« Notre solidarité n’a de sens que parce qu’elle n’a pas de limite, et qu’enfin, nous sommes conscients que le destin de l’Afrique est indivisible » (Patrice Emery Lumumba)
Lors de son discours à la nation, le 15 décembre 2014, le Président de la République démocratique du Congo, Joseph Kabila a vertement critiqué les occidentaux, refusant d’accepter les « injonctions de l’étranger ». Cette réaction très épidermique de Joseph Kabila fait allusion à la question sur la révision de la constitution qui lui permettrait de briguer un nouveau mandat. Nous profitons donc de cette occasion pour mener cette modeste réflexion sur l’attitude de certains Présidents Africains qui retrouvent subitement le langage souverainiste.
Quand ce sont les occidentaux qui les installent au pouvoir
Joseph Kabila est à la tête de la RDC depuis Janvier 2001, après la mort de son père. La RDC est le troisième plus grand Etat d’Afrique en termes de superficie, l’un des pays du monde les plus riches en ressources naturelles, et en même temps l’un des pays les plus économiquement pauvres. Mais la façon avec laquelle, il a été désigné Président de ce grand pays d’Afrique, laisse penser que les capitales occidentales voulaient qu’il soit là. D’ailleurs, des observateurs très écoutés désignent les Etats-Unis et la France comme les deux pays ayant installés Joseph Kabila au pouvoir. Même s’il a été imposé Président de la RDC, il a pris goût au pouvoir. Il s’est accommodé petit à petit, et il a fini par prendre goût à être dictateur.
Fauré Gnassingbé a également bénéficié du soutien de la France pour être Président du Togo. A cette époque, il fallait préserver les intérêts de la françafrique. Aujourd’hui, plus de 9 ans après le décès de son père, Faure Gnassingbé souffre toujours d’un manque de légitimité. Le pays va mal. En effet, depuis la modification constitutionnelle du 31 décembre 2002, le président de la République togolaise est élu à un scrutin uninominal à un seul tour pour un mandat de cinq ans renouvelable indéfiniment. La Constitution initiale, votée en septembre 1992, fut ainsi modifiée pour permettre à Gnassingbé Eyadema de rempiler à la tête du pays pour un troisième mandat, prématurément interrompu en 2005 par son décès. Le fils refuse la révision et s’attaque à ses soutiens.
Alassane Ouattara a lui aussi bénéficié du soutien des occidentaux pour être Président. Les Ivoiriens souviendront pendant longtemps du bombardement du palais présidentiel de Côte d’Ivoire, juste pour aider Ouattara dans sa quête d’un pouvoir qui était devenu pour lui un supplice de tantale. Aujourd’hui, lui aussi s’attaque à ses amis.
Quand le vrai-faux relent souverainiste de ces Présidents nous dérange
La rébellion étonnante des vrais-faux souverainistes nous irrite. Joseph Kabila retrouve subitement les accents « lumumbistes », rappelant parfois sans aménagement, certains diplomates occidentaux accrédités dans son pays, qu’ils ne sont pas chez eux. Evoquant son rôle de défenseur de la souveraineté nationale, Kabila a martelé, face aux diplomates, notamment occidentaux, les propos suivants: « je ne veux pas entendre qu’un diplomate étranger réunit les politiciens autour de tel ou tel projet. Ce n’est pas votre prérogative. Arrêtez, arrêtez de faire la politique dans mon pays, je vous préviens ». Il ne se fait pas prier pour rappeler à ses amis que « Le peuple congolais n’est pas n’importe quel peuple ».
Quant au Président Ivoirien, il ne manque pas de courage politique. Interrogé sur RFI concernant la mise en garde du Président François Hollande à Dakar, contre une éventuelle violation de la Constitution pour se maintenir au pouvoir en 2015, Alassane Ouattara affirme sans protocole diplomatique “Je n’ai pas de leçon à recevoir de François Hollande”.
Quand ils oublient que celui qui te fait roi a un droit de regard sur ton fauteuil
Le Président Kabila a osé dire que le « Congo est un pays jaloux de son indépendance ». C’est normal qu’un pays reste digne et c’est cela la vraie attitude. Mais lorsque ces propos viennent des ennemis de l’Afrique, c’est inquiétant. Certainement que le Président Congolais s’adresse au président français François Hollande qui, lors du dernier sommet de la Francophonie, a rappelé l’importance de respecter les Constitutions africaines. Pour d’autres, c’est au secrétaire d’Etat américain John Kerry et aux Etats-Unis qui font partie de ceux qui ont dit très clairement qu’ils voulaient voir Joseph Kabila se retirer du pouvoir à la fin de son mandat, en décembre 2016.
Quant à Faure Gnassingbé, en marge du sommet de Dakar, Hollande a été clair, sans langue de bois, “vous devez écouter la voix de votre peuple”. Cette façon de dicter les lois aux Présidents Africains dérange mais ce sont ces marionnettes à la tête de nos pays qui ont accepté les règles du jeu.
Quand les Africains oublient que seul le peuple est le véritable soutien
Aujourd’hui, les discours brumeux sur la démocratie et les droits de l’Homme et qui sont à géométrie variable, nous éclairent sur la nature profondément hypocrite et perverse de la démarche occidentale. Après avoir fait assassiner tous les dirigeants africains prônant une indépendance réelle de leurs Etats, les dirigeants occidentaux ont tout fait pour maintenir des rapports de dépendance avec une multitude de micro-Etats dirigés par des potentats prédateurs, et néo-colonialistes. Mais pendant que ceux qui sont actuellement au pouvoir pleurent la trahison de leurs amis, les opposants, eux, jubilent, dans le secret. Cette façon de faire est également mauvaise car en fait le jeu est inique. En tactique politique, on dit souvent que lorsque tu nourris un aigle, attends-toi qu’il te crève les yeux un jour. Au lieu d’attendre, les occidentaux préfèrent choisir eux-mêmes les opposants à soutenir en cas de trahison des poulains. Du coup, souvent, ceux qui s’opposent ressemblent fortement à ceux qui gouvernent. Il revient donc peuple d’être vigilent.