A plus de 10 mois du lancement du péage sur l’autoroute du Nord, les usagers grognent, pour des promesses non tenues. Outre le centre de secours d’urgence de N’zianouan, les autres promesses tardent à se réaliser. Conséquence : le nombre de victimes d’accident de la circulation abandonnées sans secours s’allongent au quotidien. Seuls quelques privilégiés s’en tirent à bon compte.
Le dimanche 22 février 2015, un minicar immatriculé 9954 Fy 01 et ses passagers sont projetés dans les ravins aux environs de 17 heures par un gros camion immatriculé 8121 CE 01 sur l’autoroute du Nord PK 103. Bloquant le passage pendant de longues heures. On dénombrait plusieurs blessés qui jusqu’à 18 h 16 attendaient toujours des secours. Une situation a qui suscité des colères dans le rang des passagers. «C’est quand tous les passagers vont succomber que les secours vont-ils arriver», fulminaient de colère les uns et les autres. Pis, l’ambulance qui se pointe deux heures plus tard ne peut pas contenir tous les blessés. Ce qui est malheureusement récurrente sur l’autoroute du Nord depuis le lancement du péage, selon divers témoignages recueillis auprès des usagers. En effet, pour accompagner l’opération de péage, le Fonds d’entretien routier (Fer), avait promis un certain nombre de mesures d’accompagnement. Un an après, le constat est triste. «A part le centre de secours d’urgence de N’zianouan, tout ce qui été promis comme mesures d’accompagnement n’a pas été réalisé», confient des usagers rencontrés vendredi, au cours d’une visite sur l’autoroute. En termes de mesures d’accompagnement, il s’agit entre autres de la création d’un comité mixte Etat/Transporteurs chargé d’étudier les problèmes liés à l’exploitation de l’autoroute, l’évacuation héliportée des blessés vers le centre de secours ultra moderne, la construction d’aires de repos, la surveillance du trafic sur toute l’autoroute par camera, la lutte contre le racket, les enlèvements des véhicules avec l’implication des transporteurs, l’éloignement des commerçants des abords de l’autoroute… «On paie et on ne bénéficie de rien, il n’y a pas d’espace pour stationner. Pour une petite panne vous avez les services d’enlèvement sur votre dos», nous ont confié samedi nuit à Elibu, 57 km d’Abidjan des chauffeurs de gros camions en partance pour le Nord du pays. Faute d’espaces, ils sont obligés de stationner sur le trottoir, réduisant dangereusement la chaussée. En matière de secours aux victimes des accidents, seuls quelques privilégiés, ont la chance de bénéficier de service d’urgence. Le président de la coordination nationale des gares routières Touré Adama, récemment lors d’un entretien bilan avec la presse, n’a pas caché sa colère. Selon lui, aucune des promesses faites par les responsables du Fonds d’entretien routier (Fer) n’a été respecté. Alors que c’est sur cet engagement ferme de traduire en acte concret des promesses que les transporteurs ont accepté le péage. « Nous sommes les grands oubliés de l’émergence. Aujourd’hui, onze mois après l’ouverture de l’autoroute aux usagers et six mois après le lancement des opérations de péage, c’est avec amertume que la Coordination nationale des gares routières fait les constats suivants: le comité mixte promis n’existe toujours pas, aucun transporteur ne figure dans le conseil d’administration du Fonds d’entretien routier. Les tarifs du péage sont fixés sans consultation des transporteurs représentatifs. Aucun bilan après six mois du péage n’est établi. Les contrôles radar au lieu d’être visibles pour dissuader sont opérés en cachette. Les centres de secours sont toujours attendus. Des postes d’observation se transforment en poste de contrôle pour opérer le racket. L’évacuation héliportée des accidentés n’est qu’un mirage. Aucune ambulance promise n’est encore livrée au même titre que les airs de repos. Le parc auto est toujours vieillissant… Pendant ce temps on assiste à l’embourgeoisement du Fer avec le train de vie des dirigeants et les nouveaux véhicules. Sans oublier les partis politiques qui y émargent », déplore Touré Adama. Aussi soutient-il que les transporteurs ont été « floués » par le gouvernement.
Alors que, poursuit-il, le système péage a rapporté en six mois d’exercice 4,4 milliards de Fcfa, a annoncé récemment le ministre du budget Abdourahmane Cissé, lors de la présentation du projet de la loi de finance 2015 devant députés membres de la Commission des affaires économiques et financières de l’Assemblée nationale. «De la mi-mai 2014 (date de lancement du péage) à fin novembre 2014, les recettes du péage collectées se chiffrent à 4,4 milliards de Fcfa », a dit le ministre Cissé, précisant que « ces recettes du péage ne sont pas inscrites au budget de l’Etat », mais sont «versées au budget du Fond d’entretien routier (Fer)». Les recettes prévisionnelles du péage de l’autoroute du Nord à en croire le ministre ont été chiffrées à 7,6 milliards de Fcfa sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014. Les véhicules personnels paient 2.500 Fcfa à chaque passage. Pour les véhicules de transport de type 20 places (Massa), le montant est de 2.500 Fcfa le passage (soit 5000 francs aller et retour) et ceux de 60 places paient 7500 francs le passage (soit 15.000 francs aller et retour). Les poids lourds déboursent 10.000 Fcfa, soit 20 000 aller et retour. En plus des frais du pesage. Ces prix devront permettre à l’autoroute de rester neuve en permanence, d’avoir un entretien périodique (chaque année et surtout chaque 5 ans pour de grosses réhabilitations).
Abou Traoré
Source: Le Sursaut, lundi 9 mars 2015