Sa lettre de vérité au président Ouattara
Dans une lettre ouverte au ton incisif adressée au chef de l’Etat, le président Alassane Ouattara, et dont copie nous est parvenue hier, l’écrivain et dramaturge Tiburce Koffi dénonce l’implication de sa famille dans ses prises de position politique. Ci-dessous de larges extraits de cette lettre.
Appel de Daoukro : Lettre ouverte de Tiburce Koffi A Son Excellence Monsieur le Président Alassane Ouattara
Je voudrais vous le dire franchement, Son Excellence Monsieur le président de la République de Côte d’Ivoire, mon pays : j’aurais voulu m’éviter cette triple peine, au sens physique, intellectuel et moral, de vous adresser ce courrier qui plus, est offert à la curiosité du public. (…) J’aurais vraiment voulu que les choses se passent autrement cette fois-ci, entre une haute personnalité de mon pays et moi ; surtout entre vous et moi. Et vous savez pourquoi, M le président.
Permettez cependant que je ne révèle pas cela aux Ivoiriens : dans l’éthique du relationnel, il n’est pas nécessaire de tout ‘‘déballer’’ sur la place publique dès qu’apparaissent des désaccords, aussi profonds soient-ils. Au contraire : parce qu’il y a toujours place pour le dialogue entre ceux qui sont dotés d’intelligence, parce que rien n’est impossible entre des être humains raisonnables et éduqués à des valeurs éthiques et spirituelles immuables, je reste convaincu que la route n’est pas totalement fermée – elle ne peut même l’être – entre vous et moi.
Vous savez très bien ce qui m’amène à vous, ce matin ; l’opinion ivoirienne, de même : les effets de ce qu’il est désormais convenu d’appeler «L’Appel de Daoukro.» Pour avoir dit «Non» à cet énigmatique appel lancé, non pas par le chef de l’Etat ivoirien que vous êtes, ni par aucune structure administrative de nature étatique, mais par Henri Konan Bédié, «un fils de l’Iffou» (c’est comme cela qu’il a signé cet appel), vous avez jugé bon de me limoger de mon poste.
Soyez-en sûr, SEM le président, je n’en fais pas un malheur. Et vous savez bien pourquoi : Jamais je n’ai sollicité ce poste. C’est bien plutôt vous qui aviez envoyé un de vos ministres me demander d’accepter d’aller redresser l’Insaac alors en chute libre. Et vous savez le sacrifice que j’ai fait en acceptant ce poste qui ne m’apportait vraiment rien, ni au plan financier, ni au plan de mon cursus administratif, ni même intellectuellement. Je l’ai fait par respect pour vous et en toute conscience citoyenne : accepter de servir partout où mon pays a besoin de moi. Le président Houphouët-Boigny nous a dit : On peut servir à tous les postes ; pourvu qu’on y mette du sien. Et c’est ce que j’ai fait, SEM le président, sans attendre aucune retombée pécuniaire que ce soit, des efforts que j’ai investis à l’Insaac. Vous avez eu des échos de ce travail.
SEM le président, souvenez-vous des conditions de ma nomination : c’est vous qui avez demandé que je renonce à aller professer aux Usa, et que je reste ici, en Côte d’Ivoire, pour servir le pays. C’est encore vous qui avez dit ceci, quand on vous a informé que j’y allais pour être près de ma famille et surtout, pour m’occuper de ma fille, étudiante : Dites à Tiburce Koffi que je prendrai en charge les études de sa fille. Pour le moment, j’ai besoin de lui, à l’Insaac. Alors, j’ai obtempéré. SEM le Président, c’est avec beaucoup de peine que je rappelle tout cela, et que je porte aujourd’hui ces choses, qui devaient rester confidentielles, à la connaissance du public.
Pour mon malheur aussi bien que pour mon bonheur, je suis, comme vous, un personnage public. A la fois détesté et aimé, vilipendé et loué, offensé et honoré, souvent jalousé, je porte sur moi le destin tourmenté de tous ceux à qui, comme vous et moi, Dieu a donné le lourd privilège de sortir de l’anonymat. Vous comprenez donc que je sois attentif et sensible à tout ce qui touche à mon vécu social quotidien, mais plus encore, à ma vie solitaire, privée, d’essence familiale.
Mon épouse et mes enfants n’appartiennent pas à mon univers intellectuel, administratif et politique qui, lui, est ouvert au public. C’est comme cela que j’ai décidé de les protéger. Or, depuis 2013, vous avez posé, ou autorisé que soient posés à mon encontre, des actes qui, selon moi, relèvent de l’ordre de la transgression éthique et de l’intrusion dans ma vie familiale.
Injustices, méchancetés et contrevérité
Je passe outre mon limogeage qui ne se justifie pas. Je signe et je persiste : je n’ai commis aucune faute administrative. Dire «Non» à Monsieur Henri Konan Bédié et ‘‘son’’ (…) appel de Daoukro ne peut pas être une faute administrative, vous le savez bien, puisque cette déclaration n’est pas un acte administratif. C’est une affaire privée qui, dans son essence, ne concerne pas l’Etat de Côte d’Ivoire. C’est un acte solitaire, non étatique et dont l’applicabilité même n’est pas évidente : les remous, d’essence conflictuelle, qu’il provoque en ce moment au sein de la classe politique, nous prouvent suffisamment que c’est un appel inadapté au contexte socio politique actuel de notre pays qui n’avait pas besoin de cela.
(…)
SEM le président, j’ai toujours pris la précaution, jusque-là, de vous innocenter des scélératesses administratives, politiques et médiatiques que je subis de la part de certains de vos collaborateurs. J’en ai énumérées quelques-unes dans mon livre «Non à l’Appel de Daoukro», notamment la censure dont mon petit frère Michel Koffi (ex-rédacteur en chef) et moi, avons été et sommes encore victimes à Fraternité Matin où, sous des recommandations d’origines obscures, nous sommes interdits de publier quelque article que ce soit ! Je ne peux pas ne pas signaler à l’opinion d’autres actes, aussi mesquins les uns que les autres, qui ont frappé des membres de ma famille et d’autres personnes, des amis -, coupables d’être proches de moi. J’ai toujours estimé que vous n’êtes mêlé ni de près ni de loin à ces actes étranges et immoraux.
Dans chacune des nombreuses interviews que j’ai données ici, à l’étranger où je suis en ce moment, j’ai toujours pris la peine de ménager au fond de mon coeur et dans mes propos, une parcelle importante du respect et de l’admiration que, pour des raisons que j’ignore moi-même, je continue d’éprouver pour vous, malgré tout. Oui, SEM le président, je vous respecte et je veux continuer à vous respecter. Parce que je reste convaincu que vous êtes un digne fils de ce pays et de ce continent qui a besoin de figures de référence, des modèles à transmettre à ceux de demain. La conférence, qu’en septembre 2010, j’ai prononcée au QG de votre parti, en zone 4, porte d’ailleurs les marques de ce respect et de cette admiration sincères.
(…)
Inacceptables transgressions
La tournure médiatique que prennent les réactions de certains de vos collaborateurs et parents, relative à mon refus de l’Appel de Daoukro, m’inquiètent. Votre Conseiller Touré Mamadou, qui se trouve être votre neveu, m’a offensé gravement lors d’un meeting en me traitant d’ingrat, pour le fait que j’aie dit Non à l’Appel de Daoukro. Stupéfiant ! Il donne ensuite, et publiquement, une information pour le moins curieuse : j’apprends en effet, de lui, que c’est vous qui payez les études de ma fille, étudiante aux Usa. Admettons même un seul instant que cela soit avéré. Où est le rapport entre mon refus de l’Appel de Daoukro, et le fait que vous assumeriez l’école de ma fille ? Est-ce vous qui avez écrit l’Appel de Daoukro ? Vous appelez-vous Henri Konan Bédié ?
Ensuite, vous savez bien que tout cela est faux, SEM le président. Vous savez bien que je ne vous ai jamais demandé de payer l’école de ma fille. Et les services de la Présidence savent que jamais ils n’ont payé les études de ma fille. Pourquoi donc, aucun de ces services ne fait-il un démenti aux propos non vrais, voire mensongers, de votre neveu ?
(…) Vous savez très bien que ceci est une forme de harcèlement psychologique et de terrorisme, M. le président. Ma fille a désormais peur pour sa sécurité, sait-on jamais ! (…) Je m’interdis ici de proférer à votre encontre, des propos déplacés, parce que vous êtes l’aîné, le chef et le père actuel de notre pays. Aidez-moi à continuer de vous respecter.
Non, Monsieur Alassane Ouattara, votre neveu et vos journaux n’ont pas le droit de me traiter d’ingrat, parce que vous savez très bien que je ne vous dois rien. Bien au contraire, c’est vous qui avez bénéficié de mon engagement politique à soutenir votre combat. Toute la Côte d’Ivoire sait que j’ai mis mon nom, ma plume, ma voix, mon image de marque, intellectuelle et de sympathie publique que je me suis bâtie au prix de dizaines d’années d’efforts intellectuels et moraux, au service de la lutte du Rhdp, et à défendre votre cause. C’est encore vous qui aviez demandé que ma fille vous fasse parvenir son dossier ; ce n’est pas moi qui vous ai sollicité.
Attentes vaines !
De vous, je n’attendais rien d’autre que le respect des engagements que vous aviez pris, de ressouder le tissu social et relationnel de notre pays mis à mal par des politiques maladroites – (…) A titre personnel, je n’attendais rien d’autre de vous qu’un peu d’égards, et un espace de liberté d’expression pour les intellectuels et les créateurs de ce pays. Je vous rappelle, à cet effet, ce que vous avez écrit dans votre projet de société qui m’avait séduit et convaincu que vous étiez la «Solution ». A la page 8 de votre Programme de société, précisément au chapitre II (Construisons une démocratie de tolérance et d’efficacité), vous aviez écrit ceci : «(…) rien de durable ne pourra être accompli si nous ne réussissons pas d’abord notre démocratie, si nous ne parvenons pas à faire primer les débats d’idées sur les querelles partisanes. (Ecrit en gras)».
M. le président, dès que j’ai engagé le débat d’idées, vous m’avez viré de mon poste ! (…) Avoir été le Premier ministre de M. Félix Houphouët-Boigny ne fait pas forcément de vous, un vrai disciple de cet homme. Sur cette question, je me suis trompé sur votre compte. Le président Houphouët-Boigny avait de l’admiration pour les contestataires de son régime. Bernard Zadi, Laurent Gbagbo, Désiré Tanoé, Christophe Wondji, Djéni Kobina, Ganin Bertin entre autres, qui furent des contestataires et opposants de renom, ont occupé, sous son régime, des postes de responsabilités, souvent prestigieux, sans aucune inquiétude pour leurs fonctions. Dans les officines du Grto, furent formés, par Bernard Zadi, de nombreux opposants (dont Simone Gbagbo, moi-même et, bien plus tard, Guillaume Soro et certains de ses camarades, tous nos cadets).
Et le président Houphouët-Boigny le savait. Zadi a occupé le poste de directeur du Grto pendant plus de 20 années, malgré tous les livres aux tons dénonciateurs qu’il a écrits. Bernard Dadié, son propre ministre de la Culture, le critiquait dans ses pièces de théâtre que montait la troupe des Comédiens de l’Ina (donc sur les fonds de l’Etat !) Et le lendemain, M. Dadié siégeait en Conseil de ministres ! Sans aucun problème ! Lisez «L’envol de tisserins » de Paul Akoto-Yao ; vous y verrez la qualité de la critique socio-politique, et mesurerez le poids de la tolérance intellectuelle sous Félix Houphouët-Boigny. Voilà un peu de ce qu’était Houphouët-Boigny, sur ces questions, M. le président.
Au sein de son régime, il y avait des sages, pour maintenir le nécessaire dialogue avec les contestataires : Me Arsène Usher Assouan (diplomate de renom), Abdoulaye Diallo (négociateur hors pair, c’est par son entremise que Laurent Gbagbo est rentré d’exil en 1988), Gervais Coffi (l’ami des intellectuels et des artistes), Georges Ouégnin et sa discrétion légendaire, le sage Hampâté Bâ et son immense savoir de philosophe et d’homme accompli, Yacouba Sylla et le prophète Atcho (pour la gestion de la vie spirituelle de son peuple). Pourquoi, à son instar, ne vous entourez-vous pas de sages pour désamorcer les tensions et crises avec les irréductibles (le mot fétiche de votre mentor Konan Bédié) de votre pays ? Sévir automatiquement n’est pas une preuve de sagesse de la part d’un chef, M. le président. (…) Apprenez à être serein. Méditez avant de sévir. Chercher à convaincre et non à contraindre. Entourez-vous de sages, de gens modérés. Soyez plus à l’écoute de ceux qui formulent des critiques, aussi dures soient-elles (pour vous aider dans votre tâche), que des louangeurs qui ne vous apprennent et ne vous apportent rien. Enfin, sachez qu’un adversaire intelligent et honnête, est préférable à un collaborateur servile et stupide !
Mais revenons à votre Programme de société. Vous y avez écrit ceci : «Voici notre projet pour la démocratie ivoirienne : nous organiserons des débats nationaux sur les grandes questions de société. Nous prendrons les bonnes idées, d’où qu’elles viennent».
Depuis que vous êtes là, quel est le débat national que vous avez organisé ? Même le Dialogue national, inscrit au cœur de la mission de la Cdvr, vous l’avez sabordé. A bon escient. Vous aviez dit aussi : «Nous nous doterons d’une Justice indépendante, impartiale et efficace ». (…) Oh ! Comme tout cela est loin de ce que nous vivons aujourd’hui, sous votre régence ! (…)
Usurpation de mérites !
(…)
J’ai une vie conjugale et familiale discrète, M. Alassane Ouattara. Mes enfants, issus d’une seule mère, me respectent. Je suis un homme simple, vivant dans la sobriété matérielle au milieu de ses livres et de ses guitares, mais digne. J’ai toujours été un homme instruit de ses devoirs de père de famille. J’ai tout donné à mes enfants, tout, M le président ! Je ne possède, ni villa, ni véhicule, parce que j’ai tout investi dans l’éducation de mes enfants. Vous et votre entourage m’avez gravement offensé ! C’est scandaleux, inadmissible et honteux de laisser prospérer dans l’opinion, par votre silence sur cette question, la thèse selon laquelle c’est vous qui assurez les études de ma fille, alors que vous savez très bien que c’est absolument faux. (…)
J’assume, comme toujours, la pleine responsabilité de mes propos. Et, je le proclame : je me sens à présent délivré au moins d’un poids moral et psychologique devant les miens : ma famille biologique, mes amis, mes sympathisants, mes lecteurs, le peuple ivoirien, et surtout mes enfants. Il me fallait laver mon honneur de père de famille, souillé (…) Oui, M. le président : sur ces questions, j’interprète votre silence comme la preuve de votre complicité dans cette cabale mensongère et honteuse contre moi. Et je sais pourquoi : votre entourage, l’aile bédiéiste du Pdci-Rda et vous, continuez de m’en vouloir pour le fait que j’aie été le Conseiller et l’ami de Laurent Gbagbo ! Ah ! Laurent Gbagbo ! Cet impossible Laurent par qui et pour qui j’ai toujours eu des ennuis ! Parlons-en.
Le spectre Laurent Gbagbo
Si cet homme était aussi mauvais que cela, pourquoi avez-vous été son allié de 1995 à 2000 ? La loi de bannissement n’existe pas en Côte d’Ivoire. Pourquoi avez-vous banni du terroir cet authentique fils du pays (…) Pour justifier son transfèrement, vous avez dit, de Dakar, sur une radio, que c’était pour sa propre sécurité, et que là-bas (à la Haye), il se sentirait mieux. A mon grand déplaisir, Laurent Gbagbo, lui-même, a affirmé qu’effectivement, il se sentait mieux à la Haye que dans sa prison de Korhogo. Les enquêtes que j’ai menées plus tard m’ont permis de vérifier que vous avez dit vrai, vous et lui: L’ex-président de la République de Côte d’Ivoire était effectivement mal traité en Côte d’Ivoire. Une haute personnalité, dont je tais le nom, m’a même affirmé que s’il n’avait pas été transféré à temps, il serait sans doute mort, dans sa prison de Korhogo ! Et c’est cela qui m’indigne.
Un jour, s’est tenu entre un de vos ministres et moi, cette conversation illustrative des menaces qui pesaient sur moi, avant même la publication de mon livre :
- Toi Tiburce Koffi, on devait te fusiller.
- Et pourquoi ?
- Tu as été le Conseiller de Gbagbo, tu as été aussi son ami! Ma réponse fut brutale et sans appel, art dans lequel j’excelle : «Et quel devra être le sort de tous ceux qui, comme toi, ont été ministres sous Gbagbo, et ont volé l’argent de ce pays ? Quel devra être le sort de tous ceux qui, comme vos chefs Alassane et Bédié, ont déshonoré notre pays en faisant de notre fière Côte d’Ivoire, un pays vassal du Burkina Faso qui était désormais devenu votre référence, votre modèle ? N’est-ce pas à Blaise Compaoré que vous soumettiez la résolution de nos problèmes ? Honte à vous !». Silence total de sa part. (…)
Profession de foi laïque
Oui, SEM le président, j’ai été le Conseiller de Laurent Gbagbo. Et je ne vis pas cela comme un crime, moins encore comme un manteau de Nessus.
Oui, SEM le président, j’ai été, et je le demeure d’ailleurs, l’ami de Laurent Gbagbo, même si, par sa faute, cette amitié a vacillé au temps des hostilités rouges et aveugles qui ont déchiré ce beau pays d’hier.
Oui, SEM le président, j’ai décidé de renouer les liens, hier disloqués, avec Laurent Gbagbo, mon ami, mon frère ivoirien que je connais depuis 1979. Il m’avait fait du mal (pour avoir trahi l’idéologie et l’idéal de la gauche), et je lui en ai voulu. Mais je ne lui en veux plus aujourd’hui, et j’ai le droit de ne plus lui en vouloir et de chercher à me réconcilier avec lui. Exactement comme Bédié et vous, vous êtes réconciliés.
Oui, SEM le président, j’ai mal que Laurent Gbagbo se retrouve là-bas, à la Haye, pendant que des criminels, (…), sont en vadrouille dans notre pays, (…) quand ils ne sont pas, scandaleusement, promus à de hautes fonctions administratives !
Oui, SEM le président, je réclame la Justice pour tous. Et cette justice signifie : la prison pour tous les criminels. Ou l’amnistie pour tous. (…) Oui, oui et oui, SEM le président: dans la conclusion de mon livre, j’ai demandé la libération de ce Laurent, ex-président de notre pays. J’ai écrit exactement ces lignes que je reconduis et assume :
«Surtout, souvenez-vous de ceci: vous étiez trois dans cette histoire tourmentée qui nous a conduits à la tragédie. Où se trouve le troisième ? Vous l’avez chassé du pays avec la complicité de notre passivité, et livré à la justice suspecte, car non équilibrée, des Blancs ! Il s’appelle Laurent Gbagbo, fils de cette terre sienne d’Eburnie qui ne saurait, conséquemment, le renier. C’est donc un des nôtres, enraciné dans la culture et l’histoire de ce pays que vous avez, tous, défiguré, qui vit aujourd’hui en déportation. Ramenez Laurent Gbagbo ! Ramenez-le nous afin que, sur l’autel de la reconnaissance des graves transgressions que vous avez (nous avons), tous, commises, ce peuple souffle un peu, et que ce pays soit libéré des pesanteurs de tous ordres (politiques, psychologiques, spirituelles et métaphysiques) qui l’enchaînent. Aucune réconciliation ne sera vraiment possible sans le troisième frère, vous le savez bien»
Pour renforcer mes propos, j’ai cité mon Maître Bernard Zadi. Ce dernier, faisant, sans aucun doute, allusion à Laurent Gbagbo qui compta au nombre de ses premiers disciples, a écrit ceci : «(…) il ne saurait y avoir de réconciliation par procuration ou par contumace. Les sujets à réconcilier doivent être présents dans l’espace national, et libres pour se parler, s’ouvrir les uns aux autres, vivre personnellement et en direct leur échange de flux humain et fraternel mis à mal et altéré par la crise. (…). In «Mes dernières paroles pour l’Afrique», Abidjan 2012, Frat.Mat Editions).
Et je sais que c’est tout cela qu’Henri Konan Bédié et vous, avez décidé de me faire payer. Mais alors, attaquez-vous à moi, moi seul, et non aux miens : ma famille, mes amis et, aujourd’hui, ma fille ! Une étudiante !… Ma fille, SEM le président de la République de Côte d’Ivoire ! Africamment (un terme du Pr Georges Niangoran-Bouah), vous devriez pouvoir la considérer comme votre petite-fille, parce que, sur le plan gérontocratique, vous êtes un peu son grand-père ! (…)
De Paris, Tiburce Koffi tiburce_koffi@yahoo.fr Ecrivain, musicien, journaliste et libre penseurSource : L’inter, Lundi 02 Mars 2015