‘’Il faut rassurer les partenaires financiers de notre pays, qui ont cru à l’imposteur Ouattara’’

Interview de Bernard Doza, journaliste-écrivain – 1ère partie

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Célèbre journaliste-écrivain, Bernard Doza a accepté pour en exclusivité de se confier à le monde d’Abidjan. Le coach à succès de plusieurs chefs d’Etat africain, de son lieu d’exil cogne très très fort en assenant ses vérités sur le pouvoir ivoirien, le FPI et surtout sur la situation de Laurent Gbagbo. 

Bonjour M. DOZA ! Plus de trois ans après son accès au pouvoir d’Etat, Alassane Ouattara reste toujours à la barre en Côte d’Ivoire. Pourtant, bon nombre de personnes y compris vous, ne vendaient pas chère sa peau. Explication.

DOZA : A la place d’un dictateur ordinaire qui fait un coup d’Etat, Alassane Ouattara a reçu, tous les attributs d’un gouverneur colonial. Il a été mandaté par l’impérialisme français, pour organiser dans la violence, la pacification de la Côte d’Ivoire insurgée, pour la mise en place d’un régime néocolonial, contre le gouvernement nationaliste de Laurent Gbagbo.

Que faut-il faire, alors ?

Il faut rassurer les partenaires financiers de notre pays, qui ont cru à l’imposteur Ouattara. En leur disant que rien ne sera remis en cause, en cas de bouleversement politique, en Côte d’Ivoire, sauf que le peuple ivoirien ne veut pas d’Alassane Ouattara, comme « Président de la République », sinon il n’y aura pas de paix durable. Cela veut dire, que le dictateur du nord, n’est pas si indéboulonnable que cela. Car, en Afrique noire, surtout, dans la plantation française de l’indépendance octroyée, nul Président n’est à l’abri, d’une action militaire. Et comme, depuis le 11 avril 2011, il n’y a plus de remise en cause de la gestion néocoloniale, rien n’est impossible. La présence des armées étrangères qui occupent encore la Côte-d’Ivoire, ne signifie rien. Car l’armée française ne protège pas un pouvoir en place, mais elle regarde comment, les intérêts français, sont gérés. Ainsi, dans ce nouveau rapport de force, qui oppose désormais des indigènes ivoiriens, pour la défense d’intérêts français, face à un sous-préfet local provisoire, qui occupe le fauteuil présidentiel, le semblant d’accalmie peut basculer à tout moment, pour un autre choix…

‘‘Le seul candidat du FPI aux présidentielles de 2015, c’est Laurent Gbagbo. Et, il appartiendra à la France de le libérer de la prison impériale, dès qu’il gagne les élections. C’est une opération politique, qui existe déjà, de par le monde (par exemple, en Italie où un membre des brigades rouges condamné pour assassinat, dans l’affaire Aldo Moro, a été libéré lorsqu’il a été élu député dans sa circonscription. Et au Benin, où le milliardaire FAGBOUN, le directeur de la SONACOP, condamné à de lourdes peines pour détournement de fonds, a été gracié dès son élection comme député dans sa circonscription)’’

Le FPI, le parti de Laurent Gbagbo traverse une crise. Le FPI n’est-il pas trop lourd pour Affi ? Ce parti ne souffre-t-il pas de l’absence de son fondateur ? Faut-il tourner la page Gbagbo ? Ce qui se passe est-il normal selon vous ?

Cela est normal, dans tous les partis où des hommes ambitieux, visent une carrière nationale. Mais, la crise au FPI, est un feu allumé par certains cadres, qui ont été convaincus que Gbagbo ne reviendra pas de la HAYE. Et ils sont aidés en cela, par certaines chancelleries occidentales et surtout la France, qui les pousse aux élections pour légitimer le pouvoir d’Alassane Ouattara, qui souffre de manque de reconnaissance, sans la caution électorale du FPI. Le FPI n’est pas lourd pour Affi, qui est un cadre de la gauche. Mais, le FPI qui souffre, de la déportation de son leader historique, peine à tourner la page Gbagbo. Au grand dam de certains cadres du parti, qui voudraient, tenter leur destin politique dans la participation aux élections présidentielles. Mais, le vrai problème qui se pose à eux, vient du fait que, le FPI, n’a pas été créé par toute la gauche ivoirienne au lendemain, d’un congrès constitutif (comme le parti socialiste français qui a été lancé, après le congrès de toute la gauche réunie, à Epinay en 1969).

Le FPI, c’est le parti créé par Laurent Gbagbo et Simone, sur la base de leurs convictions. Or, Laurent Gbagbo et Simone ont été arrêtés en avril 2011, l’un déporté à la HAYE et l’autre dans le goulag du nord, sur ordre de la France de Sarkozy. Dès cet instant, le FPI devient le seul instrument légal, pour organiser leur retour en Côte D’ivoire, par le vote du peuple ivoirien, c’est-à-dire par les élections. Voilà pourquoi, le seul candidat du FPI aux présidentielles de 2015, c’est Laurent Gbagbo. Et, il appartiendra à la France de le libérer de la prison impériale, dès qu’il gagne les élections. C’est une opération politique, qui existe déjà, de par le monde (par exemple, en Italie où un membre des brigades rouges condamné pour assassinat, dans l’affaire Aldo Moro, a été libéré lorsqu’il a été élu député dans sa circonscription. Et au Benin, où le milliardaire FAGBOUN, le directeur de la SONACOP, condamné à de lourdes peines pour détournement de fonds, a été gracié dès son élection comme député dans sa circonscription). Sinon, aucun candidat du FPI n’ira, aux élections présidentielles de 2015, pour légitimer Alassane Ouattara, le tribaliste président du nord, qui a financé la rébellion depuis 2002, pour empêcher Gbagbo de gouverner.

Aujourd’hui, pour bon nombre d’Ivoiriens surtout les patriotes et les démocrates, le FPI n’appartient plus à Gbagbo et à Simone, il est devenu un instrument national, voire panafricain. D’aucuns disent donc que le FPI doit s’affranchir de ses membres fondateurs, s’il veut vivre. Votre avis ?

C’est vrai, je connais les textes démocratiques qui régissent le FPI. Où il est écrit : qu’un Leader, n’est présenté par le parti, que deux fois seulement aux élections présidentielles, et après il doit céder la place. Ce qui n’est pas le cas, au PDCI encore moins au RDR, qui sont des partis antidémocratiques. Mais, cette fois, en dehors de l’application de la démocratie interne, il faut d’abord sortir Laurent Gbagbo de la prison. Où l’impérialisme français et la bourgeoisie ivoirienne du RHDP l’ont enfermé, pour avoir créé en novembre 1988, le FPI socialiste, dans le but de menacer leurs intérêts en Côte d’Ivoire. C’est cela, le véritable débat, qui traumatise notre pays, au-delà des clivages politiques: Est-ce que, la France et les bourgeois du RHDP, seraient encore capables de maintenir Laurent Gbagbo à la HAYE, si en tant que candidat du FPI (sans la fraude, qui risque d’être organisée par le RHDP)il est élu, par le plébiscite du peuple ivoirien, aux élections de 2015, contre Alassane Ouattara ? Puisqu’il est question de savoir, qui a réellement gagné les élections de novembre 2010. C’est la question fondamentale de l’élection de 2015 qui sera référendaire.

M. DOZA. Vous avez, plusieurs fois dit que vous n’êtes pas membre du FPI. Et pourtant, vous parlez aujourd’hui de la position que doit prendre le parti, avant le prochain congrès prévu par la médiation pour trancher le conflit interne.

Pour ceux qui ne le savent pas encore, je rappelle, que depuis le 03 juin 1984, je suis le chargé de la presse et membre fondateur du Mouvement Ivoirien pour les Droits Démocratiques (MIDD). Le MIDD, c’est l’ancêtre du FPI qui a vécu jusqu’en septembre 1990 au congrès de Toulouse, lorsque nous étions dans la clandestinité contre le parti unique de Félix Houphouët-Boigny. Et par conséquent, personne ne peut organiser un coup d’Etat au FPI, au profit de la droite (c’est-à-dire du RHDP) et des intérêts français, sans me trouver en face. Surtout, en l’absence de Laurent et de Simone Gbagbo, enfermés dans les geôles du pouvoir français. Et je dis, tant que Laurent Gbagbo sera dans la prison coloniale de la HAYE, il est le candidat naturel du FPI aux présidentielles contre Alassane Ouattara. Et, s’il est élu massivement, par le peuple ivoirien, comme le nouveau : « Président de Côte d’Ivoire», en novembre 2015, il sortira de la Haye automatiquement.

Car, aucune juridiction crédible, ne peut garder un élu du peuple, grandement plébiscité, en prison…Et au FPI, celui qui ne voudra pas de cette position, ira créer son propre parti, pour aller aux élections, contre Alassane Ouattara.

‘‘Puisqu’il est question de savoir, qui a réellement gagné les élections de novembre 2010. C’est la question fondamentale de l’élection de 2015 qui sera référendaire’’ 

Parlons véritablement de la situation de Gbagbo à la CPI. A quelles autres conditions, que celle vous venez d’indiquer, Gbagbo peut-il être libéré ?

La situation de Gbagbo à la CPI, c’est d’abord, un drame politique ivoirien. Car, la déportation vers une prison coloniale (d’un président, élu en novembre 2010 et qui a prêté serment devant le président de la cour constitutionnelle) pour crime contre l’humanité, est un dangereux précédent dans l’histoire de notre pays, où les crimes de la dictature qui sont légion, depuis 1960, n’ont jamais eu, un début de condamnation verbale. Voilà pourquoi la réaction de la gauche militaire, risque d’être imprévisible, dans les temps qui viennent… Donc, la question de la libération de Gbagbo, reste suspendue, aux lèvres de ceux qui veulent une véritable paix, pour la Côte d’Ivoire et l’Afrique.

Que voulez-vous dire, par la réaction de la gauche militaire ? Est-ce un coup d’état ? Et comment l’armée peut-être de la gauche ou de la droite ?

Non, la gauche militaire ne fera jamais un coup d’Etat. Elle va libérer notre pays, de l’occupation militaire étrangère. Dès l’an 2000, des militaires, ont quitté notre armée nationale, pour aller au Burkina Faso, s’entrainer au profit du RHDP, qui est la droite. Ils ont créé, les Forces armées des Forces Nouvelles(FAFN), qui ont fait la « révolution orange ». C’est donc normal, qu’une autre armée, s’entraine au profit de la gauche nationaliste (pour faire la révolution anti coloniale) en vue de rétablir l’équilibre des forces en présence, avant d’aller vers la réconciliation nationale.

Que pensez-vous, de l’entrée du FPI à la CEI ?

L’entrée du FPI à la CEI, recadre l’équilibre des forces d’observations, donc de proposition de résultats électoraux partiels, au président du conseil constitutionnel. Mais l’entrée à la CEI, ne veut pas dire que le FPI, va aux élections avec un autre candidat, en laissant Laurent Gbagbo sur le bord du chemin, dans une course vers le pouvoir politique, qui sert des ambitions personnelles et néocoloniales.

Interview réalisée par Laurent Okoué

laureake@hotmail.com

Source : Le Monde n°146 du lundi 1er septembre 2014