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(Le Nouveau Réveil, 5 décembre 2013) – Le Président du Front Populaire Ivoirien était face à la presse hier au siège du dudit parti. Pour cette rencontre qui se voulait solennelle puisque c’est la première fois, dit-on, que Pascal Affi N’guessan échange dans un grand format avec les journalistes depuis sa sortie de prison le 5 août dernier, le n°1 du parti de Laurent Gbagbo n’a pas changé de posture. Les propos virulents, les injures et autres menaces ouvertes envers le pouvoir ont meublé ces 4 heures d’horloge d’échange. D’entrée de propos, l’ex-premier ministre n’ira pas de main morte pour planter le décor en dépeignant un tableau très sombre de la situation socio-économique de la Côte d’Ivoire. « (…) Trois ans après l’ascension de monsieur Alassane Ouattara au pouvoir d’Etat dans les conditions tragiques que nous connaissons, et à deux ans des nouvelles élections générales, la situation en Côte d’Ivoire est marquée par l’insécurité, la morosité et la précarité sociale. Une politique sociale hasardeuse et par l’impasse politique. Chaque jour, le Chef de l’Etat et son gouvernement prennent des initiatives, posent des actes qui accentuent les frustrations, alimentent les sentiments de colère et de révolte, aggravent la division du pays et hypothèquent son avenir… », a dit, en substance, le président Affi N’guessan dans ses propos liminaires, non sans expliquer que son parti, face à cette situation qu’il juge alarmante, s’est résolu à éclairer l’opinion nationale et internationale sur les solutions que propose le Fpi pour sortir la Côte d’Ivoire de l’impasse politique et d’engager sa reconstruction dans la paix et la stabilité. Dans les échanges qui suivront avec les journalistes, le président du Fpi va donner la position de son parti sur les grandes questions qui alimentent la vie politique, économique, sociale de la Côte d’Ivoire.

LES ÉTATS GÉNÉRAUX DE LA RÉPUBLIQUE, UNE EXIGENCE POUR LE FPI

Le président du Fpi s’est largement étendu sur cette question puisqu’elle constituait l’un des sujets principaux de cette conférence. Un document contenant les termes de référence de ce qui convient d’appeler désormais les EGR (Les états généraux de la République) a même été présenté à l’assistance. Réagissant aux propos du président Alassane Ouattara sur ces états généraux lors de sa visite dans la région du Gbêkê, Pascal Affi N’guessan soutient que le président Alassane Ouattara n’a pas balayé du revers de la main, la proposition du Fpi comme veut le faire croire une certaine opinion. Mais qu’il n’a fait qu’exprimer son sentiment personnel sur la question. Aussi, salue-t-il le sens d’humilité du président de la république qui dit rester à l’écoute des ministres avant de prendre une décision finale. « Cela n’est pas courant mais il faut le saluer, cet acte d’humilité du chef de l’Etat qui dit ne pas être d’accord pour ces états généraux mais qu’il s’en remet au gouvernement pour la décision finale. Pour ma part, j’ai noté trois choses dans cette déclaration. La première, c’est l’invitation du Fpi à préparer les élections au lieu de s’attacher à la promotion d’un cadre de dialogue politique ; ensuite, c’est son sentiment personnel qui a été exprimé sur ces états généraux ; enfin, sa disponibilité à écouter, à regarder ses ministres et à confier la décision finale au conseil des ministres », explique-t-il. Mais cet aveu du président de l’ancien parti au pouvoir est loin de dissiper les mises en garde du Fpi sur la question « Le gouvernement ne peut pas refuser les états généraux de la république puisque ce n’est pas le gouvernement seul qui décide de l’avenir de la Côte d’Ivoire », prévient le nouvel homme fort du parti bleu qui note par ailleurs que ces états généraux ne peuvent pas se tenir sans la présence de Laurent Gbagbo. Ce qui traduit que le Fpi pose encore des préalables à cette catharsis collective qu’il réclame à cor et à cri. Lesquels préalables se résument en la libération des pro-Gbagbo détenus, au retour des exilés, à la libération des biens confisqués, le dégel des avoirs. « Si nous voulons faire la réconciliation, il faut que ceux qui ont participé au conflit soient présents. Car la réconciliation se fait entre les protagonistes d’une crise ou d’une confrontation. Il faut qu’on s’entende pour dire si nous voulons aller à la réconciliation, on accepte a priori de libérer ceux qui sont détenus. C’est la seule condition de la réconciliation. Sinon si quelqu’un maintient dans sa pensée qu’il y aura la réconciliation en maintenant en prison madame Simone Gbagbo, Blé Goudé… il parle d’autre chose mais pas de la réconciliation », soutient-il.

LE DERNIER RAPPORT DE L’ONU SUR LES EXILÉS PRO-GBAGBO AU GHANA

Le président du Front populaire ivoirien dit accorder un crédit à ce rapport puisque, dit-il, ce n’est pas la première fois que le régime actuel procède à des enlèvements. « L’Onu est une organisation sérieuse malgré tout. Les responsables de l’Onu n’auraient pas laissé une telle information si elle est dénuée de tout fondement. Nous avons des raisons substantielles de croire que quelque chose s’est passé d’autant que nous-mêmes nous vivons cette situation de façon quotidienne en Côte d’Ivoire. Ce n’est pas la première fois que le régime procède à des enlèvements d’exilés politiques. Nous avons l’exemple de notre camarade Lida Kouassi Moise qui a été enlevé alors qu’il avait le statut de réfugié politique. Aujourd’hui, à la Dst (Direction de la surveillance du territoire) ou dans des prisons qui ne sont pas connues croupissent des centaines de nos compatriotes et ce, à l’insu de l’opinion sous un régime qui se dit démocratique et respectueux de l’Etat de droit. C’est le cas de Blé Goudé, Jean Yves Dibopieu, du commandant Abehi. Aujourd’hui, personne ne sait où ils sont détenus. Il faut arrêter ça, car cela n’honore pas notre pays. Je ne sais pas comment on peut être à l’aise dans ces genres de situation quand on est chef de l’Etat. J’ai observé que le gouvernement a produit un communiqué pour se disculper. Mais le fait que les gens écrivent ça sur nous, c’est une honte. Dire d’un gouvernement qu’il mène des opérations d’assassinat de ses compatriotes dans un pays étranger, c’est dire que le gouvernement est à la tête d’un Etat voyou. Il n’y pas d’autre mot pour qualifier un gouvernement qui se livre à ces genres de choses ( …) Le gouvernement gagnerait à sortir du brigandage et du banditisme politiques », relève le président Affi.

L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE DE 2015, LE FPI SCEPTIQUE

Sur la question, le président est catégorique et même menaçant. Pour le président Pascal Affi N’guessan, il ne pourra pas y avoir d’élection en 2015 s’il n’y pas une réconciliation sincère. « Dans tous les cas, s’il n’y pas de réconciliation, je ne sais pas comment des élections peuvent se tenir en 2015 », se demande-t-il. En outre, il a réagi sur les propos du chef de l’État qui a invité récemment l’opposition à se préparer pour l’élection présidentielle de 2015 au lieu de s’agripper à l’idée des états généraux. « Les états généraux nous permettent de préparer les élections. Ces états généraux nous permettent de lever tous les obstacles pour la tenue d’élection libre, apaisée, juste et transparente. Tenir ces états généraux, c’est une façon d’aider Alassane Ouattara. Peut-être que ses partisans ne le savent pas. Aujourd’hui, Ouattara a à choisir entre la voie de la Cpi et la voie des états généraux de la république. S’il ne fait pas les états généraux, il fera la Cpi. Parce qu’il ne peut pas tenir entre le refus de la Cpi et le refus des états généraux de la république. Ces états généraux viennent à son secours pour qu’il se décroche de la Cpi (…) Ces assises vont nous permettre de régler les questions de sécurité, les problèmes de confiance entre acteurs, de réfléchir sur le meilleur code électoral pour des élections équitables. Cela va nous permettre de régler la question de l’éligibilité à la présidence de la république. La plupart de ceux qui se sont présentés à l’élection présidentielle de 2010, l’ont été de façon exceptionnelle y compris le chef de l’Etat actuel. Il a été candidat en vertu de l’article 48. Cet article n’est plus applicable puisque les conditions d’application n’existent plus. Donc c’est la constitution actuelle qui va s’appliquer à l’occasion des élections de 2015 si elles se tiennent. Si l’on n’a pas été candidat sur la base de l’article 35 de la constitution actuelle en 2010, si l’on n’était pas éligible en 2010 à la présidence de la république sur la base de la constitution actuelle, comment on peut être éligible en 2015 si la constitution ne change pas. Je crois que c’est pour lever toute équivoque que nous disons que nous devons nous asseoir pour discuter pour trouver des consensus », affirme le président Affi. Par ailleurs, le président du Fpi a fait savoir que la question de la participation de son parti aux échéances électorales de 2015 avec ou sans Gbagbo sera discutée en temps opportun au cours d’une convention. Il souhaite par ailleurs que les spéculations autour de ce sujet s’arrêtent.

JEROME N’DRI