chanter les louanges d’une dictature criminelle et liberticide. Ou alors à jouer aux chiens aboyeurs de service, comme nos griots d’hier, à la différence que les griots d’hier attachés aux princes, les accompagnaient partout et souvent perdaient la vie aux côtés de leur roi.
Les retournements de veste que nous voyons chaque fois en Côte d’Ivoire lorsqu’il y a un coup d’État ou un régime de facto, prouvent qu’une grande partie de nos professionnels de l’information sont encore au stade du journalisme alimentaire, de soumission, de complaisance et de révérence. La courtisanerie est si profondément installer dans l’esprit de certains d’entre eux que c’est par cette voie qu’ils comptent faire carrière dans la presse de notre pays.
Les nombreux silences de la presse d’état en Côte d’Ivoire et les mensonges qui ont nourri ses rapports avec nos populations ont fini par créer durablement une crise de confiance qui fait qu’aujourd’hui encore à Abidjan, on croit plus à la rumeur qu’à l’information officielle.
Voilà pourquoi les plus nantis de nos compatriotes préfèrent écouter et lire les radios et journaux étrangers. Ceux qui ont les antennes paraboliques regardent les télévisions étrangères pour être informés sur la situation économique, sociale et politique de notre malheureux pays la Côte d’Ivoire.
Sans le savoir, la presse officielle ivoirienne sous tous les régimes a déserté le terrain de la raison et de l’intelligence pour faire le nid de l’avènement d’une presse libre et indépendante qui est encore en balbutiement, avec ses incohérences, timide aussi peut-être, mais qui émergera sûrement. Il y a aujourd’hui des journaux libres capables de montrer pièces à l’appui que tel marché public à été truqué. Il y a des journalistes qui ont connu l’enfer de la prison de Yopougon et qui continuent de croire que c’est le prix à payer pour que la liberté de l’information et d’expression émerge dans l’espace public ivoirien.
Il y a dix ans, quatre-vingt-seize journalistes et producteurs avaient fait leur autocritique. Ils ont reconnu pendant des années avoir déformé des faits et fabriqué de fausses nouvelles avant de présenter leurs regrets au public. Cela se passait à Séoul en Corée du sud.
Ne pensez-vous pas que les média de la haine au Rwanda, les journalistes sud-africains qui ont soutenu l’apartheid, les journalistes ivoiriens qui ont soutenu la rébellion, ceux qui ont soutenu l’ivoirité, et cette presse monopole d’État en Côte d’Ivoire qui a perdu tout esprit critique, nous voulons dire celle qui pose des questions préparées pour mettre l’intervenant à l’aise gagneraient à suivre cet exemple?
À la faveur du pluralisme de façade récent des journaux privés et des radios de proximités sont nés pour nous donner un autre son de cloche. Devant leur refus de cautionner le cynisme et le mépris des gouvernants pour nos populations, les entraves à la liberté d’expression se sont multipliées en Côte d’Ivoire, suspension de journaux, arrestations de journalistes. Poursuites judiciaires etc.
V – L’information et le journaliste ivoirien
L’omerta est une loi non écrite, mais qui fut rigoureusement appliquée en Afrique jusqu’en 1990 par les médias proches des pouvoirs politiques de notre continent. « La loi du silence, imposée par une mafia, » nous dit le dictionnaire hachette encyclopédique (édition 1999). « Dans les villages de la Sicile Occidentale et dans les villes comme Corleone, Catane et Palerme, lorsqu’à lieu un crime de mafia, on sait pourquoi, comment, et par qui il a été commis, explique l’écrivain Léonardo Sciascia. Mais personne ne le dit à la police. La fameuse omerta, loi du silence a fonctionné. »
Dans l’état de délabrement ou se trouve la Côte d’ivoire, le journaliste ne doit plus se taire pour plaire à une mafia politico affairiste. Il doit poser les questions qui fâchent, qui dérangent pour que les esprits bougent dans le sens positif. Les hôpitaux sans médicament, la vie chère, le logement introuvable, l’école à la dérive, les marchés publics attribués sans appels d’offres dans le copinage et autres arrangements entre amis.
Les surfacturations, les routes impraticables, le tribalisme, les nominations claniques et la gouvernance du pays contre une partie des ivoiriens, doivent faire partie intégrante des exigences qui fondent un métier au service d’un citoyen ivoirien totalement déboussolé et cela dans un pays ou le plus fort écrase le plus faible qui demeure sans protection.
Quand le président Français arrive à Abidjan avec une cinquantaine de dirigeants d’entreprises françaises et qu’il n’y a aucun journaliste ivoirien pour relever en pleine conférence de presse les vieilleries repentes que ces entreprises ont l’habitude de nous refiler au prix du neuf.
Personne pour relever les surfacturations d’hier ou des complexes sucriers que des pays voisins ont acheté à cinq milliards alors qu’elles ont été vendues à la Côte d’ivoire pour onze milliards soit plus du double. S’il n’y aucun journaliste pour douter de la bonne foi de cette délégation qui se croit en terrain conquis alors nous avons le droit de nous méfier de la presse ivoirienne.
Tout le monde sait qu’Alassane Dramane Ouattara, fut Gouverneur de la BCEAO, mais aucun journaliste ne saisira l’opportunité pour lui demander en pleine conférence de presse s’il est content et satisfait de cette coopération monétaire ou les malheureux pays africains doivent déposer la moitié de leurs devises au trésor français. Pense-t-il que ce mode de gestion qui fait de la France un pays vampire permettra le développement de nos pays africains qui dans la réalité sont des pays captifs condamnés à la mendicité et à la pauvreté?
Ne pas être capable de choses aussi simple nous font douter de la fonction de journaliste dans un pays qui se prétend émergeant. Comment un pays peut-il se développer avec la moitié de ses avoirs dans le trésor d’un autre pays ? Il n’y a que les africains pour accepter un tel marché de dupe. Ceux qui en parle ne sont pas des militants d’un parti politique, il ne sont rien d’autre que des gens attaché à l’indépendance de leur pays et l’idée d’aller déposer l’argent du contribuable ivoirien dans le trésor d’un pays dont il n’est pas le citoyens les révulse profondément et choque leur conscience.
Ne plus se taire, saluer ce que fait le pouvoir pour le bien de tous, ne pas se taire devant les injustices, les bannissements, les cambriolages organisés dans les locaux privés ou publiques pour emporter argents et des biens qui vont alimenter une rébellion, délocaliser l’information et sa libre circulation dans un pays qui appartient à tous les ivoiriens. Tel est le nouveau défi du journaliste ivoirien pour vivre courageusement avec l’information vraie et son temps.
Comme nous le constatons, Mesdames et Messieurs, à son corps défendant le journaliste ivoirien, est donc requis, convoqué par l’événement : il dépend de lui, que la démocratie devienne spectatrice de son renoncement ou actrice de son redressement. Nous proclamons solennellement depuis ces lignes qu’il est temps de libérer la presse ivoirienne des puissances gouvernementales et des réseaux d’argent et assurer sa communion naturelle avec le lecteur, l’auditeur et le téléspectateur ivoirien pour reconstruire la confiance nécessaire au bien-être de tous les ivoiriens.
VI – Postulat de conclusion générale
Mesdames et Messieurs, nous avons de nombreux amis dans la presse ivoirienne et nous pouvons vous assurer qu’ils ne sont pas tous des corrompus qui cherchent à manger à la table du pouvoir. Les vrais professionnels soucieux d’une information juste au service du citoyen existent bien chez nous. Mais la race des petits griots de service est entrain de souiller un métier nécessaire pour l’épanouissement de la démocratie chez nous. Voilà pourquoi la corporation doit balayer devant sa porte en séparant les bons grains des mauvais.
L’époque où nous vivons est orpheline. Un début de siècle infernal qui avance sans boussoles ni repères, un temps de peur et de crainte pour les peuples fragiles et fragilisés, un temps de haine et d’égoïsme entre ivoirien. Une de ces heures incertaines et obscures que l’on dit entre chien et loup. Aussi les journalistes ivoiriens n’ont pas le choix, ils doivent aboyer et mordre pour se faire entendre et faire respecter leur métier, si non du dedans comme du dehors, personne ne les écoutera.
Selon l’ancien testament, lors de la dramatique nuit pascale, celle de la mort des premiers-nés, les chiens égyptiens firent silence le long du cortège des hébreux partant en exil et, de ce fait, facilitèrent leur fuite:
« Pas un chien n’aboiera. » Pour les ivoiriens, l’heure est venue de parler à voix haute, pour sortir des soutes de l’histoire tragique dans laquelle ils sont durablement enfermés.
Le journalisme dans la Côte d’Ivoire d’aujourd’hui doit être l’apprentissage et le décodage des temps obscurs? N’est-il pas le déchiffrage de l’imprévisible pour soutenir pédagogiquement ce peuple spolié à la recherche de repère pour affronter les tragédies que l’histoire lui impose chaque jour ?
En assimilant l’information à la communication, la présentation des faits à la représentation des hommes, la pratique professionnelle à la production marchande, le journaliste ivoirien épouse son temps, pour restaurer l’information dissidente, contre le fait accompli, la liberté indocile de la première contre la douce dictature du second. La révélation qui dérange contre la communication qui arrange.
Dans certains westerns, la populace réclame contre la lente procédure d’un shérif ou d’un juge, une justice expéditive et sommaire. D’habitude, dans les westerns, le bon shérif et le bon juge s’opposent aux prétentions de justice sommaire : nos journalistes ivoiriens sont exactement dans la même situation, ils doivent simplement prendre le parti de la vérité contre le mensonge institutionnalisé. Du peuple contre les gouvernements corrompus, la transparence contre la combine et le tripatouillage.
La presse ivoirienne doit réussir à donner tort à ceux qui pensent qu’elle est encore au stade de l’adolescence. Si elle se dérobe, si elle se laisse glisser sur la pente savonnée qui s’offre royalement à ses ambitions et carrières, il ne restera plus alors que le silence pour réfléchir et agir à sa place, loin des vacarmes médiatiques, la loi du silence, le silence des innocents contre le bruit des coupables.
Libérer l’homme ivoirien de la nuit noire de la servitude, c’est d’abord et avant tout, briser les chaînes, briser les derniers tabous. Porter la plume dans la plaie, telle doit être la tâche du journaliste ivoirien dans cette phase de recomposition nationale. C’est une tâche immense et si simple en même temps. Elle consiste juste à transformer, en ce début de millénaire notre Côte d’ivoire en une démocratie digne de ce nom.
Mesdames et Messieurs, au cours du printemps 1996, des personnes venues d’ailleurs, dépourvues de documents justifiant leur séjour en France, ces familles, pour la plupart originaires d’Afrique noire, se sont installées à Saint-bernard, une église du quartier de la Goutte d’or, dans le XVIIIème arrondissement parisien, proche des voies ferrées de la gare du nord.
Les écrans des télévisions du monde entier ont montré la brave et courageuse police française, la même que celle qui du 16 au 17 juillet 1942 procéda aux côtés des soldats SS Allemands avait effectuée la rafle du Vel d’Hiv, qui envoya 13 000 juifs vers les camps de la mort.
Oui, souvenez-vous de la même et très brave police française au passé collaborationniste, l’histoire se répète pour elle, la voilà et la revoilà sans doute pour la dernière fois, munie de fusils d’assaut de matraques et de grenades lacrymogènes, fracassant à la hache les portes d’une église pour y déloger des hommes, des femmes, des bébés et des enfants, occupants pacifiques de l’église Saint-bernard.
Depuis, l’histoire des sans papiers a fait le tour du monde. Leur histoire n’est-elle pas aussi celle de cette Côte d’Ivoire meurtrie, restée sur le bas coté de la route, abusée, désabusée, violée, violentée et poussée le dos au mur par la jungle de ce monde cruel, fait de profits, de médisances criminelles, de désinformations et de méchancetés gratuites ?
C’est au nom de ces humiliés, de ces sans papiers, au nom de tous nos journalistes embastillés, morts dans l’exercice de leur métier et au nom de ces ivoiriens exclus pour cause de rattrapage ethnique, de cette Côte d’ivoire qui se relève péniblement de ses blessures et surtout digne dans sa douleur que nous invoquons devant vous cette humble prière :
« Dieu de nos pères, Dieu des innocents, nous te confions ce peuple que tu as réveillé ; c’est vers toi qu’il marche, en allant vers son destin. Dans ce nouvel exode mon Dieu arrête, nous te prions, tout bras vengeur, éloigne tout imposteur, retiens tout criminel. Éclaire-nous de ta lumière et aide nous à vaincre la fatalité. »
C’est pour conquérir cette renaissance que les ivoiriens, ont juré de ne plus humilier l’intelligence, c’est parce que les chaînes sont brisées et que nous avons définitivement conquis le droit de parler au nom de notre Côte d’ivoire et des libertés fondamentales des hommes et des femmes de ce pays, parce que nous voulons désormais être un partenaire majeur dans un monde majeur. Parce que la nuit s’est dissipée et que l’aube nouvelle rayonne : au travail chers amis des médias de Côte d’Ivoire et surtout ne sombrons pas dans le désespoir. L’espérance subsiste encore. Bien à vous et avec fraternité.
Dr Serge-Nicolas NZI
Chercheur en communication
Tel. 0041792465353
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