Les chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) se retrouvent en capitale camerounaise le 17 mars 2023 dans le cadre de la 15è session ordinaire de l’institution. Rationalisation des Communautés économiques régionales (CER) d’Afrique centrale, réforme du franc CFA, cryptomonnaie, désignation de nouveaux dirigeants ou mise en œuvre du programme de réforme économique et financière; la rencontre s’annonce saturée et houleuse en raison de certains points inscrits dans l’agenda.
Le président centrafricain, Faustin Archange Touadéra, doit prendre les rênes de la Cemac. Il est cependant accusé d’avoir fait allégeance à la Russie et d’installer les mercenaires de Wagner sur le sol et aux frontières centrafricaines. Les dirigeants des six pays de la sous régions devront d’abord s’accorder sur le principe de rotation en vigueur depuis l’abrogation du principe de Fort-Lamy en 2010. Les chefs d’Etat doivent ainsi évaluer la mise en œuvre de ce principe qui veut que les ressortissants des États de la Communauté se succèdent à la tête des organes et des institutions, selon l’ordre alphabétique des noms des pays. En clair, il serait trop tôt d’affirmer que le Centrafricain Faustin Archange Touadera prendra la tête de la Cemac, un Camerounais les rênes de la Cosumaf, ou un Équato-guinéen la présidence de la Commission de la Cemac. Pour mémoire, la nomination du président de la Banque de développement des États de l’Afrique centrale (BDEAC) a été au centre de discorde entre le Cameroun et le Tchad en 2022. Chaque pays clamant en effet que c’était son tour de présider aux destinées de cette banque de développement avant que le poste ne revienne finalement au Camerounais Dieudonné Evou Mekou. précisons qu’au cours de cette session, six postes de nominations sont à pourvoir: Il s’agit notamment du président la Cemac, poste assuré depuis mars 2019 par le président Paul Biya, pour un mandat d’un an ; des six membres du gouvernement de la Cemac, en fonction depuis février 2017 pour un mandat de 5 ans ; du président de la Commission de surveillance du marché financier de l’Afrique centrale (Cosumaf), en poste depuis décembre 2017 pour un mandat de 5 ans.
Réforme du franc CFA et cryptomonnaie
De nombreux économistes et les peuples de l’Afrique centrale estiment aujourd’hui que le bilan du FCFA, 60 ans après les indépendances, exige une réflexion profonde. Beaucoup d’utilisateurs de cette monnaie coloniale pensent qu’il faut se débarrasser d’elle et créer une autre propre aux pays de la zone Franc, capable d’appuyer et soutenir les efforts d’industrialisation. Pour d’autres, il faut simplement engager des réformes en profondeur et passer par des principaux mécanismes de fonctionnement de l’espace monétaire. Un travail y est d’ ailleurs mené depuis quelques années avec à la clé le colloque de Libreville en 2022 dont les propositions contenues dans le rapport ont été transmises à la commission et aux chefs d’État qui devraient aborder le sujet lors de leur 15è session ordinaire à Yaoundé. Il est aussi envisagé que le gouverneur de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac), Abbas Mahamat Tolli, présente le fruit de sa réflexion sur la question.
S’agissant de la cryptomonnaie, la République Centrafricaine avait décidé d’adopter pour usage en avril 2022, le Bitcoin comme monnaie ayant cours légal. Une monnaie numérique qui ne fait pas l’unanimité au sein de la sous région. Le sommet de Yaoundé avancera t-il la réflexion sur le sujet? Une analyse des cryptomonnaies et des possibles conséquences sur les économies de la sous-région seront certainement présentées. Le gouverneur de la Banque des États de l’Afrique Centrale (Beac) estime que cette décision viole les accords de coopération monétaire avec la France ainsi que les textes régissant l’union monétaire et les statuts de la Banque des États de l’Afrique centrale.
Rationalisation et Programme de réforme économique
Sans nul doute que les travaux de Yaoundé essayeront de donner un coup majeur à la mise en œuvre du Pref-Cemac. Les chefs d’État avaient insisté sur la nécessité pour tous les pays de la sous-région de conclure, courant 2021, des programmes de seconde génération et de finaliser les programmes de première génération avec le Fonds monétaire international (FMI) à l’issue de la rencontre extraordinaire du 18 août 2021. Principale mission, l’accélération des réformes structurelles en vue de faire face aux conséquences économiques de la pandémie de Covid-19, aggravées par la guerre en Ukraine. Il faut noter qu’à ce jour, quatre pays seulement sur six ont conclu des programmes avec le FMI conformément aux objectifs du Pref-Cemac. Il s’agit du Gabon, du Cameroun, du Tchad et du Congo. Enfin, les dirigeants de l’Afrique Centrale profiteront du sommet de Yaoundé pour jeter un coup d’oeil sur l’évolution du processus de rationalisation des Communautés économiques régionales ( CER) d’Afrique centrale (Communauté économique des États de l’Afrique centrale – CEEAC -, Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale – Cemac -, et la Communauté économique des pays des Grands Lacs – CEPGL). L’enjeu ici est de mettre sur pied une organisation plus ambitieuse qui viendra répondre de façon plus efficiente aux besoins des populations de l’Afrique Centrale.
Le sommet de ce 17 mars est précédé d’un Conseil des ministres de l’Union monétaire de l’Afrique centrale (Umac) prévu le 15 mars 2023.
Yves Modeste NGUE