Le Mouvement pour la remobilisation des républicains est en train de tisser sa toile. Il se présente comme une force de propositions au sein du Rassemblement des républicains (Rdr) en vue de la réélection du Président Alassane Ouattara à la présidentielle de 2015.
Réalisée par Danielle Tagro
Pourquoi avez-vous créé le mouvement M-Rdr ?
Nous avons créé ce mouvement pour la réélection du Président Alassane Ouattara.
Ne pensez-vous pas qu’il existe déjà assez de mouvements dans ce genre ?
Est-ce que nous sommes le premier mouvement qui s’est créé depuis l’annonce de la candidature du Président Alassane Ouattara ?
Justement, ça fait un peu désordre toute cette pléthore de mouvements…
Nous faisons partie de cette pléthore et ça ne fera jamais désordre. Nous ne sommes pas le seul mouvement qui existe en Côte d’Ivoire. Nous faisons partie des mouvements qui se créent pour la consolidation du pouvoir. Nous sommes un mouvement républicain.
N’est-ce pas un moyen pour vous de sortir de l’ombre, après votre défaite aux dernières élections municipales à Bouaflé ?
Je suis une autorité politique. En tant qu’autorité politique, mon rôle est de faire la politique. Si vous pensez qu’en créant un mouvement c’est pour me faire voir, je pense que je créerai ce mouvement pour me faire voir. Mais en tant qu’autorité politique, j’appartiens à un parti et j’estime pouvoir rendre ma mission là où je m’estime capable de la rendre. Par conséquent, je crée mon mouvement comme tous les autres qui existent, pour exercer ma fonction politique.
Quels sont les objectifs spécifiques de votre mouvement ?
Notre mouvement tend ses actions sur la reconnaissance et la remotivation de l’ensemble des militants qui, aujourd’hui, se sentent abandonnés et qui ont pris vraiment beaucoup plus de recul eu égard à un certain nombre de paramètres. Nous avons connu une élection difficile pour notre parti. Nous avons gagné dans la douleur. Ç’a été même un accouchement par césarienne cette élection que nous avons connue. Les brimades et les séquelles sont encore visibles. Mais cela fait trois années que nous sommes au pouvoir et nos militants n’ont pas encore perçu le fruit des actions qu’ils ont menées durant tout ce temps-là, au point où si aujourd’hui nous allons à une élection pour faire réélire notre chef, il serait difficile pour nos militants de se réengager dans cette bataille. Pourquoi ne pas sonner l’alarme maintenant pour galvaniser de nouveau nos bases, remotiver nos militants qui, aujourd’hui, se sentent abandonnés ? Je crois que les aspects sont multiples et ce sont là les facteurs de remobilisation. C’est pour cela que nous nous appelons le «Mouvement pour la remobilisation des républicains». Les républicains, c’est tous ceux qui rentrent dans la République afin que ce pouvoir soit préservé. Vous savez, tout ne se résume pas à l’argent, il y a la considération qu’il faut prendre en compte dans les relations humaines. Les militants ont besoin d’être écoutés. Ils ont besoin d’un interlocuteur. Aujourd’hui, ils n’ont pratiquement plus d’interlocuteur et cela pose un problème majeur. La communication est un élément essentiel de notre action. Depuis que le mouvement a été mis sur pied, il y a quatre mois, nous communiquons avec les militants sur les réseaux sociaux. Ils sont heureux parce qu’ils parlent avec des responsables du parti. Ce sont des actions que nous allons continuer et qui vont se poursuivre sur le terrain.
Vous évoquez des problèmes pertinents. N’auriez-vous pas dû faire le retour à la direction de votre parti, le Rdr, au lieu de créer un mouvement?
Attendez, ce qui vous gêne c’est le mouvement que nous créons ou c’est le parti qui vous intéresse ? A travers ce parti, il y a beaucoup de mouvements qui existent. Pourquoi c’est le mien qui vous gêne ?
Vos aînés, en l’occurrence Zémogo Fofana, ont évoqué ces mêmes raisons pour créer un parti politique…
Ce que vous êtes en train de dire est totalement différent. M. Zémogo a créé un parti politique. Moi, je ne vous ai pas dit que je crée un parti politique. C’est un mouvement au sein de mon parti qui est le Rassemblement des républicains (Rdr), pour remobiliser toute la base militante. Je ne suis pas un parti politique, je ne suis pas encore dans ce chapitre. Je voudrais vous rétorquer une chose, êtes-vous fière du parti en ce moment ?
Nous ne sommes pas une militante, nous sommes journaliste…
Mais vous parlez comme une militante. Si vous êtes fière, alors je vais vous suivre et nous allons conduire les choses jusqu’aux élections. Si vous êtes fière du parti, à la date d’aujourd’hui, alors je vais vous suivre et observer toute l’action et constater les résultats à la fin des élections.
A vous entendre, le mal est profond. C’est pour cela que nous aimerions savoir si vous avez fait cas de ce malaise à votre direction ? Sinon, jusqu’où comptez-vous aller pour vous faire entendre ?
Je suppose que je me fais entendre à travers ce que je suis en train de faire. Si vous êtes venue m’interviewer, c’est parce que je me fais entendre. Je vais amplifier cela pour me faire entendre. Parce qu’à travers votre canal, je pense que les responsables comprendront qu’il y a des tares qu’il faille régler avant d’aller aux élections.
N’y a-t-il pas de solutions en interne pour pouvoir régler ces tares ?
Allez poser cette question au secrétaire général du parti.
Nous vous la posons, comme vous êtes là déjà, en face.
Il connaît les tares du parti. La gestion d’un parti, c’est la gestion de l’actualité. Si vous avez lu l’actualité et que vous savez qu’il y a des tares et que vous n’y faites pas face, vous en assumez la responsabilité. On vous a annoncé les tares, il y a une analyse à faire. C’est aussi cela la gestion du parti. Nous ne sommes que des relais. Nous relayons les préoccupations des populations à la direction pour éviter des situations catastrophiques. C’est ce que nous essayons de faire à travers des mouvements que nous mettons en place. D’autres les appellerons des courants. Mais je vous le dis encore une fois, nous sommes loin d’un parti politique parce que nous appartenons déjà au Rdr dans lequel nous exerçons. Je suis moi-même militant, j’ai été député-maire de la commune de Bouaflé. Depuis dix-huit ans, j’ai été sur le terrain, donc je suis un homme averti. Je suis conseiller du Président, pour dire que je ne suis pas loin du système. A l’intérieur, nous parlons mais à l’extérieur aussi, il faut parler.
Quels sont les points sur lesquels vous voudriez qu’un changement s’opère au niveau de votre parti ?
Je vous parle de la préoccupation des militants et des militantes du Rdr. Maintenant les changements au sein du parti relèvent du président du parti. Je ne rentre pas dans les problèmes de personnes. Je suis un citoyen et par conséquent, je considère que j’appartiens à un parti. S’il y a une situation qui ne sied pas à la réalité des choses, mon rôle est de parler, d’agir. Mon rôle de politicien, c’est d’informer. Mais le mécanisme intérieur relève de la compétence du chef.
Quelle est donc la réalité des choses?
Le problème de la santé en Côte d’Ivoire est une réalité. Si ça ne vous touche pas, ça touche tous les Ivoiriens. Le problème du panier de la ménagère est une réalité ; si ça ne vous touche pas, ça touche les Ivoiriens. Le problème de l’éducation est une réalité, si ça ne vous touche pas, ça touche l’ensemble des Ivoiriens. Le chômage des jeunes est une réalité ; si ça ne vous touche pas, ça touche l’ensemble des Ivoiriens. En dehors de tout cela, je prendrai les militants qui ont souffert depuis plus de dix-huit ans, qui ont pratiquement tout perdu et qui attendaient beaucoup de notre mentor. Aujourd’hui, quand on s’assied et qu’on essaie de faire la balance sur toutes les attentes des militants, la balance est négative. Je ne rentrerai pas dans certaines considérations, mais, je dirais simplement que nous sommes à une phase cruciale de notre histoire. Parce que l’histoire nous rattrape. Les promesses que nous avons faites aux citoyens, aux populations, c’est sûr, les conditions dans lesquelles nous avons accédé au pouvoir, nous ne pouvons pas les résoudre de façon totale. Mais, il y des actions primaires, qui sont des actions élémentaires auxquelles le parti doit faire face au profit de ses militants. Et notre bataille, c’est celle des militants et des militantes.
Sur votre page Facebook, vous avez écrit : «Nos militants, après plusieurs années de brimades et de frustrations, veulent sentir que le Rdr est au pouvoir». Expliquez votre idée.
Cela veut dire qu’il faut des retombées. Que croyez-vous, on accompagne un chef, dès qu’il est au trône, on le laisse tomber et on s’assoit? On veut tirer aussi un profit. Est-ce qu’on peut travailler sans être payé ? Ces militants ce sont fortement impliqués dans cette élection. D’autres ont tout perdu. Après cette guerre, les gens ont tout perdu, certains ont perdu une partie de leurs biens. Aujourd’hui, ils n’ont pas de retour, il n’y a plus rien. Et autour du Président, comme ils le disent, ce ne sont que quelques personnes qui tirent les manchettes de droite à gauche. Les militants veulent ressentir aussi les retombées de ce pouvoir-là. C’est normal !
A vous entendre, c’est comme si le fil du dialogue est rompu entre la direction et la base du Rdr…
Il n’y a pas un véritable dialogue entre le parti et la base. Aujourd’hui, plus de six sur dix militants sont déçus. Quand je dis ‘’déçus’’, je veux dire qu’ils ont déserté le parti. Cela signifie que le dialogue est totalement rompu entre le parti et la base. Comment allons-nous partir aux élections demain, si nous n’allons pas unis, si nous n’allons pas ensemble ? Prenons l’exemple de la France, le Président François Hollande, arrivé au pouvoir depuis trois ans, a vu sa cote de popularité chuter au point où il a perdu les élections municipales. Vous comprenez ? Et vous voulez que cela se répète ici, à Abidjan
? Nous disons «non»! Nous avons choisi un mentor, Alassane Ouattara, qui a annoncé sa candidature à la prochaine élection présidentielle. Qu’est-ce que nous faisons pour le porter à nouveau au perchoir ? Il faut compter d’abord sur son parti, avant de compter sur les autres. Le parti reste la base qui a constitué au premier tour des élections de novembre 2010, les 32% qui ont porté le Président Alassane Ouattara au perchoir. C’est cela notre bataille. Il faut pousser toutes ces personnes à reconstituer ce pourcentage pour qu’à la prochaine élection, le Président Ouattara soit élu et nous le souhaitons au premier tour cette fois-ci. Donc il faut régler les problèmes de nos militants dont nous allons encore solliciter le suffrage.
De quoi avez-vous peur, alors que l’alliance des houphouétistes, dont le Rdr fait partie, soutient la candidature unique pour la réélection du Président Ouattara à la présidentielle de 2015 ?
Il ne faut pas nuancer les choses. Des personnes peuvent parler de candidature unique. Mais le Rhdp ne s’est pas encore prononcé sur cette candidature. Que disent les accords du Rhdp ? Ce sont des partis qui constituent le Rhdp. Le présidium ne s’est pas réuni. Est-ce que c’est le présidium qui a pris cette décision ? Ce n’est pas le présidium, ce sont des personnes qui se baladent de droite à gauche pour dire un certain nombre de choses. Le jour où le présidium du Rhdp se retrouvera, décidera de la candidature unique, choisira un candidat qui sera Alassane Ouattara, là nous serons tous derrière ce présidium pour accompagner le Président Ouattara au perchoir. Mais faites très attention, parce que les accords disent une chose aussi, que chaque parti présente un candidat et ce n’est qu’au deuxième tour que nous choisirons celui qui sera en tête des candidats présentés par chaque parti. Si pour une fois la Côte d’Ivoire part avec une candidature unique décidée par le présidium, ce serait le plus grand bonheur pour notre pays et pour nous autres.
Vous n’avez pas confiance en vos alliés ?
Ecoutez, nous sommes partis à des élections législatives de façon séparée. Pourtant, nous étions alliés. Nous sommes allés aux municipales séparés, mais est-ce le Rhdp n’existait pas? Ce n’est pas à l’élection présidentielle que nous allons partir et puis les autres vont dire : « on va vous accompagner ». C’est trop beau pour être vrai. Faites très attention, je suis un politicien et je sais ce que je vous dis. Je connais les alliés; je sais aussi ce qu’ils préparent.
Qu’est-ce qu’ils préparent ?
Ecoutez, aucun parti n’est conçu pour accompagner son ami. Tous les partis ont été mis en place pour briguer le pouvoir d’Etat. Vous devez retenir cela.
L’élection présidentielle de 2010 a démontré qu’on ne peut pas gagner sans alliance. Qu’est-ce qui explique votre méfiance?
Avant de parler d’alliance, il faut exister d’abord soi-même en tant que parti. Il faut être une force dans le concept. Même dans l’alliance, si vous ne représentez rien, est-ce qu’on peut compter sur vous ? C’est clair, c’est une épreuve de forces, l’alliance. Aucun parti ne peut gagner sans alliance, ce sont des choses qui existent dans le monde entier. Mais il faut que vous-mêmes soyez représentatifs et forts pour gagner le premier tour et après cela, aller à un deuxième tour. Et c’est en ce moment que le jeu des alliances s’impose. Ne nous laissons pas distraire. Nous devons nous ressaisir pour préparer cette élection avec vigilance et vraiment avec l’envie de gagner.
Le recensement général de la population se poursuit plus ou moins bien. Quel est votre regard ?
Je n’ai pas grand-chose à dire sur cette opération. Mais je pense, en tant qu’observateur de la société civile que le mécanisme est mal parti. Dans une telle opération, les élus, les cadres dans chaque région devraient être associés. En général, quand on veut qu’une opération d’une telle envergure atteigne sa cible, le relais sur le terrain ce sont les préfets de régions, les élus et les cadres qui sont en général la courroie de transmission sur le terrain. S’ils n’ont pas été associés au lancement, on va connaître un peu ce type d’échecs. Parce que si on reste dans les bureaux pour recenser des gens et qu’on envoie des agents sur le terrain avec une publicité timide sans qu’il n’y ait un relais à la base, cela va toujours poser problème. En tant qu’observateur de la société civile et ancien député-maire, je pense que c’est comme cela que les choses ce sont toujours présentées, pour que de telles opérations réussissent. Il n’est jamais trop tard pour mieux faire. L’Ins (Institut national de la statistique, Ndlr) devrait associer les élus et les cadres pour que cette opération prenne son envol.
Source: Nord-Sud Quotidien N°2644, Lundi 28 avril 2014