Les zones d’ombre d’une sortie
(Notre Voie, samedi 1er & dimanche 2 mars 2014) – L’opération avait un seul objectif : montrer à l’opinion publique que le chef de l’Etat, Alassane Dramane Ouattara, absent de la Côte d’Ivoire depuis bientôt un mois, parce qu’ayant subi une opération liée à une sciatique se « porte comme un charme » comme l’a d’ailleurs écrit, hier, notre confrère « Le Patriote », proche du pouvoir. Et que, par conséquent, tout ce qui a été dit et écrit sur son état de santé n’était que des balivernes d’individus aigris et jaloux. Il fallait donc marquer les esprits. Et tout a été planifié. Les invités triés sur le volet, l’ambiance solennelle dans un décor officiel (ambassade de Côte d’Ivoire en France) et l’air volontairement débonnaire du principal acteur. Mais, au-delà du fait que tout le monde sait désormais que M. Ouattara peut se tenir debout, en prenant appui sur une canne, et qu’il est capable de faire quelques gestes, ce qui est, par ailleurs, rassurant, les communicants du régime Ouattara ont-ils atteint leur objectif ? Les quelques images bien filtrées du chef de l’Etat ont-elles rassuré les Ivoiriens et l’ensemble des partenaires de la Côte d’Ivoire sur la capacité d’Alassane Ouattara à tenir fermement le gouvernail du bateau ivoire ?
Rien n’est moins sûr. En effet, même si on peut se réjouir de ce que le chef de l’Etat se porte visiblement mieux qu’au début de sa maladie, on est bien obligé de douter des assurances quasi religieuses qu’on veut nous faire avaler sur la réalité de son état de santé. Pour plusieurs raisons dont deux nous paraissent essentielles.
Premièrement, on se demande bien pourquoi les services de la présidence de la République et de l’ambassade de Côte d’Ivoire en France ont interdit l’accès du lieu d’apparition d’Alassane Ouattara à la presse nationale et internationale présente à Paris, à l’exception de la télévision nationale (Rti) et de « Fraternité Matin » ? Selon le compte-rendu du correspondant du quotidien l’Intelligent d’Abidjan à Paris, Jean Paul Oro, « aucun autre journaliste, en dehors des envoyés spéciaux Habiba Dembélé et Venance Konan n’aura eu accès aux locaux ». Le confrère précise même, qu’à son arrivée sur les lieux, « des confrères français y étaient déjà agglutinés, demandant à assister à l’enregistrement. Peine perdue ». Alors question ! Qu’est-ce qui peut amener le camp Ouattara, à fermer ses portes, à double tours à ses « amis » de RFI, France 24, BBC, Reuters et autres ? Qu’est-ce qui n’a pas marché ? Voulait-on cacher quelque chose ? La question mérite d’être posée. Et la réponse peut se deviner aisément. En effet, Ouattara et son entourage ne voulaient pas prendre de risque. La présence de nombreux journalistes aurait donné l’occasion à ces derniers de dire des choses que le régime ne veut pas que les Ivoiriens sachent.
La deuxième raison pour laquelle on peut légitimement douter de la version officielle des faits présentés par le pouvoir, c’est la qualité de l’élément filmé présenté à la télévision nationale (RTI1). On se rend compte, en effet, en le regardant, que chaque fois que le chef de l’Etat est supposé faire un mouvement en avant, c’est-à- dire, marcher vers quelqu’un, la séquence est coupée pour être suivie d’une autre où on le voit serrer la main de son vis-à-vis. Ce montage prouve, au moins, que même si le chef de l’Etat peut se tenir debout, il a certainement encore beaucoup de mal à marcher correctement. Y compris, avec la canne. D’où cette question : Ouattara est-il vraiment guéri et toujours apte à gérer les affaires de l’Etat ?
Guillaume T. Gbato