La prorogation du délai du lancement de la monnaie unique au motif que les critères de convergence n’ont pas été remplis par la majorité des pays de la CEDEAO, pourrait s’inscrire dans le prolongement de la force d’inertie qui a empêché ce projet datant de 1960 de se réaliser effectivement jusqu’à se jour, soit 60 ans après sa conception. Nous avons toujours trouvé durant plus d’un demi siècle de bonnes raisons pour ne pas le concrétiser et pour masquer l’absence d’une volonté politique forte de la part des pays membres. Initié par les pays de la ZMOA amené par la locomotive NIGERIA et GHANA, la feuille de route de 2013 mentionne bien une opération en deux temps, avec la mise en place début 2015 de cette monnaie unique au sein des pays membres de cette zone non CFA ( Nigéria Ghana, Gambie, Guinée, Sierra-Léone), puis en 2020 avec la l’UEMOA, la réalisation de la fusion des deux monnaies communes en une monnaie unique. Faute d’y être parvenu une nouvelle fois, après plusieurs échecs (2000, 2009 et 2015), la reprise des discussions de 2018 sur son lancement a abouti sous l’impulsion remarquée du Président Alassane OUATTARA à une décision qui le prévoit, cette fois-ci pour juillet 2020. La mise en œuvre de cette échéance se heurte à de nombreuses difficultés techniques et idéologiques ( confiance entre partenaires, conflictualité de logique, complexité à atteindre les performances économiques requises, réticence du NIGERIA qui plaide pour une prorogation et surtout n’est plus d’accord avec le schéma directeur de sa mise en place, l’UEMOA amené par la Côte d’Ivoire d’Alassane OUATTARA qui veut concrétiser le projet sur un mode progressif et extensif et se débarrasser aussi du Franc CFA, tout en conservant la même parité et la garantie de la France). Celles-ci pourraient fragiliser la CEDEAO qui dispose déjà d’un important marché et d’institutions régionales relativement fortes dans la perspective d’une intégration plus poussée de la sous-région qui pourrait ainsi devenir la locomotive de l’Afrique. De nombreux projets communautaires ont soit échoué, à l’exception d’Air Afrique et de la RAN sous l’impulsion remarquée du Président Houphouët-Boigny, soit été mise en veilleuse. Depuis la vision panafricaniste de KWAME Nkrumah, seuls les projets sous -régionaux réalisés par étapes progressives ont effectivement vus le jour dans la réalité concrète.
Ce serait une occasion gâchée. Nos dirigeants doivent, en mettant en sourdine leurs intérêts nationaux, parvenir un accord ferme et définitif sur le mécanisme permettant le démarrage effectif de la mise en place de cette monnaie commune, appelée à évoluer dans le temps vers une monnaie unique, une indépendance totale vis à vis de l’extérieur et une pleine convergence financière et économique avec le reste du peloton. L’idée d’un échelonnement des étapes séduit moins, mais elle est réactive et surtout plus réaliste et efficace comme méthode. Après soixante années de piétinements, de léthargie et d’attente, on ne peut plus continuer dans la même voie du sur place. Aussi, on ne doit pas freiner ceux qui sont en capacité d’avancer dans cette voie, même si quelques sédiments du système CFA demeurent pendant cette période transitoire. Il faut faire bouger les choses. L’immobilisme n’est pas la meilleure option dans ce contexte, d’autant plus que la crise de la Covid-19 va renforcer les difficultés des Etats membres au plan économique, qui de ce fait, auront encore plus de mal à remplir les critères de convergence. Il sera observé dans le même temps que les structures et mécanismes fonctionnels d’un ECO au niveau de la CEDEAO n’existent pas encore (Banque Centrale, Institut d’émission, parité d’échange entre les monnaies nationales et l’Eco, etc…). Nous avons l’avantage de les avoir pour la Zone UEMOA qui pourrait être rejoint par la Mauritanie, la Guinée Equatoriale et la Guinée Conakry, voire même le Ghana qui en a exprimé l’intention. Le Nigéria devrait plutôt s’attacher à remplir les critères de convergence lui permettant de rejoindre le peloton de tête en vue de renforcer l’initiative et de faire tomber les liens que la nouvelle monnaie conserve avec la France, à titre transitoire ( parité fixe, convertibilité et garantie) pour permettre au projet de prendre véritablement corps, et mettre à l’épreuve la volonté qui sous-tend l’ECO UEMOA plutôt que de lui faire un procès en “sorcellerie” ou d’intention. Pour l’instant le Président BUHARI n’a pas démontré un esprit très coopératif avec les autres Etats de la CEDEAO (fermeture de frontières), ni une attitude très panafricaniste (expulsion des ressortissants CEDEAO par le passé et maintenant leur exclusion des affaires). Par ailleurs, les autres Etats arrimés au Dollar Américain et à la Livre Sterling, devraient également démontrer leur volonté politique, leur capacité à assainir leurs finances et à remplir les critères leur permettant de rejoindre à leur tour ce groupe élargi.