Par Dr. Prao Yao Séraphin, Analyste politique

Par Dr. Prao Yao Séraphin, Analyste politique

« L’ingratitude est la fille d’une âme basse, égoïste et méchante. » (Charles Dubois)

En Afrique, la politique n’est plus aujourd’hui qu’un spectacle pour nous divertir. Car l’essentiel, est ailleurs : c’est le Pouvoir qui continue de nommer et de définir ce qui sera le « bien commun » : son moyen de garder le pouvoir, malgré et contre les gens qui le subissent. Avec le spectacle donné aux Ivoiriens, ces derniers s’interrogent et disent : c’est quoi, aujourd’hui, faire de la politique ? Est-ce vraiment ce que font nos hommes et femmes politiques, gesticuler en tentant de flairer dans quel sens va le vent de la prétendue opinion publique ? Faire de la politique se résumerait alors à savoir bien lire, et lire entre les lignes, les sondages ?

La politique c’est ce qui a trait au collectif, à une somme d’individualités et/ou de multiplicités. La politique a culturellement pris une importance grandissante dans nos sociétés modernes, et ce d’autant plus que les moyens de communication et les médias accessibles aux citoyens tout comme les plate-formes de blogs, se sont multipliés.

Selon Aristote, l’Homme est un animal politique. Le seul être vivant qui doive inventer une société et une façon de l’organiser. En Côte d’Ivoire, les hommes politiques ont failli en ce sens qu’ils ne cherchent pas à devenir des modèles identificatoires, ils sont portés sur l’argent, l’intérêt personnel. Nous abordons ici l’ingratitude de certains hommes politiques de notre pays. Ce texte se propose simplement d’éveiller les consciences.

Bédié était en exil mais Président du PDCI-RDA

Henri Konan Bédié  a  bénéficié des largesses des Ivoiriens. A la mort d’Houphouët-Boigny, Ouattara refuse tout d’abord de démissionner, mais face aux pressions internationales et à la revendication par Henri Konan Bédié, président de l’Assemblée nationale, d’assurer l’intérim présidentiel, comme cela est prévu par la Constitution, il finit par obtempérer. A cette période, tous les Ivoiriens étaient de son côté car il avait le droit avec lui. Il remportera l’élection présidentielle d’octobre 1995, boycottée par l’opposition hostile au Code électoral limitant le droit de vote aux citoyens nés de parents ivoiriens. Le putsch du général Robert Gueï, le 24 décembre 1999, le contraint à abandonner le pouvoir. Après 22 mois d’exil en France, Henri Konan Bédié rentre en octobre 2001 pour participer au Forum de réconciliation. Mais le fait majeur, c’est que Bédié était toujours le Président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) malgré son exil parisien. Tous les cadres du PDCI étaient des farouches partisans de la candidature de M. BEDIE, malgré le handicap que constituait son exil en France. Même lorsque Fologo voulait briguer la Présidence du PDCI, il a attendu le retour de Bédié avant de dire sa volonté de prendre le contrôle du PDCI.

Malgré le mandant d’arrêt contre Ouattara, il était Président du RDR

Le Président actuel de la Côte d’Ivoire vient de loin. Henri Konan Bédié n’a pas été du tout tendre envers lui. Ouattara a non seulement été puni mais châtié par le sphinx de Daoukro. Ouattara a en effet été inculpé pour «faux et usage de faux» concernant ses cartes d’identité. Le mandat d’arrêt de Bédié a été lancé le 29 novembre 1999 par un juge d’instruction du tribunal d’Abidjan. Mais le mandat d’arrêt contre Ouattara n’a pas empêché le Rassemblement des républicains (RDR), de le choisir comme Président du Parti et candidat. En effet, il a été intronisé le 1er août 1999 candidat à la présidentielle d’octobre 2000 par son parti. Les cadres du RDR sont restés fidèles à Ouattara et aujourd’hui il est reconnaissant pour cela. On peut critiquer Ouattara à longueur de journées mais il n’est pas ingrat. Il sait estimer à juste valeur ce que ses fidèles ont fait pour lui. Et c’est une très bonne qualité surtout pour tous ceux qui veulent gouverner.

Mais quelle est cette ingratitude envers Laurent Gbagbo ?

La plupart des gens sont attirés par le pouvoir. Le pouvoir social, le pouvoir de l’argent, le pouvoir au sein d’un parti, d’une organisation sont les formes les plus popularisées de pouvoir dans les sociétés modernes. Et également, l’histoire, entrecoupée de guerres horribles et sanglantes, nous rappelle que la politique est responsable des pires atrocités que l’humanité ait connues. Ainsi, les guerres résultent directement et principalement de la division des territoires en nations particulières, en groupes communautaires, en groupes de pensée qui ne se rencontrent jamais que dans le conflit d’intérêts limités et fragmentés. Ce côté sombre de la politique, on le constate depuis le 11 avril 2011 au sein du Front Populaire Ivoirien (FPI). A peine à la Haye, les amis de Laurent Gbagbo le trahissent et veulent même le tuer. Le cas « Affi » étonne tous les Ivoiriens. Qui a fait connaître à la Côte d’Ivoire l’ancien ingénieur des télécommunications ? C’est bien Laurent Gbagbo ! Ministre du Tourisme dans le Gouvernement de transition du Général Robert Guéi, Affi devient Secrétaire Général Adjoint du Front Populaire Ivoirien (FPI) et directeur de campagne du candidat à la présidentielle de 2000.  Nommé Premier ministre le 27 octobre 2000, une fois Laurent Gbagbo élu à la magistrature suprême, il est fait président du Front populaire ivoirien (FPI), alors au pouvoir. Les Ivoiriens ne comprennent pas cette ingratitude à l’égard de Laurent Gbagbo. Pourquoi refuser la Présidence du FPI à Laurent Gbagbo si cela peut l’aider à sortir de prison ?

Conclusion

Les Ivoiriens ont toujours le dernier mot. Ils regardent et scrutent le comportement des hommes et femmes politiques. Les traîtres et les ingrats n’auront pas la faveur des Ivoiriens car ils se disent une seule chose : s’il n’est pas reconnaissant à l’égard de ses amis, que fera-t-il pour nous une fois élu ? Les Ivoiriens doivent méditer sur cette citation de Hypolite de Livry «  l’ingratitude n’est qu’une bassesse quand elle s’en tient à elle-même, c’est-à-dire, au défaut de reconnaissance ; mais elle acquiert un caractère odieux, atroce, épouvantable, inconcevable, indéfinissable, quand de son état passif elle passe à un état hostile ».