(Le Patriote, 30 septembre 2013) – Ancienne présentatrice du journal télévisé de 20h sur la RTI (Radiodiffusion Télévision Ivoirienne) Awa Ehoura a disparu du petit écran, depuis la fin de la crise postélectorale en 2011. Certes, la journaliste a été remerciée par la direction générale de la RTI, mais elle n’était pas non plus au mieux de sa forme. Dans cet entretien, Awa Ehoura parle avec son cœur. De sa maladie à la rumeur la donnant pour morte récemment, en passant par l’émission « Raison d’Etat » sur la RTI qu’elle a présentée pendant les heures chaudes de la crise postélectorale, ses relations avec l’ancien président Laurent Gbagbo, ses difficultés pour joindre les deux bouts…Awa Ehoura se livre sans tabou et demande pardon aux Ivoiriens, pour tout ce qu’on lui reproche. Exclusif !
Le Patriote : Il y a quelques jours, la rumeur vous a annoncé pour morte. Comment avez-vous accueilli cette triste nouvelle ?
Awa Ehoura : J’ai accueilli cette nouvelle avec beaucoup de gravité, mais aussi avec beaucoup d’amusement, parce que je trouve que tout ce qui est rumeur, c’est tellement méchant, gratuitement méchant, que les personnes qui sont auteurs de ces choses-là manquent d’humanisme. Parce qu’un être humain ne se lève pas pour concevoir dans sa tête, et annoncer la mort de quelqu’un alors qu’il ne connaît pas la personne, qu’il ne l’a pas vue et que ce n’est pas vrai.
LP : Comment l’avez-vous apprise ?
AE : C’était dans la nuit du mercredi à jeudi dernier, aux environs de 4 heures et demi du matin. Evidemment, loin de me douter de cette nouvelle, je dormais à poings fermés. C’est mon fils, qui vit à l’étranger, qui a vu cela sur Facebook et m’a alertée. Il a dit que durant toute la journée du mercredi, il avait essayé de me joindre ainsi qu’un membre de la famille, sans succès. Bizarrement, aucun réseau ne passait. Donc, le pauvre, il était mort d’inquiétude jusqu’à ce qu’il parvienne enfin à me joindre jeudi à 4 heures du matin. Je l’ai rassuré qu’il n’en était rien. Mais je savais que compte tenu de l’heure, il n’était pas très réconforté. Il a donc fallu, très tôt dans la journée du jeudi, le rappeler encore pour l’apaiser. Je lui ai d’ailleurs passé d’autres membres de la famille qui lui ont confirmé la fausseté de la nouvelle. Voici donc comment j’ai appris la nouvelle de ma propre mort. A part mon fils, il y a eu, comme vous pouvez l’imaginer, beaucoup d’autres personnes qui ont appelé, d’ici même en Côte d’Ivoire, mais aussi d’Afrique, d’Europe, d’Amérique, etc. Beaucoup d’entre eux pleuraient et ne comprenaient pas comment cela avait pu être possible que des gens aient poussé la méchanceté jusqu’à ce point. Ces coups de fil se sont poursuivis sur pratiquement trois ou quatre jours, malgré les démentis que j’ai pu faire, à travers la presse notamment. Mais je crois que cette vague d’inquiétude m’a permis de comprendre, si besoin en était, que les gens m’aimaient, qu’ils ne m’avaient pas oubliée, qu’ils priaient pour moi, qu’ils me soutenaient et que l’idée de ma disparition leur était insoutenable. Et j’ai béni le nom de Dieu, parce que je me suis dit que si toutes ces personnes-là prient pour moi, Dieu me fait grâce, il ne peut pas me laisser mourir. Et aujourd’hui, je suis bien contente de dire que je suis vivante, je ne suis pas morte. Je vais mieux, Dieu merci. Tout va très bien.
LP : Avez-vous cherché à savoir d’où est partie cette rumeur ?
AE : Oui, l’information a été remontée et il paraît que c’est le site «lementor.net » qui a émis en premier cette information, qui a été reprise en boucle par tous les réseaux sociaux. Et je crois que 24 heures après, ce site a fait un démenti. Même si c’était au conditionnel. Si celui-là même qui a menti dit : « on a menti, elle serait en vie», je crois que c’est une grande victoire. Parce que si le site en question reconnaît que l’info n’est plus crédible, cela me réconforte et je dis Dieu merci.
LP : On a aussi dit beaucoup de choses sur votre santé. De quoi souffre exactement Awa Ahoura ?
AE : Avant la crise postélectorale, personne ne se doutait que je souffrais d’une maladie comme le diabète. Je souffre du diabète depuis 1998, mais j’avais les moyens d’acheter mes médicaments, j’avais les moyens de suivre mon régime alimentaire, qui demande beaucoup d’argent et donc j’arrivais à vivre avec cette maladie. Vous savez, cette maladie, on vit avec elle, quand Dieu ne vous fait pas la grâce de vous en guérir. Mais pour vivre avec elle, il faut avoir les moyens. Or j’ai manqué d’argent pendant huit mois pour acheter mes médicaments, pour manger comme il le fallait, pour être dans un environnement paisible, parce que la contrariété aussi aggrave le diabète, surtout que je ne suis plus très jeune par ailleurs. Cela a donc entraîné des complications. Vous savez que le diabète peut entrainer l’insuffisance rénale, l’arrêt cardiaque, l’hypertension artérielle, etc. Vous pouvez aussi être paralysé, être complètement gaga, parce que votre équilibre prend un coup ou même aveugle. Je souffrais donc de ces complications. Le diabète s’est emballé et il fallait le réguler pour être équilibré. Je suis entrée également dans les complications de la vue, un œil avait été dit perdu par la médecine des hommes. J’étais paralysée, je ne marchais plus. Donc, vous voyez que tout cela ensemble, ça fait quand même beaucoup pour une seule personne. Vu encore le caractère difficile de la crise postélectorale où tout le monde répandait la rumeur qu’on me tuerait demain, qu’on me rechercherait, qu’on mettrait en prison tous les pro-Gbagbo, tous ceux qui étaient supposés avoir travaillé pour lui, tous ceux qui avaient fait des émissions « Raisons d’Etat », etc.. Vous comprenez que je ne pouvais pas être dans un état d’esprit qui favorise la guérison.
LP: Aujourd’hui, comment va Awa Ehoura ?
AE : Aujourd’hui, par la grâce du Seigneur Jésus Christ, je vais bien. Je vais bien par sa grâce, parce que c’est lui d’abord qui a touché le cœur de millions de gens pour prendre soin de moi, pour me faire parvenir des sous, pour m’envoyer des médicaments. Vous savez, dans la prise en charge de ma maladie, il y a eu un médicament, qui est le médicament essentiel, qui coûte 72.000 FCFA. Quand on ne le trouve pas, l’autre boîte coûte 140.000 FCFA et pendant un mois, il m’en faut une et demie. Ça, c’est un seul médicament, alors que j’en prends par jour, matin et soir. Vous comprenez que c’est une prise en charge tellement énorme pour quelqu’un qui a été licencié, qui a tout perdu, qui se retrouve sans maison, sans rien. Même aujourd’hui, je n’habite pas chez moi. Je n’ai pas de chez moi, je n’ai plus rien. Je n’ai pas d’argent, je suis licenciée. Je me lève chaque jour avec la grâce de Dieu. Sans savoir ce que je vais manger le lendemain. Je me confie essentiellement à la grâce du Seigneur. Et c’est lui qui touche le cœur des gens en Europe, en Amérique, en Côte d’Ivoire pour qu’ils me donnent le nécessaire. Et cela par mois et même fréquemment. Je reçois souvent des coups de fil de personnes qui ne veulent même pas que je sache qui elles sont, des personnes anonymes, mais qui m’envoient de l’argent. Il y a aussi les autorités de ce pays, qui m’ont soigné pendant un mois à la PISAM. Ce sont elles qui ont permis au diabète d’être rattrapé, de ne plus être emballé et de situer le diagnostic. C’est à partir de là maintenant que j’ai eu tous les médicaments. Un mois à la PISAM, c’est énorme comme une prise en charge, surtout dans mon cas. J’ai eu toutes sortes de médecins. Ça a été une prise en charge totale et parfaite. Donc je leur dis merci. Ensuite, le ministre d’Etat, chargé des Affaires présidentielles (Téné Birahima Ouattara, ndlr) a demandé qu’on prenne soin de moi, qu’on paie les soins pour mes yeux qui coûtaient très chers. Mais en plus de lui, il y a de l’argent qui venait. Donc, vraiment, que ce soit ces autorités-là, les bénévoles, les personnalités, même de l’autre bord à savoir les pro-Gbagbo, personne ne m’a abandonnée. Et moi qui suis chrétienne, je suis obligée de reconnaître cela. Je ne peux pas le garder. Il y a des enfants qui m’appellent : «Tantie, on n’a rien, mais on va vous envoyer 100 F d’unité ». Est-ce que vous imaginez la charge émotive d’un tel appel téléphonique ? Un enfant qui me donne 100 FCFA, un enfant qui me donne 200 FCFA, et je pense que c’est cet amour que Dieu a voulu me révéler au travers de cette situation. C’est vrai qu’il y a eu la guerre, c’est vrai qu’il y a eu des choses qui ont été dites, il y a eu des choses qui m’ont été reprochées, mais je sais qu’au fond, des Ivoiriens m’aiment beaucoup. Ils ont beaucoup d’affection pour moi. La preuve, je n’ai pas quitté ce pays, mais on ne m’a jamais menacé de mort. Je sais que les Ivoiriens m’aiment, c’est vrai que certains se sont trouvés vraiment blessés par ce que j’ai fait, c’est normal. L’être humain est fait de sentiments. Donc, peut-être que j’ai heurté certains. Mais quand j’ai demandé pardon à la télé, c’était vraiment avec sincérité.
LP : Avec le recul, pensez-vous avoir mal agi ?
AE : Ai-je vraiment pensé avoir mal agi ? Je dirai non. Parce que quand je le faisais, je ne pensais pas mal faire. Et je le répète encore, c’est le ministre Sy Savané qui a trouvé la meilleure expression : « se trouver au mauvais moment, au mauvais endroit ». Parce que quand vous me dites est-ce que j’ai pensé avoir mal agi, ça veut dire que je regarde les faits et puis je reconnais que j’ai fait exprès de faire ça. Non, je n’ai pas fait exprès de faire ce qu’on me reproche. D’ailleurs, on ne m’a pas encore vraiment dit ce qu’on me reproche. On m’a tout juste dit que je faisais une émission. Mais tout ça, je l’ai accepté. Quand j’ai demandé pardon à la télé, c’était sincère. C’est parce qu’on ne m’a pas donné le temps d’aller en profondeur de ce que je disais. Sinon, c’était vrai. Parce que quand tu blesses quelqu’un qu’il te dit : « tu m’as blessé », la moindre des choses, c’est de lui demander d’abord pardon avant de discuter ou de chercher à se justifier. Moi, c’est comme ça qu’on m’a élevée, avec cette capacité d’assumer ce que je fais, ce qu’on me reproche et de faire mieux la prochaine fois. Sinon, je ne pense pas que servir un pouvoir public, c’est être militant. Même dans l’épreuve, je ne reconnais pas cela. Servir le pouvoir public n’est pas faire du militantisme. Parce qu’aujourd’hui ceux qui sont là, c’est la même chose qu’ils font pour le Président Alassane Ouattara. Demain, si le pouvoir change, est-ce qu’on arrêtera tout ce monde parce qu’ils ont servi le président Alassane Ouattara ? On demeure Ivoirien. La RTI et les organes de communication qui ne sont pas privés appartiennent à la Côte d’Ivoire.
LP : Vous estimez donc avoir fait votre travail, avoir servi la Côte d’Ivoire ?
AE : Ecoutez, je crois que c’est une question d’opinion. Est-ce que parce que j’ai fait cette émission-là, ça devrait effacer tout ce que j’ai fait pour le pays ? Dans tous les cas, je puis le dire ici, si l’occasion m’en était donnée, je rattraperais ce que j’ai mal fait. Ce que je demande et que je veux que les Ivoiriens retiennent, c’est qu’on oublie toutes ces blessures. Parce que j’estime qu’il y a un temps pour tout. Un temps pour être fâché, un temps pour faire la paix. Je crois que c’est vraiment le temps de faire la paix. Donc je pense que ce serait bien que nos autorités fassent table rase de tout et qu’elles pardonnent et que main dans la main, on se mette à travailler pour la Côte d’Ivoire. Moi je ne sais faire que de la télé. Du coup, sans télé, je me trouve désœuvrée. La télé, c’est ma passion.
Lp : visiblement, elle vous manque beaucoup, la télé…
AE : Elle me manque beaucoup. Parce que quand j’ai quitté l’enseignement après 10 années d’engagement, c’était pour faire de la télé. Et je crois avoir donné le meilleur de moi-même. Et c’est pour ça, aujourd’hui encore, je le redis, si les Ivoiriens se sont sentis blessés par ce que j’ai fait, je leur demande pardon. Mais je leur dis aussi, en touchant vraiment mon cœur, que je pensais faire mon travail. Je ne pensais pas être en train de faire de la rébellion. Sinon je ne l’aurais pas fait. Moi, je ne suis pas belliqueuse, je ne suis pas politicienne. La preuve, on ne m’a jamais nommée nulle part si ce n’est au poste de conseiller à la présidence. D’ailleurs, si je n’ai pas mis du temps à ce poste et qu’on m’a rapidement virée, c’est parce que je ne sais pas faire la politique. Je le répète, quand la colère est passée, il faut qu’on regarde les choses froidement. Tout n’est pas forcément noir. Tout n’est pas forcément blanc. Vivement, qu’on fasse la paix. Et qu’on construise la Côte d’Ivoire, main dans la main.
LP : Votre licenciement à la télé, pensez-vous qu’il est abusif ?
AE : Vous savez, je ne suis pas très calée en droit. Licenciement abusif, je pencherai plutôt pour « licenciement méchant », parce que moi, les kalachnikovs ont été pointés sur moi, le jour où j’étais à la télé. C’était des jeunes Ivoiriens qui m’ont dit : « Madame, vous nous avez fait du mal quand on était à Abobo ». Je leur ai alors expliqué pourquoi je ne leur avais pas fait du mal. Au bout de 5 minutes, ils avaient compris. Je leur ai dit qu’il y avait une situation et je me trouvais là où je devais faire mon travail. Je leur ai rappelé que Brou Amessan m’avait suspendue 8 mois de l’antenne, alors qu’on pensait que je suis pro-Gbagbo, mais personne à l’époque n’a levé le petit doigt en Côte d’Ivoire. Cela m’a coûté près d’un million de perte en revenu et quand on me rappelle 8 mois après pour travailler, comment voulez-vous que je refuse, moi qui ai des enfants, de la famille ? Quand je reviens travailler et qu’on me dit : fais une émission, croyez-vous que j’ai les moyens de refuser ? C’est comme ça que je me suis retrouvée là. Sinon, je n’ai pas désiré faire d’émission. Moi, je faisais mon 20 h et je partais à la maison. C’est tout ce que je faisais. Voilà ce qui s’est passé dans la réalité. Sinon, je n’étais pas en train de combattre, personne ne m’a donnée des instructions pour combattre. Personne ne m’a envoyée faire campagne pour Gbagbo. On ne me connait dans aucun parti. On ne me connait dans aucune réunion de militants. Je ne sais pas d’où vient cette étiquette-là. En fait, j’étais étonnée de tout ce qui m’arrivait. Et c’est tout ce stress-là qui a fait craquer les vaisseaux sanguins de mes yeux. Quand on te dit : «les rebelles disent qu’ils vont te tuer », tu vis dans l’angoisse de cette perspective-là. Et il suffit qu’on frappe à la porte de la petite maison où tu es terrée, pour que tu te caches sous le lit. C’est ce que j’ai enduré pendant près d’un an, et ce n’était pas vivable. Je le dis encore une fois, on est peut-être fâché, mais à un moment, il faut regarder les choses froidement et faire la paix. Si je suis encore bonne pour l’emploi, donnez-moi du travail.
LP : Est-ce à dire que vous voulez retourner à la télé…
AE : Mais oui, la télé me manque. Je le dis haut et fort. Je ne suis pas en train de négocier, parce que j’ai la compétence pour cela et je pense que je peux encore faire de la télé. Je ne demande pas pardon, c’est mon boulot. Je n’ai pas de carte de politiciens. Vous savez, j’ai été aveugle, je n’ai pas vu pendant un an et demi. J’ai été paralysée, je ne marchais pas. Aujourd’hui, je vous parle, j’ai de l’énergie et je vous dis que j’ai envie de faire de la télé. Je bénis le Seigneur parce qu’il m’a formé dans cette épreuve, il a raffermi ma foi.
LP : Awa Ehoura, vous l’avez dit tantôt, vous avez été la conseillère de l’ancien président Laurent Gbagbo. On vous a prêté une relation extra-professionnelle avec lui. Qu’en est-il ?
AE : Cette histoire, je ne sais quand elle va finir. J’ai dit à un de vos confrères qu’il faut être sérieux. Cet homme (Gbagbo, ndlr) est le seul dans cette nation qui m’a fait l’honneur de m’appeler à ce haut poste. Je suis allée avec mes faiblesses, parce que je ne suis pas politicienne. Je lui ai dit que la seule condition pour accepter ce poste, c’est qu’il soit mon seul interlocuteur, parce que j’avais peur des intrigues de palais. Ce que je voulais me borner à faire, c’était des conseils en communication. J’ai donc souhaité n’avoir de compte à rendre qu’à lui seul. C’est sur cet accord que je suis allée travailler. Malgré cela, les choses se sont compliquées. Les peaux de banane se sont multipliées, les rumeurs aussi. Mais quand vous êtes conseiller de quelqu’un, vous ne vous mettez pas à 10 kilomètres de lui. Il y a toujours une proximité. Vous mangez souvent avec lui. Vous bavardez avec lui. Il y a des moments où vous êtes à deux. Donc quand c’est comme ça, des circonstances peuvent parfois sembler des preuves, mais les preuves ne sont pas la vérité.
LP : Mais vous étiez un peu trop proche de lui…
AE : Oui très proche, je l’avoue. Parce qu’on a des points communs. Il est chercheur en Histoire-Géographie. Moi, je suis professeur d’Histoire-Géographie. Donc sur le plan universitaire, il y a des endroits où on se retrouvait. C’est un féru de culture. On parlait souvent à deux, parce que j’avais en tête avec lui de faire une émission qui montrerait son autre facette d’homme de culture. Il avait même demandé à Tiburce Koffi de me donner tous les livres qu’il avait écrits. Donc je travaillais là-dessus. Cela faisait qu’on avait beaucoup de moments d’aparté ensemble. Mais quand on déjeunait ensemble, il y avait toujours au moins 15, 20 personnes. Même si on dit qu’il est un personnage sulfureux, ce n’est pas au cours du déjeuner qu’il va me sauter dessus. Ce n’est pas dans le jardin de sa résidence où son épouse peut venir à tout moment qu’il va me sauter dessus, encore moins dans une de ses chambres. D’ailleurs, Il me disait souvent : « Jeune fille, vous êtes belle, vous êtes brillante, vous êtes à côté de moi. On ne vous fera jamais de cadeau». Quand je pleurnichais à cause des ragots, il me disait : « Il faut avoir le moral ». Ce monsieur a été très bon pour moi. Il a été tellement bon pour moi que je souhaite du fond du c?ur que cette rumeur-là s’arrête.
Lp : Vous voulez retourner à la télé, mais si cela ne se faisait pas, que voudriez-vous faire d’autre?
AE : Aujourd’hui, mon grand désir, c’est certainement de faire une très grande ferme où je pourrais subvenir à mes besoins, aux besoins de mes enfants et faire l’œuvre de Dieu. Parce que si je ne peux pas faire de la télé, je ne sais pas ce que je ferai. J’ai peut-être envie de faire de la radio, pour son caractère intime. C’est une expérience que je voudrais ajouter à mon arc. Ou alors me donner une possibilité de créer une télé sur le net. Mais vraiment j’ai besoin de moyens et qu’on m’offre des opportunités. Aujourd’hui, je n’ai pas de maison, là, je vous reçois sur le site de l’église, c’est-à-dire que je vis quelque part où je ne peux même pas vous inviter. Parce qu’il n’y a même pas de salon pour vous recevoir. Donc j’ai besoin d’une maison et ça c’est vraiment urgent. Mon second fils vit avec moi. Le plus grand est à l’étranger. Il faut qu’il commence à penser peut-être à rentrer. Mais, il va entrer dans quelles conditions. Il faut donc que j’ai un toit ?
L.P : Il semble que vous étiez folle amoureuse de Ful ?
AE : Ah oui. Je l’ai rencontré quand j’avais 14 ou 15 ans. J’étais folle amoureuse de lui. Il me trouvait brillante et m’appelait pour l’aider à préparer ses émissions. Je faisais tout pour qu’il me remarque, mais il faisait comme s’il ne me voyait pas au point où quand j’étais étudiante, je me suis plaint auprès de lui. Il m’a dit : « Je préfère t’avoir comme amie, plutôt que de sortir avec toi, et ne plus te parler six mois après ». Depuis cet instant, je l’ai pris comme mon grand-frère. Et il est mort quand je donnais naissance à mon premier fils. J’aurai bien voulu, mais ça ne s’est pas fait.
LP : Et Kader N’dao, êtes-vous toujours en contact ?
AE : Non, parce que souvent, je n’ai pas beaucoup d’argent. Il m’a appelé, il a fait un geste, et ça m’a touché.
L.P : Qu’est-ce qui n’a pas marché entre vous ?
AE : Oh, on retourne quand même dans les années 95-96. C’était l’année de gloire de Kader N’dao qui était, je crois, au firmament de sa carrière. Et donc, il y avait beaucoup de femmes qui lui courraient après. Moi, j’avoue que je ne sais pas ce qui n’a pas marché chez lui vis-à-vis de moi. Mais, de mon côté, je le trouvais assez indécis. Je ne sentais pas que c’était moi la femme de sa vie et qu’il était prêt à tout faire pour moi et encore moins me demander en mariage. On se s’est rien dit et notre relation s’est défaite comme ça. On s’est simplement perdus de vie. C’était une brève, mais très belle histoire.
LP : Et en ce moment, êtes-vous seule ou avec quelqu’un ?
AE : Je suis seule. Je suis divorcée. Et puis en tant que chrétienne, tant que je n’ai pas quelqu’un qui vient vers moi, je n’ai pas le droit d’avoir de relations avec des hommes, je n’ai pas le droit d’avoir des relations hors mariage. Il faut que je sois remariée correctement avec une nouvelle dot, une nouvelle cérémonie de mariage à la mairie, à l’église. J’ai deux enfants, le premier a 24 ans et le dernier a 11 ans.
Réalisée par Y. Sangaré