PARIS, France, 22 janvier 2015 | La Coalition Mon Vote doit compter, initiée par la FIDH condamne fermement la sanglante répression des manifestations pacifiques contre l’adoption de la loi électorale, qui a déjà fait 42 morts à Kinshasa et plusieurs blessés dans d’autres grandes villes du pays. Alors que le projet de loi doit être voté jeudi prochain au Sénat, la coalition de près de 100 organisations de la société civile africaine et internationale appelle les autorités congolaises à mettre un terme à l’usage excessif de la force à l’encontre des manifestants, à poursuivre et sanctionner les auteurs des graves violations des droits humains commises ces derniers jours, ainsi qu’à retirer le projet de loi électorale qui constitue une manœuvre politique en vue de la prochaine élection présidentielle prévue en 2016.
« Comme cela est malheureusement devenu récurrent en RDC, les forces de sécurité ont à nouveau fait preuve d’une réaction totalement excessive et disproportionnée, en tirant à balles réelles sur des manifestants faisant 42 morts et des dizaines de blessés. Les autorités doivent mettre un terme immédiat à cette répression, identifier les auteurs des crimes commis et les traduire en justice » ont déclaré nos organisations. « La journée de jeudi, jour du vote de la loi par le Sénat, sera celle de tous les dangers si les autorités s’entêtent dans cette répression », ont-elle ajouté.
Depuis lundi 19 janvier 2014, les manifestations contre l’adoption du projet de loi modifiant la loi électorale ont tourné à l’affrontement, notamment à Kinshasa. La police anti-émeute congolaise a réprimé à balles réelles les manifestants. Le quartier autour de l’Assemblée nationale est totalement bouclé par des centaines de policiers et militaires, notamment de la garde présidentielle, afin d’empêcher les manifestants d’atteindre le Parlement. Les manifestants ont quant à eux érigé des barricades dans plusieurs quartiers de la ville et des scènes de pillages ont été rapportées particulièrement contre les magasins de propriétaires chinois, considérés comme soutiens du régime en place. À ce jour, et selon les informations recueillies par nos organisations, l’on dénombre au moins 42 morts, des dizaines de blessées et plusieurs personnes arrêtées.
Les autorités congolaises semblent vouloir étouffer la contestation par tous les moyens. Depuis le 19 janvier au soir, les communications internet et sms sont coupées et l’antenne de Radio France internationale (RFI) est coupée depuis le 21 janvier. Des membres de l’opposition ont été arrêtés, tel que Jean-Claude Muyambo, président du SCOD, ancien parti de la majorité présidentielle qui a rejoint l’opposition, arrêté le 20 janvier au matin à Kinshasa, ainsi que deux représentants de l’UDPS et de l’UNC, les principaux partis d’opposition, arrêtés eux à Goma. Dans l’après-midi du 21 janvier, des policiers ont empêché un groupe d’opposants politiques de rendre visite aux blessés à l’hôpital général de Kinshasa Mama Yemo, ce qui a donné lieu à une violente altercation et à l’intervention d’éléments de la garde présidentielle qui en tirant ont fait trois blessés.
« Les autorités congolaises ne peuvent plus ignorer la volonté du peuple congolais de voir les prochaines élections législatives et présidentielle organisées dans le strict respect de la Constitution et des engagements régionaux et internationaux de l’État congolais. Le président Kabila doit retirer son projet de loi et garantir l’organisation d’élections régulières, libres, et transparentes », ont déclaré nos organisations.
Contexte
Le 5 janvier 2015, le gouvernement a déposé un projet de loi portant modification de la loi électorale. Ce projet dispose que la liste électorale « doit être actualisée en tenant compte de l’évolution des données démographiques et de l’identification de la population », faisant ainsi du recensement de la population un pré-requis à l’organisation de tout scrutin législatif et présidentiel à venir. Dans un pays de 2,5 millions de km carré, comptant plus de 77 millions d’habitants, et en proie à la violence et une instabilité récurrentes, un tel recensement paraît difficilement réalisable en moins de 4 ans, permettant ainsi de reporter d’autant la tenue du scrutin présidentiel auquel Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001, ne peut, théoriquement, pas se présenter.
Dès le début de l’examen du projet de loi par le Parlement, l’opposition et la société civile n’ont cessé d’exprimer leurs craintes et désaccords. Des partis d’opposition ont d’abord appelé au rassemblement et au boycott des travaux parlementaires. Le projet de loi ayant été adopté en catimini par l’Assemblée nationale le 17 janvier dernier, l’opposition, a dénoncé un « coup d’État constitutionnel », et appelé la population à manifester massivement dès le lundi 19 janvier alors que le Sénat devait examiner le projet de loi.
« Mon vote doit compter »
Entre 2014 et 2016, 52 élections dont 25 élections présidentielles doivent se tenir dans 27 pays africains. Pour éviter les manipulations, fraudes et violences dues aux élections tronquées, à l’initiative de la FIDH, plus de 100 organisations de la société civile africaine et internationale ont décidé de se mobiliser au sein de la coalition « Mon vote doit compter ». La Coalition exige des gouvernants qu’ils respectent le droit légitime des peuples à choisir librement leurs représentants à l’occasion d’élections régulières, libres, et transparentes, par une mobilisation publique, des actions de terrains et un plaidoyer politique en amont de chaque scrutin jusqu’en 2017.
Organisations de la Coalition en RDC :
Anges du ciel
ACAJ – Association congolaise pour l’accès à la justice
ANMDH – Les amis de Nelson Mandela pour la défense des droits humains
ASADHO – Association africaine des droits de l’Homme
CDH – Comité pour les droits de l’Homme
GL – Groupe Lotus
JUSTICIA Asbl
LE – Ligue des Électeurs
LICOF – Ligue contre la corruption et la fraude
OCDH – Observatoire congolais des droits de l’Homme
OSD – Œuvres sociales pour le développement
Toges noires
VSV – Voix des sans voix
SOURCE : International Federation of Human Rights (FIDH)