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(Le Nouveau Réveil, 17 juin 2013) – On l’avait connu humoriste. Il s’est découvert, il s’est invité sur la scène politique en 2010, un milieu où la comédie tourne parfois au drame. Mi-comique, mi-sérieux, Adama Dahico, de son vrai nom Dolo Adama, revient sur sa séquence électorale, sans rancune. Gbagbo, Ouattara, Bédié, la télévision, la crise au Mali : il se met en scène sur toutes ces questions. Et y jette un regard pénétrant, parfois dérangeant. 

Trois ans après les élections prési dentielles, que devient Adama Dahico ?

Trois ans après les élections présidentielles, Adama Dahico devient ce qu’il était.

C’est à dire ?

C’est à dire, le comédien, l’humoriste, l’écrivain, le promoteur du festival international du rire d’Abidjan et l’artiste qui est amené à aller faire des prestations, des spectacles, partout où il est sollicité. Donc, je suis actuellement entre deux avions, comme on le dit, pour faire mon métier.

Qu’en est-il de vos activités politiques ?

Vous savez que le parti du Dôrômican est un parti de détente, un parti artistique. Nous menons nos activités sociopolitiques, à travers la scène, à travers les arts. Nous sommes en train de préparer le congrès de notre parti. C’est le seul parti où l’entrée est payante. Et le thème de notre congrès, c’est du Cp1 à la Cpi. C’est là-bas que des décisions vont se prendre pour l’avenir du parti et l’avenir de la Côte d’Ivoire politique.

Le leader du Dôrômican a jalousement gardé le secret sur ses sources de financement à la présidentielle de 2010. Sans sous-estimer le bas de laine d’un humoriste, on peut dire que claquer comme cela, 20 millions pour deux semaines de campagne électorale, l’argent a dû venir de quelque part.

Oui, c’est vrai, un parti a des soutiens. Mais ce ne sont pas tous les habits qu’on étale au soleil. Comme vous les journalistes, lorsque vous avez de grandes informations, vous préférez taire le nom de vous sources, je parlerai en citant des sources proches du président du Dôrômican, qui a décidé de garder l’anonymat. Honnêtement, ceux qui m’ont soutenu l’ont fait pour qu’Adama Dahico puisse apporter un peu de gaité et de détente dans cette atmosphère qui, à l’époque, était morose. Il fallait donc décrisper, et c’est ce que j’ai fait. Les 20 millions, c’était vraiment pour la paix. Ce n’est pas parce qu’on avait beaucoup d’argent qu’on a posé cet acte, mais c’est parce qu’on voulait contribuer à instaurer la paix, à travers le rire, l’humour, à ces élections. Et nous pensons avoir accompli notre mission, jusqu’au premier tour de la présidentielle.

Comment l’humoriste que vous êtes, a-t-il pu imaginer un seul instant qu’il pouvait, sans être adoubé par un appareillage politique, jouer dans la cour des grands, face à des dinosaures, comme Bédié, Ouattara et Gbagbo?

Nous étions conscients que c’était un examen où il y avait trois candidats officiels. Le président Henri Konan Bédié que j’appelle mon oncle personnel, le président Ouattara que j’appelle mon grand frère personnel et le président Gbagbo que j’appelle mon ami personnel. Pour moi, les 11 autres, c’était comme des candidats libres à un examen du Bac. En fait, c’était pour permettre aux Ivoiriens d’opérer un choix parmi tant de candidats. Et les Ivoiriens sont allés accomplir leur devoir civique. Nous savions que ce n’était pas facile. Notre objectif, honnêtement, ce n’était pas de gagner les élections présidentielles tout de suite. C’était de participer à une élection, de contribuer à notre manière au débat, à travers des idées que nous avions, des idées que certaines personnes ont pu nous communiquer. Je ne peux pas dire que toutes ces idées que j’ai défendues pendant la campagne étaient des idées propres à moi. Nous étions une jeune équipe de jeunes Ivoiriens qui aiment leur pays. Moi, je n’ai été que le porte-parole de tous ceux-là. Dieu merci, je crois que les gens ont pu apprécier, analyser les sujets pertinents que j’ai eu à développer pendant les débats. Je pense que, si c’était à refaire, et si c’est pour me mettre au service de mon pays, et si Dieu nous donne son onction, nous pourrions, à nouveau, tenter l’expérience.

Quels sont vos rapports avec votre oncle Bédié ?

Vous savez que le président Henri Konan Bédié est un monsieur qui m’a donné son onction quand j’ai sorti mon premier album, le 21 août 1998, lorsqu’il était au pouvoir. Je me suis permis, dans un sketch, de l’appeler Henrison, mon ami personnel et d’appeler Mme Henriette Konan Bédié, Henriette la vraie go. Mme Bédié aimait bien ce sketch. Si le président, à l’époque, avait censuré ce sketch là, Adama Dahico ne serait pas Adama Dahico. J’aurais pu arrêter. Dieu merci, j’ai travaillé en toute liberté. Aujourd’hui, c’est un monsieur que je respecte, parce qu’il s’est rendu disponible pour la Côte d’Ivoire, surtout pour la paix. J’écoute souvent ses interventions. J’ai également eu à participer à une manifestation dont son épouse, Mme Henriette Konan Bédié, était la marraine. J’en ai profité, ce jour-là, pour demander à Mme Henriette Konan Bédié, de transmettre toutes mes salutations au président Bédié. A l’investiture du président Alassane Ouattara à Yamoussoukro (Ndlr : le 21 mai 2011), je suis allé le saluer et je lui ai dit que mon souhait est de le rencontrer un jour pour échanger avec lui. J’ai pris contact avec son protocole. J’espère qu’on me fera signe quand son temps le lui per mettra.

On vous dit un peu plus distant vis à vis du président Alassane Ouattara.

Je n’ai jamais été distant du président Alassane Ouattara. Je suis un enfant bien éduqué. Plusieurs indices prou vent bien que je n’ai jamais été distant vis à vis du président. D’abord, j’ai été à l’investiture (Ndrl : le 21 mai). Et j’ai tenu à le saluer. C’était une fête, ce n’était pas évident d’accéder à lui, mais quand j’y ai réussi, que je lui ai tendu la main, il m’a dit merci, m’a félicité et m’a dit ce jour-là, qu’il me recevra quand tout sera calme. Au gala de son épouse, en février 2012, j’ai fait l’effort d’avoir une invitation. J’ai échangé avec Mme, avec le président, dans la salle et devant tout le monde. Je lui ai réitéré mon souhait de le rencontrer parce que je voudrais reprendre mes activités en bonne et due forme. Je suis promoteur d’un festival international du rire depuis 8 ans qui a positionné la Côte d’Ivoire au rang de numéro un en matière d’humour en Afrique. J’estime que ce n’est pas normal que nous baissions les bras. Il m’a dit que quand tout sera bien calme, nous allons analyser le dossier. Je ne suis pas distant du président, parce que je n’ai jamais quitté la Côte d’Ivoire. De plus, chaque fois que je participe à des spectacles à l’extérieur, je suis toujours passé dans les ambassades, pour faire mes civilités. Si je suis distant du président, pourquoi quand je me rends dans un pays comme le Cameroun, je cherche à rencontrer l’ambassadeur et jusqu’à déjeuner à sa résidence ? Je parle du Cameroun, comme je pour rais parler du Sénégal. C’est vous dire que je suis là. Je suis entièrement disponible pour la Côte d’Ivoire, comme je le dis toujours. Il appartient donc aux nouvelles autorités de comprendre que je suis disponible, sinon, j’aurais pu m’exiler comme d’autres, en prétextant que je ne suis pas en sécurité en Côte d’Ivoire. Mais non. Je suis toujours à Abobo, dans la cité des commandos visibles.

Vous avez salué le président Ouattara le 21 mai en tant que candidat perdant

Non, pas en tant que candidat perdant. Je suis le seul candidat qui a gagné cette élection. Je suis le seul humoriste à avoir participé à une élection présidentielle. Chaque fois qu’on parlera du président Alassane Ouattara, l’histoire retiendra cela aussi.

L’un des 14 candidats aux élections présidentielles de 2010 se trouve malheureusement à La Haye, entre les mains de la Cpi. Quel est votre commentaire.

Je suis un Ivoirien, un Africain. On dit que le linge sale se lave en famille. Malheureusement, tous les pays se sont, chacun, doté d’instruments démocratiques, juridiques. Si l’histoire de la côte d’Ivoire a voulu qu’à un moment donné, suite à des accusations, Laurent Gbagbo que j’appelé, mon ami personnel, doit répondre de ses actes, c’est un fait normal. Il appartient à ses avocats défenseurs de nous donner les éléments de preuves, qui convainquent qu’il ne mérite pas d’être là-bas. Il faut donc laisser la justice faire son travail. Je suis peiné, sans hypocrisie aucune, car je ne peux pas dire que j’aime quelqu’un et le voir dans cette situation. Je prie donc également pour que Dieu l’assiste, afin que la vérité se manifeste. S’il n’y a pas de preuves contre lui, s’il n’est pas à juger, au nom de cette même juridiction, qu’il retrouve la liberté. Et si cela peut apporter une note de paix et de réconciliation à la Côte d’Ivoire, ce serait tant mieux.

Certains disent que la Cpi, c’est un autre machin, aux mains des puissances occidentales. Vous, l’humoriste, qu’est-ce que vous en pensez ?

Je ne voudrais, ni commenter ni interpréter les analyses des uns et des autres, parce qu’on fait des analyses sur une Institution selon la position qu’on occupe par rapport aux résultats qui peuvent en découler. Dans mon prochain album, je me suis simple ment permis de faire une analyse succincte sur ce que c’est que la Cpi. Ce n’est pas une mauvaise chose. Si vous êtes accusé d’avoir commis un acte et si, en toute sincérité, vous estimez que vous n’avez commis cet acte, que vous en apportez la démonstration, cette justice peut vous acquitter. Mais si vous être auteur de crimes, la Cpi appliquera ses lois. L’humoriste que je suis, j’ai trouvé une vingtaine de définitions de la Cpi. Je ne donnerai pas ici ces définitions, mais je pense que quand les gens écouteront l’album, ils me diront merci, parce qu’ils auront eu une approche décontractée de la Cpi.

Vous qui avez le mérite et le privilège de semer le rire et la joie dans les cœurs des gens, sans distinctions de bords politiques, quel est votre remède pour la réconciliation, après la tragédie causée par la comédie politique ?

Ce n’est pas quand les choses se sont gâtées, comme on dit, qu’il faut trouver les remèdes. On avait les remèdes avant même que la situation ne se présente à nous. Ma candidature aux élections présidentielle faisait, déjà, partie de mes remèdes. Qui peut me dire parmi tous ceux qui lisent cette interview, que lorsqu’il a entendu qu’Adama Dahico a déposé ses dossiers pour sa candidature à l’élection présidentielle, qu’il n’a pas souri, ou n’a pas appelé un proche pour se rassurer si j’étais vraiment au sérieux ou non ? Ce scenario était inclus dans mes remèdes. En peu de temps, tout le monde entier a été alerté, qu’un comédien, un humoriste, était candidat à l’élection présidentielle. Les gens ont dit : si les politiciens jouent la comédie à la place des humoristes, c’est normal qu’un humoriste fasse la politique à leur place. Et moi, je disais : quand ils vont revenir à la politique, je reviendrai à ma comédie. Cela détendait l’atmosphère. La preuve, vous avez vu, n’y pas eu de problème jusqu’au premier tour. C’est peu après que, nous avons basculé dans la violence. Ce sont des choses que nous déplorons tous. Le remède, c’est donc cette capacité de rire de nous. Si Adama Dahico peut faire des sketchs où chaque militant du Rdr, du Pdci, du Fpi, de l’Udpci, de tous les partis politiques, se retrouve et qu’il en rit, ça peut contribuer à baiser un peu l’atmosphère. Après tout, nous sommes tous des Ivoiriens. Le pays d’abord, les partis politiques ensuite. Le remède, c’est quoi ? Il y a eu 14 candidats à l’élection présidentielle. Le président Henri Konan Bédié est le candidat du Rhdp. Le président Alassane Ouattara est le président de la République de Côte d’Ivoire. D’autres candidats sont au gouvernement. J’aurais souhaité que les autres candidats, puisque c’est pour la paix qu’ils sont allés aux élections, qu’on en fasse des ambassadeurs de la paix et de la réconciliation, en leur confiant des missions dans ce sens. De la même manière qu’ils sont allés voir les Ivoiriens lors de la campagne, ils peuvent refaire ce même parcours là, pour leur dire : allons à la paix et à la réconciliation. Mais, alors qu’on n’a pas encore fini de faire la paix et la réconciliation, que des Ivoiriens sont encore dans le doute, on annonce déjà des candidatures. Est ce qu’on a fini de régler les problèmes qui ont amené aux palabres et on focalise les esprits sur 2015 ? A mon avis, il faut que, dès maintenant, on se remette sérieusement au travail, pour que cette réconciliation ne soit pas un simple slogan.

On a parlé d’amnistie générale. Vous pensez que c’est un remède aussi ?

Moi je dis que toute solution, qui peut ramener la paix en Côte d’Ivoire, ne doit pas être écartée. Si amnistier des gens qui ont posé des actes condamnables peut ramener, en partie, la paix, on peut l’essayer. Ce n’est pas ce qu’on n’a jamais fait en Côte d’ Ivoire. Du temps du président Gbagbo, l’amnistie a fait partie des revendications de ceux qui, à l’époque, avaient pris des armes. Je crois que cela a apporté un plus à la réconciliation. La Côte d’Ivoire doit rester la Côte d’Ivoire. Elle doit essayer tout ce qui peut permettre de faire 100 mètres sur le chemin de réconciliation qui est une course de longue haleine.

Comptez-vous de nombreux amis parmi les exilés ?

Adama Dahico avait des amis partout. Les exilés, ce n’est pas seulement les hommes politiques. Il y a des gens qui, par le fait de la guerre et pour se trou ver un abri, se sont retrouvés dans certains pays, ont commencé à y mener des activités. Ces activités ayant prospéré, ils ont préféré y rester. Quand on parle d’exilés, on pense tout de suite aux politiciens, non ! Ce sont parfois des gens qui n’ont rien à se reprocher. En ce qui concerne les exilés politiques, j’en connais beaucoup. J’ai été directeur d’un festival, j’ai donc côtoyé des directeurs généraux, des chefs d’entreprises, qui aujourd’hui, sont en exil.

Vous ont-ils fait part de leurs soucis ou de conditions pour leur retour au pays ?

Je ne suis pas réellement en contact avec des politiques en exil pour savoir s’ils ont des conditions. Le gouvernement a mis en place une Commission dialogue, vérité et réconciliation. Elle est mieux placée pour aller les rencontrer et recueillir éventuellement leurs exigences, s’ils en ont. Moi, je ne suis pas en activité politique au sens propre du terme, mais si on me confie une mission, dans le sens d’aller rencontrer des exilés et savoir leurs conditions ou exigences, je n’hésiterai pas. Cela fait partie de mon devoir de citoyen ivoirien.

La crise malienne vous a t elle a surpris ?

Je suis touché aussi par cette crise parce que j’ai mes origines au Mali. J’y ai une famille nombreuse. J’ai beaucoup de parents qui sont des guides touristes, il y en a qui sont des antiquaires. Je viens d’un village qui vit à 80% des ressources des touristes. Malheureusement, rien ne va plus, depuis l’éclatement de la crise et nous sommes souvent sollicités pour des aides financières. J’ai été au Mali avant même l’éclatement de la crise et j’ai eu à dire à certains frères de faire attention, car ce qui est arrivé en Côte d’Ivoire pouvait arriver au Mali. Ils m’ont répondu que le Mali était un pays démocratique et que depuis le coup d’Etat de Att contre Moussa Traoré (Ndlr : le 26 mars 1991), les choses ont été mises en place, et qu’il n’y aura jamais de crise politique au Mali. Le temps m’a plutôt donné raison. Il y a longtemps que la situation perdurait dans le nord du Mali. Le moment était venu pour que quelque chose soit déclenché. Mais jusqu’au aujourd’hui, rien n’est vraiment stable, à mon avis. Tout le monde semble faire semblant. On ne peut pas dire qu’on a chassé les djihadistes et qu’un groupe ethnique revendique son autonomie, son indépendance, sa souveraineté. Il ne peut pas avoir un Etat dans un Etat. Le conseil que je donnerais à mes parents Maliens, c’est celui-ci : c’est vrai, vous voulez aller aux élections, mais il faut que vous régliez d’abord totalement la crise politique pour ne pas tomber dans les mêmes erreurs que nous avons pu connaitre ici en Côte d’Ivoire.

A la Rti, on ne vous voit plus trop. Est ce qu’il y a un problème ?

Je passais à la télévision ; si je n’y passe plus, il peut y avoir des raisons, c’est vrai. La Rti m’a honoré en disant que je fais partie des personnalités les plus importantes pour ce pays et qu’on ne doit pas utiliser mon image à des fins commerciales. J’ai été très content quand j’ai appris cela. En même temps, j’ai été peiné, parce que beaucoup pensaient que j’étais hors du pays du fait que je ne passais plus à la télé ou que je refusais de travailler pour le nouveau régime. Bref, il y a eu beaucoup d’interprétations. D’aucuns, ont même dit que j’étais censuré. C’est une œuvre qu’on censure et non un individu. Dans mes comédies, je répondais donc en disant que je n’étais donc pas censuré, mais sanction né. Pour dire, tout simplement que, parce qu’on a eu à dire ou à faire de choses, on nous a tous mis dans le même sac en disant : tout ça, c’est l’ancien régime. Tout ceci est vrai ment passé. C’était sous l’effet de l’émotion. Et aujourd’hui, je peux dire que je ne suis plus censuré à la Rti. La preuve, quand j’ai fait le spectacle du Gondwana avec Mamane, je passais à Midi Première, les spots passaient à la télévision où mon nom était cité. Je crois que cela a fait partie des signes d’apaisement. Je suis toujours disponible. Le jour où j’ai une œuvre à promouvoir, je me rendrai à la Rti. D’ailleurs, le mercredi dernier, j’étais invité comme icône de l’humour, à l’émission « Zouglou humour » de la radio Fréquence 2, pendant deux heures. Mais, pour être honnête, le fait de ne pas passer à la télévision m’a causé d’énormes préjudices. J’avais des contrats en bonne et due forme avec certaines sociétés pour lesquelles je fais des animations. Et le fait que les publireportages ne pouvaient pas passer à la télévision, les contrats ont été rompus. J’ai perdu beaucoup d’argent, alors qu’on sortait d’une crise où mon domicile a été pillé, mes véhicules emportés. Jusque-là, je n’ai pas de véhicules. Je me débrouille avec certains amis. Le plus important, c’est quand on a la vie. Et comme je le dis toujours, Adama Dahico, c’est pour la Côte d’Ivoire, ce n’est pas un individu.

Vous êtes donc en quelque sorte une victime de guerre ?

Oui, je suis parmi les victimes, si on peut le dire. Car, quand des individus qui ont des véhicules estampillés Frci, qui portent des treillis, ont des kalach, te braquent, te prennent ta voiture que tu ne retrouves plus, qu’ils se rendent chez toi, avec tout un arsenal de guerre, encerclent ta maison et la vide parce que, tout simplement, tu étais avec l’ancien régime, tu peux dire que tu es une victime. J’ai été 11ème aux élections présidentielles de 2010, sur les 14 candidats, je suis une icône de l’humour en Côte d’Ivoire et en Afrique; le minimum était de m’apporter plutôt une petite assistance pour donner une bonne image de la Côte d’Ivoire. Ne serait-ce qu’un moyen de déplacement ou une sécurité. Moi, je n’ai pas de moyen de déplacement, ni de garde du corps. Je suis un citoyen comme tout le monde ; je dois dire que je me sens plutôt bien dans ma peau.

Quelles sont vos prochaines œuvres ou vos projets ?

Un artiste a toujours des projets. Mon rêve, c’est d’avoir une salle de spectacle de 1500 places où on peut donner des spectacles d’humour à tout moment. Je travaille dur actuellement, parce que les gens me réclament. Adama Dahico, ce n’est pas seulement sur la scène ou à la télévision ! J’ai des projets presque dans tous les domaines d’expression artistique. Mon prochain livre est en pleine édition. Il s’intitule : Eh dja ma vieille, Dieu avant tout. Mes premiers sketches sont en cours de finition avec des textes inédits. Je fais la part belle à la lutte contre le Sida, une lutte dans laquelle je suis engagé depuis les années 1995. Nous travaillons discrètement sur mon prochain album, un album de 12 titres 100% musique reggae, avec des textes et des thèmes d’éveils de conscience, de détente. Il y a aussi mon prochain spectacle : du Cp1 à la Cpi. C’est un one man show d’une heure 15 minutes. Je compte la jouer à Abidjan très bientôt. Inch allah, après le mois de carême. S’ajoute à cela un concept que j’ai conçu, le dictateur bien aimé. C’est une émission télé. J’y travaille et compte la faire produire pour d’éventuelles télévisions qui seront intéressées. Il y a enfin, ce que tout le monde connait en Afrique désormais, à savoir, le Festival international du rire d’Abidjan (Fira). Un festival qui, aujourd’hui, fait la fierté de la Côte d’Ivoire et de beaucoup d’humoristes en Afrique. A partir du Fira, beaucoup de festivals ont été installés dans les capitales africaines, parce que beau coup y croient maintenant. Je suis l’un des premiers humoristes qui a fait venir des sponsors dans un spectacle d’humour. Aujourd’hui, on me réclame le festival. Mais cela a besoin d’un budget conséquent. Voilà pourquoi, mon souhait est de rencontrer le président de la République, discuter avec lui, voir comment nous pourrions reprendre les activités là où nous les avons laissées. Le ministre de la Culture sait que je suis là. Il avait voulu un moment que je le rencontre, ses services ont même pris mon contact, mais je n’ai pas eu de retour jusqu’à ce jour. J’ai rencontré pendant plus d’une heure le président de la Cdvr (Commission dialogue, vérité et réconciliation), Charles Konan Banny. J’attends donc toujours un coup de fil. Là où j’ai été écœuré, c’est quand je n’ai été ni approché, ni appelé, pour participer à la caravane de la réconciliation en Côte d’Ivoire. Je suis une icône de l’humour, j’étais parmi les mieux placés, dans une délégation, pour tourner, sillonner, parler de paix et de réconciliation. Malheureusement, ça n’a pas été le cas. Ils sont allés chercher des artistes à Paris, alors que moi, j’étais dans mon Abobo, comme on dit. Comme on est beaucoup, dans le milieu des artistes, si ceux qui ont été sollicités ont permis d’atteindre les objectifs qui avaient été fixés par le gouvernement ou l’Etat, c’est le plus important. Moi, je suis à la disposition de l’Etat.

Interview réalisée par BENOIT HILI