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L’Histoire vient de basculer au Burkina Faso. Blaise Compaoré qui a passé près de trois décennies au pouvoir a donc finalement démissionné après avoir été chassé le jeudi 30 octobre 2014 par des manifestations populaires massives. Des milliers de manifestants aux mains nues ont pris le contrôle des différentes institutions du pays et certaines sources indiquent que Compaoré aurait été exfiltré avec femme et enfants vers la Côte D’Ivoire où l’aurait reçu son homologue et complice Alassane Ouattara. Après le printemps arabe qui a sécoué certains pays du Nord de notre continent comme la Tunisie et l’Egypte, c’est donc un harmattan africain qui a balayé le beau Blaise. Curieuse ironie du sort, celui-ci a toujours été le grand pyromane en Afrique de l’Ouest, soutenant un peu partout diverses rébellions sanguinaires avant de jouer hypocritement au pompier comme ce fut le cas en Côte D’Ivoire. Mais Blaise Compaoré chassé du pouvoir par le peuple en colère, le scénario burkinabé devient surtout ce dont ont toujours rêvé les extrémiste et radicaux du FPI. En Côte D’Ivoire, un autre dictateur nargue en effet le peuple depuis 2011 avec le soutien du même Compaoré et surtout celui de la France. Alors question: Est-il possible aujourd’hui d’appliquer la même thérapie de choc à Alassane Ouattara? La réponse est NON et cela pour trois principales raisons.

La première raison est qu’à la différence du Burkina Faso, la Côte D’Ivoire est actuellement sous occupation de diverses Forces étrangères totalement acquises à Ouattara, notamment l’Onuci et la Licorne. Avec la présence de ces Forces, Ouattara  compte aussi sur son armée de rebelles, les Frci, les Dozos, les milices armées et les mercenaires qu’il a financés et qui l’ont aidé à conquérir le pouvoir par les armes le 11 avril 2011. Croire dans ces conditions qu’une manifestation pacifique peut déborder en insurrection et provoquer la chute du tyran d’Abidjan c’est incontestablement conduire les foules à l’abattoir, surtout que les prévisibles massacres n’auraient aucun écho ni aucune suite auprès des décideurs de ce monde comme on l’a déjà vu tout au long des tueries massives qui ont jalonné la crise politico-militaire ivoirienne.

La seconde raison est que nos camarades frondeurs qui prônent un soulèvement populaire pour chasser Ouattara et qui en même temps souhaitent rompre les relations avec la Communauté internationale ignorent qu’aucun soulèvement ne peut actuellement aboutir en Côte D’Ivoire s’il n’est pas au départ soutenu et accompagné d’une certaine manière par cette même communauté internationale. Dans le cas du Burkina Faso, la France, les États-Unis et l’Union Européenne ont d’abord mis en garde Blaise Compaoré contre tout changement de l’article 37 de la Constitution burkinabé pour se maintenir au pouvoir. Blaise Compaoré a fait la sourde oreille et les a même défiés en leur demandant de s’abstenir de toute ingérence dans les affaires intérieures du Burkina Faso. C’est cette même Communauté internationale qui par des déclarations ponctuelles accompagnera tout le processus de normalisation de la situation socio-politique au Burkina Faso et légitimera le nouveau pouvoir qui s’installera pour diriger la transition. Crier donc à longueur de journée GBAGBO OU RIEN, rompre avec la Communauté internationale et rêver de renverser Ouattara par la rue est donc une utopie d’une incroyable inconscience politique.

La troisième raison enfin est que la voie choisie par le FPI pour accéder au pouvoir d’état est la transition pacifique dans les urnes par des élections démocratiques. Les militants du parti et les démocrates ivoiriens ont été éduqués dans ce sens. Ainsi, malgré la colère, les souffrances et l’indignation populaire qui habitent le peuple depuis le 11 avril 2011, toutes les manifestations sont restées pacifiques et l’on n’a jusqu’à ce jour vu aucun manifestant porter une arme ou en faire usage. C’est d’ailleurs dans cette voie qu’il faut demeurer et continuer. Car la meilleure manière pour nous de rester dignes de Laurent Gbagbo, de lui rendre un hommage mérité, c’est de réussir à faire triompher la transition pacifique qu’il nous a enseignée. Nous devons reconquérir dans les urnes ce pouvoir usurpé par Alassane Ouattara et non tomber dans le piège de la violence comme semblent le souhaiter les frondeurs. C’est en cela que la stratégie de la modération, de la retenue et du dialogue choisie par le président Affi reste la meilleure pour nous permettre d’atteindre tous nos objectifs stratégiques. C’est en étant dans le jeu politique, en parlant avec tout le monde au plan national et international, en participant à la CEI et aux élections que nous donnerons un vrai sens à notre combat. Tout autre choix serait une dangereuse aventure pour le FPI, pour le peuple ivoirien et pour la Côte D’Ivoire.

Océane Yacé, Politologue, Monte-Carlo (Monaco)