Dans cette histoire dans laquelle nous sommes embarqués, il y a des faits qui nous rassemblent et des faits qui nous divisent. Des faits qui nous interpellent et des faits qui nous laissent indifférents. Et j’ai toujours fait le choix d’interroger les faits qui m’interpellent pour essayer de les comprendre, sans céder à la faiblesse des accusations faciles. C’est encore ce que je vais essayer de faire ici.
Des images publiées par les services d’Hamed Bakayoko présentant le président du CRI-Panafricain Abel Naki avec le sécurocrate du régime Ouattara ont été largement commentées ici. Et point n’est besoin de dire que ces images muettes ont provoqué un certain émoi. Des accusations de traîtrise ont fusé alors que d’autres personnes encourageaient celui qui a, avec d’autres, animé la résistance à Paris, pendant la crise post-électorale et depuis le renversement du président Gbagbo.
Pour ma part et jusqu’ici, je me suis gardé d’en dire un mot parce que la date du 19 septembre et celle du 20 septembre sont pour moi des dates qu’on ne saurait banaliser en se perdant dans des polémiques. Le 19 septembre 2002, il y a eu la tentative de coup d’état qui conduira plus tard au coup d’état du11 avril 2011. Et le 20 septembre 2002, le président Gbagbo , en retournant dans son pays où crépitaient encore des coup de feu, a montré un courage exceptionnel et son sens de la responsabilité à lui confiée par les ivoiriens.
C’est donc avec une certaine curiosité que je lisais les différents commentaires sur la posture du président du Cri-Panafricain, quand Abel Naki lui-même a publié un communiqué qu’il a fait signer du nom de son chef de cabinet qui réside à Bordeaux, et qui ne figure pourtant pas sur les photos publiées.
J’ai alors fait un tour rapide sur le mur de son chef de cabinet, pour voir s’il y avait publié lui-même ces photos et le communiqué signé de son nom. Je n’y ai rien trouvé. Ce dernier dira d’ailleurs dans un commentaire qu’il est rentré en France le jeudi 18 septembre pour des raisons professionnelles. Il n’était donc pas le vendredi 19 septembre à Abidjan pour rendre compte de cette audience. Et comme Abel Naki s’est rigoureusement refusé à commenter son propre post, ou ne pouvait pas le faire compte tenu de son programme, on peut se demander s’il ne voulait pas simplement attirer l’attention de son chef de cabinet afin qu’il assure le service après-vente. Abel Naki semble en tout cas avoir été pris de vitesse.
On se demande si Hamed Bakayoko n’a pas joué un tour de communication au président du Cri-Panafricain, en entourant de secret cette rencontre pour mieux le surprendre car lui aussi est resté discret sur ce point de son programme, certainement à la demande d’Hamed Bakayoko lui-même, alors qu’il n’avait cessé de communiquer sur son retour au pays, ne négligeant jamais aucun détail. On ne trouve, en tout cas, sur son mur aucun communiqué annonçant cette audience.
Alors, et si Hamed Bakayoko avait simplement voulu semer le doute dans l’esprit des partisans du président Gbagbo pendant qu’Abel Naki était encore avec lui, donc pas encore en situation de donner une réplique immédiate ? On peut en effet se poser cette question car il semble avoir atteint son but au vu des commentaires qui ont été généralement hostiles, sans doute à cause de l’effet de surprise, car si Abel Naki avait pu être le premier à informer lui-même de cette visite, ou même s’il avait pu l’annoncer, les réactions dans son camp auraient été moins virulentes parce qu’il n’y aurait pas eu de surprise. Hamed Bakayoko a donc bien manoeuvré en tenant tout le monde dans l’ignorance de ce point du programme d’Abel Naki, et en étant ensuite le premier à publier les images de cette audience , prenant ainsi le temps d’avance qui fait la différence en communication en mettant l’autre sur la défensive.
Est-ce pour dissiper le doute ainsi créé, et qu’il a certainement très vite perçu, qu’Abel Naki s’est empressé de faire un communiqué qu’il a fait signer du nom de son chef de cabinet qui n’a pourtant pas participé à la rencontre ?
Mais, allons regarder le contenu de ce communiqué dans lequel sont indiquées les deux raisons qui ont justifié cette rencontre.
Il y est écrit ceci : « L’objet général de cette entrevue consistait à OBTENIR du ministère de l’intérieur les garanties sécuritaires nécessaires au bon déroulement de la mission de la délégation du Cri-Panafricain en Côte d’Ivoire. »
Étonnant quand même de quitter Paris sans avoir pris soin de demander ces « garanties sécuritaires nécessaires au bon déroulement de sa mission » quand on connaît les dispositions du régime Ouattara à l’égard d’Abel Naki pour l’avoir déjà accusé de certaines choses graves. Mais est-ce peut-être pour cette raison qu’il est indiqué dans ce communiqué que « le ministre a, pour sa part, salué le courage de la délégation du Cri-Panafricain arrivée en Côte d’Ivoire » ? Cependant, en écoutant Abel Naki, ces histoires sont désormais « loin derrière nous ». Serait-ce une simple amnésie du régime ou le résultat d’une négociation ayant débouché sur des assurances ?
On voudrait quand même noter qu’il y avait des policiers qui accompagnaient la délégation du Cri-Panafricain à l’aéroport, comme on peut le voir dans la vidéo qui a été diffusée par Abel Naki lui-même sur sa page Facebook. On peut donc penser que des dispositions sécuritaires, pour la sécurité juridique comme pour l’intégrité physique d’Abel Naki de même que sa délégation, ont donc déjà été prises bien avant l’arrivée en Côte d’Ivoire, ce qui rend une demande de garanties inutile.
Les autres revendications déclinées dans le « cahier de doléances » dont parle ce communiqué sont celles que porte tout le camp des partisans du président Gbagbo, le FPI en tête. Et la réponse qu’aurait donnée Hamed Bakayoko prête donc à sourire. Car qui peut raisonnablement penser qu’il fallait qu’Abel Naki vienne le réclamer pour que ces revendications fassent l’objet de « la plus grande attention », là où ce régime fait chanter le FPI qu’il soumet d’ailleurs à une demande de rançon politique pour la libération des prisonniers ? Ou doit-on penser que le FPI a quelque chose à offrir alors qu’Abel Naki lui, n’aurait rien à offrir, et donc que rien ne lui a été demandé en retour ?
Ce qu’on peut retenir en tout cas, c’est que ce communiqué a été fait dans l’urgence et ne rend pas véritablement compte de la réalité des choses. D’ailleurs pouvait-il en être autrement alors que le vrai acteur dans cette affaire, c’est Hamed Bakayoko et lui seul ? Toute cette orchestration ne vise donc en réalité qu’à discréditer l’engagement d’un homme. Par conséquent, tout ce que Hamed Bakayoko a pu dire à Abel Naki n’était sans doute que pour meubler la conversation. Ce sont les photos que voulait Hamed Bakayoko !
Pour conclure, on dira que le président du Cri-Panafricain est sans doute tombé dans le piège du service de communication d’Hamed Bakayoko, pour ne pas dire d’Hamed Bakayoko lui-même qui a orchestré de bout en bout cette mise en scène parfaitement maîtrisée.
Et ce ministre du régime Ouattara doit être aujourd’hui bien heureux d’avoir semé la zizanie parmi les partisans du président Gbagbo, une fois de plus, car c’est devenu un rituel. Beaucoup de partisans de Gbagbo qui vont ou retournent en Côte d’Ivoire vont le voir, comme dans une sorte d’allégeance, et il publie toujours des photos de ces rencontres qui nourrissent toujours des débats sur les dispositions de ses hôtes par rapport au combat pour la libération du président Gbagbo et le retour à l’état de droit en Côte d’Ivoire.
Emmanuel Veh, président du Conseil National France du Cri-Panafricain, dans une mise au point qu’il a publiée aujourd’hui même, a écrit ceci : « J’en appelle à l’intelligence des uns et des autres, la libération du président Laurent Gbagbo, Simone Gbagbo, Charles Blé Goudé et des prisonniers politiques ivoiriens. Nous luttons dans l’intérêt supérieur de la nation. Il n’y a donc aucun deal qui tienne, nos actions à venir rassureront et prouveront notre engagement ».
C’est sans doute vrai ce que dit ce responsable du Cri-Panafricain mais, en attendant « les actions à venir », c’est Hamed Bakayoko qui mène la danse, de bout en bout, pour le seul bénéfice du régime Ouattara.
Voilà ce que je pense.
Alexis Gnagno
Source: Facebook