sergesmaguy(Le Jour Plus, 25 octobre 2013) – Actuellement sur les bords de la lagune Ebrié pour des vacances, Serges Alain Maguy a accepté de nous recevoir. Vainqueur de l’unique CAN des séniors avec les Eléphants à Dakar, au Sénégal en 1992, celui qui a fait les beaux jours de l’Africa Sports d’Abidjan s’est confié à nous. Il a aussi abordé sans détours, toutes les questions brûlantes de l’actualité footballistique..

Où vit actuellement Serge Alain Maguy ?

(Sourires). Maguy vit en France. Dans une ville de France appelée Lille, située au Nord du pays, où il fait très froid en tout cas. Je suis à Lille, depuis 2006.

Que faites-vous à Lille ?

Je travaille à la mairie de Lille en tant que fonctionnaire de l’Etat. Je suis également éducateur sportif.

Vous avez donc la nationalité française ?

Non ! Je n’ai pas malheureusement la nationalité française. Mais j’aurais bientôt la nationalité française.

Peut-on savoir pourquoi vous êtes en ce moment à Abidjan ?

Je suis à Abidjan par rapport à mes vacances. Je suis revenu pour une première fois pour le jubilé de Ben Badi (Ndlr : Traoré Abdoulaye). Je n’avais pas bien vu le pays. Maintenant je suis revenu de mon propre chef et je suis heureux de retrouver la famille, mes amis…

Comment se passe vos vacances ivoiriennes ?

Honnêtement, mes vacances se passent bien pour le moment. Parce que je suis bien entouré par la famille, les potes, mes vieilles connaissances etc.

Parlons maintenant de votre carrière de footballeur. Comment avez-vous débuté ?

Je souhaite que vous reteniez tout de même que ma carrière sportive a débuté à Abobo. Après, je suis allé jouer avec l’AS EECI ensuite au Stella club d’Adjamé, puis à l’Africa Sports, à l’Asec Mimosas…En fait, j’ai tourné un peu partout. C’est pour vous dire que c’est trop, trop long à vous expliquer.

Mais que retenez-vous de votre carrière de footballeur avec toutes ces aventures en club que vous venez de citer ?

Ce que je peux retenir, je pense que c’est bien sûr la coupe d’Afrique des nations que j’ai gagné en 1992 à Dakar, au Sénégal. J’avoue que c’était un moment merveilleux, inoubliable et aussi fantastique. C’est donc le plus beau souvenir que j’ai encore dans la tête. Il y a aussi les deux trophées que j’ai donnés à l’Africa Sports. Il faut dire que quand on est sportif, ce sont les trophées, les titres qui valorisent. Donc j’ai pris ce que je pouvais prendre en Côte d’Ivoire.

Vous parlez de trophées qui valorisent le sportif. Alors que vos successeurs tardent à remporter une seconde CAN pour la Côte d’Ivoire malgré tout leur talent et leur argent. Quel est selon vous, le véritable problème de cette génération conduite par son capitaine Didier Drogba ?

Je suis un peu écœuré pour cette génération talentueuse, mais je suis convaincu qu’ils vont remporter la CAN un jour. Je lis un peu dans les journaux ivoiriens que les gens commencent à les blâmer un peu partout. Ce sont des choses qui arrivent. Et nous sommes aussi passés par là avant d’aller gagner enfin cette CAN en 92 à Dakar. Nos anciens, bien avant nous, n’avaient jamais remporté de CAN et puis, voilà qu’un jour, c’est notre génération qui remporte la coupe à Dakar. C’est pour dire qu’il faut laisser du temps encore à cette équipe pour gagner le trophée. J’espère que la prochaine fois sera pour cette équipe qui mérite au moins un trophée afin de procurer de la joie à ce peuple ivoirien.

Donc quel est alors le problème ?

Certainement un problème de groupe, de vestiaire, de solidarité…que je ne lis pas sur les visages de ces joueurs une fois sur le terrain. Parce que tout le monde apprend ce qui se passe au sein de la sélection ivoirienne. Pour moi, s’il y a une solidarité, la Côte d’Ivoire va monter sur le podium à une coupe d’Afrique des nations. J’ai été footballeur et je sais que sans la solidarité, la complémentarité…vous ne pouvez rien gagner. Ecoutez, ces joueurs-là ont le talent, le pognon…il suffit maintenant de bien les encadrer pour les voir triompher un jour. Parce que toutes les équipes ont peur de nous, donc il ne reste simplement qu’a bien les encadrer, les recadrer pour gagner une coupe. Il faut que les dirigeants de la Fédération soient honnêtes vis-à-vis des uns et des autres.

Vous dites honnêtes vis-à-vis des uns et des autres. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Je veux dire, qu’il faut qu’on nous dise réellement ce qui se passe entre les joueurs. Il faut éviter les cachoteries. Les Ivoiriens aiment bien leur équipe nationale et ils ont le droit de savoir des choses au quotidien quand il y a un problème.

Pensez-vous que Sabri Lamouchi est l’homme de la situation pour cette équipe des Eléphants ?

Je vais vous dire une chose. Moi Maguy, j’ai toujours défendu les entraîneurs. Parce que moi, j’ai toujours estimé qu’un entraîneur, un sélectionneur, fait ses trucs à l’entraînement. Ce sont donc les joueurs, eux-mêmes, sur le terrain qui font le travail. Lamouchi, ils l’ont pris, parce qu’il fallait prendre un sélectionneur pour cette équipe. Moi, je ne le connais pas personnellement. Je vais donc vous dire une chose. Qu’on mette Pierre ou Paul, aujourd’hui comme sélectionneur de cette équipe ivoirienne, elle va gagner tout le temps, si elle a envie de gagner bien sûr. Parce qu’il ne sert à rien d’aller chercher un entraîneur cher pour rien. Moi, je pense qu’il faut laisser Lamouchi faire son

boulot pour lequel il est là et on espère qu’il nous ramènera la coupe dans peu de temps.

A la CAN 92 au Sénégal, qu’est ce qui a fait votre force pour remporter le trophée contre le Ghana ?

Je retiens qu’à l’époque, notre génération était très soudée. Et puis la base même de cette équipe à la CAN 92 était constituée à 90 pour cent de joueurs locaux. Je crois qu’il y avait, si je ne me trompe pas, seulement que cinq ou six professionnels dans cette équipe de 92. Et puis, un professionnel qui n’est pas en forme, nous faisons une réunion, et il ne joue pas. C’était clair-là. Je vous dis par exemple qu’il y a des Ivoiriens qui pensent que Youssouf Fofana (NDLR : Ancien de l’Asec Mimosas qui jouait à l’AS Monaco), a joué la finale. Tout comme Oumar Ben Salah. Ces deux là étaient sur le banc des remplaçants. Parce que nous avions estimé à l’époque qu’ils n’étaient pas en forme pour jouer cette finale. On prenait nos responsabilités et le coach Yéo Martial l’approuvait. C’est pour vous dire en fait que nous étions très soudés à la CAN 92. Nous autres là, nous étions certes les plus jeunes, mais on suivait nos grands frères mais nous avions notre mot à dire (Sourires). Au fur et à mesure, on avançait dans la compétition parce qu’on se parlait beaucoup, on se disait les vérités sans heurter les uns et les autres. Parce qu’on avait un capitaine valeureux à l’époque comme Gadji Céli qui était un vrai meneur d’hommes, qui parlait beaucoup avec nous.

Mais la Côte d’Ivoire a gagné la CAN 92 avec l’implication à l’époque de ceux que les gens appelaient les sorciers d’Akradjo (Ndlr : Village de Dabou). Que saviez-vous sur cette affaire ?

Ecoutez ! Je ne peux pas vous dire oui ou non qu’il n’y a pas eu des gens venus de ce village-là à la CAN. Franchement, ils étaient avec nous au Sénégal. Et cela, je ne peux pas vous mentir.

Combien étaient-ils avec vous ?

Euh…Je crois une dizaine hein.

C’est normal selon vous ?

Oui, oui…C’est normal pourquoi pas. Nous sommes quand même africains après tout.

Qu’est-ce qui vous ont donné pour vous transcender ?

Or ! Pas grande chose en tout cas (Rires). Ils ne nous ont pas donné des choses a mangé ou quoi. Mais en bon africain, ils nous ont attaché des trucs bizarres sur les pieds. Et nous, on allait jouer et on gagnait. Mais moi, en ce qui me concerne, j’ai toujours dit que mon football, c’était un don que Dieu m’a donné. Donc, je n’ai jamais compté sur ces genres de trucs pour jouer. Mais que voulez-vous ! On était obligé de les prendre. Parce que si tu refuses de les prendre, alors il y a une décision qui tombe contre toi. Sinon, ils étaient bien avec nous à Dakar. Et j’avoue qu’ils ont fait leur boulot et nous aussi, nous avons fait notre part sur le terrain.

Revenons à ton club l’Africa Sports. Aujourd’hui, le club vert et rouge est en souffrance. Qu’est-ce que vous ressentez ?

Moi, je vais le dire tout de suite. Cela me fait très mal au cœur. Parce que quand je vois un grand club ivoirien comme l’Africa Sports, qui a d’énormes problèmes, aujourd’hui et

qui n’est pas parmi les deux ou les cinq premiers du championnat, ça me choque terriblement. Cela prouve que le football ivoirien a beaucoup régressé, beaucoup baissé…Ce n’est pas normal. Ce n’est pas l’Africa Sports qui doit plonger. Je demande donc aux dirigeants de l’Africa Sports de se mettre ensemble pour obtenir de très bons résultats. Je souhaiterais que les dirigeants de l’Africa Sports appellent autour d’eux les supporters, les anciens joueurs qui sont très nombreux partout à Abidjan…

Cela ne vous tente pas de venir diriger le club ?

(Rires) Non…Je peux apporter ma pierre à l’Africa Sports mais y revenir comme président, donc rester en Côte d’Ivoire. Je peux leur trouver des sponsors, des maillots, des partenaires…pour le club. Je ne suis pas très à l’aise mais, je peux vous confirmer que je me suffis nettement, en tout cas. Ce que je gagne à Lille suffit pour ma famille et moi.

Parlez-nous un peu de ce fameux transfert de Maguy à l’Athletico Madrid, club de Liga espagnol. Ce départ pour une carrière professionnelle qui s’annonçait radieuse pour vous ?

(Il soupir avant de répondre). J’avais déjà parlé de cette affaire de transfert.

Oui mais nos lecteurs veulent en savoir davantage…

Le transfert à l’Athletico Madrid, a bien marché. J’ai fait des essais. Le club espagnol avait tellement besoin de moi que ses dirigeants m’ont aussitôt fait signer mon contrat sans problème.

Ensuite…

Franchement. Moi, je l’ai vu comme vous dans les journaux. Les gens ont parlé d’un montant de transfert de 300 millions de francs CFA ou 320 millions de francs CFA, qui était le transfert le plus cher pour un joueur africain en Europe. En tout cas, les gens ont raconté trop de choses concernant ce transfert.

Et puis, vous êtes revenu brusquement à Abidjan. Pourquoi ?

Il y a eu trop de choses qui se sont passées quand j’ai signé mon contrat. En réalité, le président Zinsou n’était pas dans le coup quand j’ai signé. C’est son frère Vincent Zinsou qui était au-devant parce qu’il était l’Ambassadeur à l’époque, de la Côte d’Ivoire en Espagne. Donc, il ne pouvait pas se mettre devant les négociations, et c’est à son frère Simplice Zinsou, alors président de l’Africa Sports, de gérer tout ça. C’est comme cela que le président Z.S est rentré dans le coup.

Pourtant on a annoncé que c’est parce que Maguy venait faire la bonne vie à Abidjan que les Espagnols ne voulaient plus de lui…

Sur cette affaire de Maguy vient pour faire le show à Abidjan (Ndlr : Faire la bonne vie dans les bars et boîtes de nuit abidjanaise), moi je ne peux pas mentir. Si les gens veulent, je suis prêt à une confrontation avec des journalistes pour dire ma part de vérité concernant cette affaire. Moi, j’ai toujours cela en tête que les Ivoiriens disaient que Maguy venait tous les week-ends à Abidjan pour faire le show. Chacun est libre de dire ce qu’il veut. Mais franchement, j’ai été berné dans mon contrat à l’Athletico Madrid. Et je l’avoue honnêtement. Je n’ai rien eu dans ce transfert. J’ai même un ami intime aujourd’hui, qui a pour patron Yasser (Ndlr : Un ancien dirigeant de l’Africa Sport sous l’ex-président Alain Richard Donwahi) du nom de Maky, que j’ai même fait partir en Espagne pour qu’il voie clair dans ce transfert mais impossible de voir la vérité.

Avec un peu de recul. Qui est au banc des accusés de ce contrat qui a été rompu ?

Sincèrement, j’accuse les frères Zinsou. C’est-à-dire Simplice et Vincent parce que ce sont eux qui m’ont berné. Honnêtement, ils m’ont bien eu à l’époque.

Est-ce que c’est pour cela que, dès que vous êtes revenu d’Espagne, vous avez déposé vos valises chez l’ennemi de l’Africa Sports, l’Asec Mimosas ?

Oui bien sûr. Parce que j’en avais vraiment gros sur le cœur quoi. C’est pour cela que j’ai automatiquement signé à l’Asec Mimosas quand je suis revenu. Surtout que je ne suis pas Asec. Je suis Africa. Ils m’ont fait du mal parce que j’entendais les Ivoiriens dire que Maguy a eu plein d’argent en Espagne et il n’a rien fait avec. Franchement, devant Dieu, je vous dis que je n’ai même pas eu un centime de ce transfert à l’Athletico Madrid. C’est par rapport à ça que j’ai appelé Me Roger Ouégnin et je lui ai dit que je rentre pour venir jouer à l’Asec Mimosas. Sachant que en signant chez le grand rival de l’Africa Sports, j’allais choquer Simplice Zinsou.

Et vous venez à l’Asec Mimosa et après, vous contractez une grave blessure. Là encore, beaucoup de choses ont été racontées. Quelle est votre part de vérité là-dessus ?

Oui, beaucoup de choses ont été dites mais moi Maguy, je mets tout ça sur le compte de Dieu. C’était décidé que Maguy se blesse à cette époque et je me suis blessé. Voilà, c’est tout. Quand bien même les gens ont dit que c’était la sorcellerie. Moi, je ne dirai pas cela. J’ai pris un coup, et je me suis blessé. Le reste, n’est pas important. Cela arrive à tout joueur partout dans le Monde.

Y-a-t-il un dirigeant de club qui vous a marqué à votre époque ?

Oui, bien sûr. Sans hésiter, je citerai le nom du président Simplice Zinsou comme le président de club qui m’a beaucoup marqué. Malgré, quelques brouilles entre nous à cause de mon contrat manqué à l’Athletico Madrid. Il m’a pris comme son fils à l’Africa Sports et puis, vers la fin, il m’a traité comme un bon à rien. Mais ce n’est pas grave, la vie continue et c’est l’essentiel.

Est-ce que vous êtes prêts à venir rendre service à la Fédération si elle vous fait appel ?

Pourquoi pas. La Côte d’Ivoire est mon pays et je suis prêt à servir mon pays à tous les niveaux du football. Mais, je le dis, il faut que les dirigeants de la Fif soient sérieux, soit sincères.

Comment ça ?

Ils peuvent te dire de venir pour faire le boulot et ils vont te payer trois ou quatre mois seulement, et puis après, ça va tempêter entre vous. Maintenant, si pour venir rendre service aux jeunes footballeurs ivoiriens, je suis partant.

Pourquoi pas un centre de formation pour vous-même en Côte d’Ivoire ?

S’il y a un Ivoirien qui veut monter un centre de formation, je suis prêt à travailler avec lui. Un Monsieur comme Yasser mon ami que je connais, depuis 20 ans maintenant, je suis prêt à bosser avec lui. Parce qu’il est sérieux. Parce que pour monter un centre de formation, il ne faut pas être malhonnête après. Car il y a des personnes véreuses qui ouvrent des centres de formation et font croire après aux parents qu’ils vont transférer leurs enfants en Europe, alors que c’est faux. Ce sont des arnaqueurs.

Un mot sur le foot local ivoirien que vous suivez…

Je suis déçu du niveau de jeu du football local. Mais, je pense que c’est l’ancien président de la Fif, Jacques Anouma qui a fait tomber le championnat national. Parce qu’il a misé plus sur l’équipe nationale et délaissé le championnat. C’est pourquoi, les stades sont vides pour venir voir les matchs du championnat. Et c’est triste et dommage.

Serges Alain Maguy est-il marié ?

Oui ! Je suis marié et je suis père d’un enfant, en France. Et j’ai deux enfants actuellement en Côte d’Ivoire.

Interview réalisée par ANDRÉ HABA